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DROITS DE L’ENFANT - Le représentant de l’Unicef fait ses adieux après 30 ans de service Le Liban est sur la bonne voie, affirme Ekrem Birerdinc à « L’Orient-Le Jour »(photo)

Il a 60 ans tout rond, dont 30 au service de l’Unicef. Sa carrière au sein de cet organisme, il l’a commencée au Liban, avant de sillonner le monde, et c’est au Liban qu’il la termine... en beauté, après 4 ans de travail acharné pour améliorer les conditions de l’enfance libanaise. Pour Ekrem Birerdinc, représentant de l’Unicef au Liban depuis 1999, l’heure est aux adieux et au bilan. Il quitte le pays et ses fonctions, avec le sentiment d’avoir accompli sa mission, après avoir mis en train une série d’actions, notamment dans les domaines de la santé infantile et maternelle, du développement de l’enfant, de l’éducation de ce dernier et de la meilleure application de ses droits. Mais il ne peut toutefois s’empêcher d’exprimer un regret : celui de ne pas avoir pu empêcher la ratification de la loi concernant l’enfermement des enfants en conflit avec la justice.
L’homme répugne à parler de lui-même. Il préfère raconter ses 30 années de carrière enrichissante au sein de l’Unicef durant lesquelles il a servi « les hommes, les pauvres, les enfants, et ceux qui avaient besoin d’aide », son « apprentissage de la vie et sur la vie » au sein de cet organisme, les événements de grande importance qui ont marqué l’histoire et qu’il a vécus dans 17 pays. Témoin du changement de régime en Algérie après le président Boumediene, Ekrem Birerdinc a œuvré à la préparation du programme afghan, après avoir assisté au retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan. Il a vécu de près la chute de l’Empire soviétique, avant d’organiser et mener, en 1991, la première mission des Nations unies en Russie à la tête de 70 experts. Mission qui avait pour objectif de favoriser le dialogue entre la Russie et les anciennes républiques soviétiques. Nommé représentant régional en 1993, au sein des républiques d’Asie centrale et du Kazakhstan, il ouvre les premiers bureaux des Nations unies dans cette région et met en place des programmes d’assistance. « Durant ces différentes étapes, dit-il simplement, j’ai eu la chance de pouvoir aider les gens. C’était pour moi une formidable expérience. »

Un dévouement corps et âme
Les 4 années qu’il a passées au Liban, c’est avec son cœur qu’il en parle. Un soupçon d’émotion dans la voix, l’homme évoque les liens personnels tissés dans ce pays. Des liens d’amitié qu’il espère garder et approfondir. « Le Liban n’est pas seulement sites, mer ou montagne. Le Liban est un mode de vie, mais aussi et surtout des personnes dotées d’une sensibilité humaine remarquable », dit-il.
L’attachement de M. Birerdinc au pays est loin de se limiter à cet aspect personnel. Au terme de ses fonctions au Liban, il s’en va avec le sentiment d’avoir accompli sa mission. Une mission pour laquelle il s’est donné corps et âme, aux dires des nombreuses personnes qui l’ont connu et qui ont travaillé avec lui. Fervent défenseur des droits de la femme et de l’enfant, Ekrem Birerdinc a su mobiliser pour cette cause la société civile, le secteur privé et les ONG au même titre que les instances gouvernementales. Et si la route est encore longue dans le domaine, et souvent semée d’embûches, le train est désormais sur les rails. L’introduction de la Convention internationale des droits de l’enfant au Liban en 1990 en est la preuve tangible. Certes, quelque part, l’homme de terrain ne peut s’empêcher d’évoquer ce qu’il appelle son échec : « Je n’ai pas réussi à empêcher la loi sur l’enfermement des mineurs en conflit avec la justice d’être votée », regrette-t-il. Mais il garde confiance, car le débat est aujourd’hui lancé sur le sujet. « Je suis certain que la loi sera bientôt amendée, car il y a déjà une prise de conscience des aspects négatifs de l’enfermement des mineurs. » Il exprime sa conviction que le pays est sur la bonne voie. « Le Liban est un grand pays, poursuit-il. Il est actuellement en période de gestation, mais je suis certain qu’il fera de grandes choses. »

Un travail de fond,
une amélioration sensible
Mais comment Ekrem Birerdinc a-t-il atteint ses objectifs ? D’une part, la coopération de l’Unicef avec le gouvernement libanais a porté ses fruits. D’autre part, l’homme de terrain n