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Climat - L’armistice concerne en premier le front médiatique Un poison extrêmement toxique, la guerre des ragots

Il y a les causes, il y a les effets. Et il arrive que les deux se confondent. C’est le cas pour la guerre des ragots, pudiquement baptisés « fuites médiatiques », qui fait rage entre lahoudistes et haririens depuis des années. Des informations plus ou moins exactes, des interprétations tendancieuses, des insinuations, des accusations et des calomnies à foison. Cette bouillie se trouve adressée chaque jour, free delivery, aux salles de rédaction des médias audiovisuels ou de la presse écrite. Dont l’appétit vient en mangeant. Et qui font leur choix, le plus souvent mélangé, entre les menus proposés par les deux traiteurs, les deux cuisines, adverses.
Les prouesses gastronomiques sont surtout réalisées, bien entendu, à l’occasion hebdomadaire des Conseils de ministres. Dès que les commensaux se lèvent de table, les portables entrent en action. Rien, aucun détail, aucun éventuel secret d’État n’est caché aux répondants habituels des responsables, les journalistes amis des uns ou des autres.
Ce bataclan a porté le ministre de l’Information, Michel Samaha, à renoncer à donner lecture des résolutions divulgables du Conseil des ministres. Car, estime-t-il, de deux choses l’une : ou bien l’on respecte la règle de la confidentialité des débats ; ou bien on décide de passer franchement outre, en publiant verbatim le procès-verbal des séances.
L’une ou l’autre de ces formules permettrait en effet de contrer les stratèges, les tacticiens des deux camps. Qui rivalisent d’adresse. Tantôt en attribuant à des ministres des propos qu’ils n’ont pas tenus. Tantôt en escamotant des phrases pour dénaturer le sens d’une intervention. Tantôt en rajoutant des commentaires, pour que l’un ou l’autre des chefs soit déclaré vainqueur de telle ou telle joute.
Ces pratiques insidieuses alimentent, et attisent, le mal de la querellite autant sinon plus que les déclarations incendiaires directes des présidents ou des ministres. D’autant qu’on y a ajouté ces derniers mois une astuce aussi habile que pernicieuse : un échange d’allusions ciblées, voilant à peine de lourdes accusations. Parfois à caractère très personnel. Une sorte de fausses plaintes contre X, attribuées d’une manière vague à des proches du président Lahoud ou du président Hariri.
Sur ce point précis, le président du Conseil s’est retrouvé pour ainsi dire perdant. Car les rafales tirées dans sa direction ont paru faire mouche en altérant, en perturbant, ses relations avec Damas. C’est ce qui s’est produit quand certains médias ont répercuté des données sur les positions de Hariri concernant la présidentielle. On lui faisait dire que les investisseurs arabes ou étrangers doivent attendre la fin du régime présent. Et il avait ainsi l’air de prendre les devants par rapport aux options des décideurs. Indisposés par d’autres sujets, comme la restitution des fonds irakiens, des propos sur les sources de financement de la résistance en Palestine, ou encore sur l’échange de prisonniers entre Israël et le Hezbollah. Or, on le sait, les tuteurs n’apprécient pas les prises de position dites unilatérales, non concertées, surtout sur des questions à caractère régional.
Hariri s’est expliqué, lors de sa récente visite à Damas. En niant tout en bloc et en livrant le fond de ce qu’il pense vraiment. Pour qu’on voie bien la différence avec les propos qu’il aurait prétendument tenus. Et qui ont été rapportés par des sources aussi non identifiées que les objets volants du même nom.
Quoi qu’il en soit, pour en revenir aux effets qui deviennent des causes, il est presque certain que les remontrances du président Lahoud, détaillées dans son discours de l’Indépendance, ont été suscitées par l’ensemble du bruitage médiatique. Comme on sait, le chef de l’État a tancé une classe politique qui s’éloigne des préoccupations socio-économiques de la population, pour se consacrer à une lutte d’influence. Le président Lahoud a ensuite repris sa campagne contre le président Hariri, sans le nommer, à travers l’entretien accordé à l’Ordre des journalistes dirigé par Melhem Karam. Il a répété que les politiciens ne songent qu’à leurs intérêts et à leurs petits calculs personnels. Qu’ils sont indifférents aux besoins des Libanais. Hariri et ses partisans n’avaient pas commenté ces flèches. Et le président du Conseil, après le saut effectué à Damas, se montre convaincu qu’il est temps de mettre un terme à la guerre dite des fuites. D’où le communiqué de son staff de communication, précisant que désormais il ne faut prendre en compte que les déclarations faites directement par le chef du gouvernement.

Émile KHOURY
Il y a les causes, il y a les effets. Et il arrive que les deux se confondent. C’est le cas pour la guerre des ragots, pudiquement baptisés « fuites médiatiques », qui fait rage entre lahoudistes et haririens depuis des années. Des informations plus ou moins exactes, des interprétations tendancieuses, des insinuations, des accusations et des calomnies à foison. Cette bouillie...