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Vie Universitaire - Amine Assouad et Hanna Chalhoub répondent aux questions de « L’Orient-Le Jour » L’après-11 septembre, le mouvement estudiantin : quel rôle pour le Liban ?(photo)

Ils ont leurs idées, leurs convictions et leur franc-parler. L’un d’entre eux sera élu jeudi président du bureau de la faculté de droit au sein de l’amicale estudiantine de l’Université Saint-Joseph (USJ). L’Orient-Le Jour a organisé hier un face-à-face entre Amine Assouad, candidat indépendant appuyé par les Forces libanaises, le Parti national libéral, le « courant chamounien », la base Kataëb et le Parti socialiste progressiste, et Hanna Chalhoub, indépendant appuyé par le Courant patriotique libre. L’occasion d’offrir une tribune aux deux étudiants en quatrième année de droit et de leur permettre d’exposer leurs idées. Le débat, de très haut niveau, a porté sur deux questions : le rôle du Liban après le 11 septembre et l’avenir du mouvement estudiantin.
L’Orient-Le Jour – Qu’est-ce qui fait la spécificité du Liban, et quel rôle doit-il jouer au plan régional et international après les événements du 11 septembre ?
Hanna Chalhoub – Le pape Jean-Paul II a affirmé en 1997 : « Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message. » C’est vrai. Nous devons profiter du pluralisme qui existe au Liban. Il y a dix-huit communautés au Liban. Nous devons tirer ce qu’il y a de meilleur, et mettre de côté ce qu’il y a de mauvais, au niveau du pluralisme. Malheureusement, c’est le pire qui est de rigueur aujourd’hui, au plan national : le confessionnalisme politique constitue le fondement sur lequel repose le système, tout débat tourne au sectaire, nous votons en fonction de notre appartenance à une communauté. Les élections de Baabda-Aley constituent un exemple type de cela. Même au niveau universitaire, les choses ne sont pas très différentes. Le système confessionnel se répercute également sur une culture féodale. C’est la même classe politique, qui, de père en fils, gouverne le Liban depuis plus de soixante ans. Nous avons besoin de sang jeune. C’est une culture de dégénérescence qui s’impose. Nous sommes en train de prendre pour modèle tout ce qu’il y a de mauvais dans les régimes arabes. Les bulletins d’information sont réservés aux visites des responsables...
Amine Assouad – Le confessionnalisme politique ne constitue pas le fond du problème. C’est le confessionnalisme en tant que tel qui est mauvais. Le confessionnalisme politique est une formule juridique qui devait atténuer les effets du confessionnalisme et les clivages communautaires. La répartition des sièges au Parlement fait que les campagnes sont menées à l’intérieur des communautés et pas entre elles. Malheureusement, l’État libanais a été le garant d’un « équilibre communautaire » : il n’a jamais œuvré pour contenir et réduire les tensions communautaires. Il s’est transformé en un gâteau que tout le monde s’est partagé, d’où l’émergence de la corruption, du clientélisme, et, plus tard, de la dette publique.
H.C. – Le confessionnalisme politique est le problème. La classe politique corrompue qui est au pouvoir utilise ce phénomène pour avoir encore plus d’influence et de puissance, en divisant pour régner. Dans l’opposition, par exemple, certaines ne sont là que parce qu’ils ne gouvernent pas.
A.A. – Éliminer le confessionnalisme politique serait aujourd’hui un acte suicidaire, avec le bouillonnement au niveau des masses et des mentalités, qui sont toujours confessionnelles. C’est d’ailleurs ce qu’a écrit l’imam Chamseddine dans ses recommandations dernières. Il importe peu que le président de la République soit maronite, druze ou musulman. Alia el-Solh serait de loin meilleure que Élias Hraoui, par exemple. L’essentiel, c’est que l’allégeance aille en premier lieu au Liban. Mais le confessionnalisme politique en lui-même n’est pas le problème, surtout dans la représentation communautaire au sein du Parlement. Il commence à devenir un problème au niveau de l’Exécutif, quand on choisit en fonction de critères confessionnels et non pas sur base de la compétence de chacun. Les mentalités sont confessionnelles. Quand les passions communautaires s’éteindront, il sera possible d’éliminer le confessionnalisme politique. Il faut une déconfessionnalisation d’abord sociologique, puis politique, juridique et institutionnelle.
L’O-Le J. – Quelle alternative au système tel qu’il existe aujourd’hui ?
H.C. – La laïcité. Mais c’est utopique. Pas avant une cinquantaine d’années au moins. Lorsque les fonctionnaires et les ministres ne seront plus nommés en fonction du critère confessionnel, on aura dépassé une partie du problème. L’allégeance ira à l’État, et non plus à la communauté. Or les communautés constituent un obstacle entre l’État et le citoyen.
A.A. – Si un jour notre allégeance devient nationale, on pourra éliminer le confessionnalisme, mais par étapes. Le Liban est un pays laïc, qui admet la liberté de religion pour tout le monde, où toutes les confessions sont représentées. La séparation entre l’Église et l’État existe. Il s’agit d’un pays laïc, mais qui devrait se décommunautariser. Le vrai problème est un problème de culture et de civilisation, pas de religion. Ce n’est pas parce qu’on est chrétien ou musulman qu’il y a eu la guerre, mais parce que chacun avait sa propre vision du Liban : libanistes, arabistes. Le problème est idéologique et s’est fixé sur des structures communautaires.

Sortir des concepts creux
Le débat se poursuit sur la question palestinienne. Assouad exprime son rejet de l’implantation, mais plaide en faveur de la reconnaissance des droits de l’homme des Palestiniens en tant qu’individus, exception faite du droit de propriété, qui serait « un moyen détourné de réaliser l’implantation » et qu’il ne faudrait accorder qu’avec beaucoup de circonspection.
L’O-Le J. – Quelle place le Liban doit occuper après le 11 septembre ?
H.C. – Seul un Liban libre, indépendant et souverain, s’il m’est permis de reprendre le slogan, peut occuper une place avant-gardiste dans le monde de l’après-11 septembre. Mais tels que nous sommes aujourd’hui, nous sommes loin de constituer un exemple pour le monde. Nous parlons de coexistence à tout bout de champ et, sur le plan interne, chacun attend l’autre au tournant. Par contre, nous avons eu des expériences dans notre histoire qui peuvent être utiles au monde, en matière de coexistence.
A.A. – Je suis d’accord. Le Liban n’est pas un exemple à suivre, surtout après le 11 septembre. Tout ce discours sur le dialogue des cultures, la convivialité et la coexistence est creux. À chaque fois que l’équilibre interne était rompu au Liban, il y avait une guerre. Et aujourd’hui, il est rompu. Le pays doit occuper un rôle dans les coulisses de la scène internationale, au niveau de la politique étrangère, avec droit de vote à l’Assemblée générale de l’Onu, et sans que nous ne soyons obligés de prendre l’avis de la Syrie à chaque fois. Nous devons être un acteur dans le règlement final de la question palestinienne. Quant à la vocation universelle du Liban, je n’y crois pas.
H.C. – Moi non plus. Au plan interne, il faut mettre en place un système d’enseignement favorisant le dialogue et l’écoute de l’autre. Par ailleurs, il y a trop d’ambassadeurs et de consuls libanais à l’étranger. Ce qui nous manque, c’est une élite cultivée, qui s’avère souvent bien plus efficace.

Le mouvement estudiantin
L’O-Le J. – Est-ce qu’il existe un mouvement estudiantin ? Sinon, quels doivent être son aspect, son rôle et ses fonctions ?
A.A. – Il existe depuis 1997, lors de l’interdiction de l’interview de Michel Aoun sur la MTV. Il est très désorganisé et les querelles partisanes du passé sont malheureusement en train d’influer énormément sur toute action à entreprendre. Jusqu’à présent, c’est la seule force vive de cette nation qui est en train de se mouvoir. La société civile est désengagée et léthargique. Le mouvement est le seul groupe de pression. Il n’est pas un moulin à slogans. Il agit, et ses actions sont reconnues par l’opinion publique, notamment les manifestations à caractère culturel et politique.
H.C. – Le mouvement est limité à deux ou trois universités libanaises. Il n’est pas unifié. Il faut l’élargir et trouver un point unificateur pour fédérer tous les étudiants libanais autour des thèmes communs. Le mouvement n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Nous pouvons le dynamiser. Il est trop limité à des revendications nationales, alors qu’il est possible de militer à un niveau socio-économique.
L’O-Le J. – Que doit-il devenir et vers quoi doit-il converger ?
A.A. – Il convient de donner à nos revendications un caractère national. Il ne faut pas qu’elles soient partielles, limitées à une seule « rue ». Il ne faut pas non plus qu’il soit récupéré par des hommes politiques, opposants ou loyalistes. Certains usent de nos actions et en abusent. Sur le plan organisationnel, il faut créer des bureaux de relations et assurer un prolongement avec les étudiants à l’étranger pour mettre en place un embryon de lobbying international. Il faut également fonder un organe de presse interuniversitaire pour pallier le vide intellectuel qui existe. Actuellement, « ils » font tout pour qu’on ne pense pas dans les universités.
H.C. – Pour créer un mouvement unifié, il faut se réunir avec les autres avant de s’organiser. Nous avons pensé à mettre en place une charte de l’étudiant libanais, après des concertations avec des étudiants de toutes les universités, de tous les partis et de toutes les appartenances confessionnelles. Ce serait le premier pas vers le dialogue. Nous devons œuvrer pour des thèmes communs.
A.A. – Comme le mariage civil...
H.C. – Ou une réforme de la loi sur le service militaire. Il y a aussi l’abaissement du droit de vote à 18 ans, et le projet de la carte d’étudiant...
A.A. – On ne pourra jamais aboutir à une charte politique. Mais il ne faut pas se leurrer. Le mouvement estudiantin libanais, c’est celui du courant souverainiste. Les étudiants des autres courants politiques ne se mêlent que des élections. Pourquoi le PSP ne manifeste-t-il pas contre la politique de privatisation du gouvernement Hariri ?
L’O-Le J. – Le mouvement estudiantin des années 70 est-il un modèle à suivre ?
H.C. – Les circonstances ont changé. Il y avait à l’époque les clivages droite-gauche, propalestinien-antipalestinien... Maintenant, il y a un souci majeur, l’occupation syrienne. D’autre part, il faut prendre pour objectif des questions d’ordres socio-économique et universitaire.
A.A. – Le mouvement des années 70 était plus idéologique, dans le contexte de la bipolarité. Aujourd’hui, la gauche internationale est en déclin. Les années 70, c’était la belle époque, le Liban de l’opulence. Mais il était très divisé, sur la présence palestinienne. Aujourd’hui, nous sommes divisés sur la présence syrienne. Je ne sais pas si l’on pourra un jour aboutir à quelque chose. Notre combat n’est pas téléologique, il n’est pas nécessaire d’atteindre le but. Il ne faut pas se faire d’illusions. L’essence de notre combat, c’est d’abord de combattre, et de croire à une lutte.
H.C. – Si le but est de bouter le Syrien hors du Liban, c’est difficile. Nous pouvons par contre parvenir à un dialogue avec les autres. C’est un grand pas que nous ne franchissons pas. Nous n’en avions pas la volonté. Nous devons l’avoir et faire ce pas. Ce sera un grand début.

Propos recueillis par
Michel HAJJI GEORGIOU
Ils ont leurs idées, leurs convictions et leur franc-parler. L’un d’entre eux sera élu jeudi président du bureau de la faculté de droit au sein de l’amicale estudiantine de l’Université Saint-Joseph (USJ). L’Orient-Le Jour a organisé hier un face-à-face entre Amine Assouad, candidat indépendant appuyé par les Forces libanaises, le Parti national libéral, le «...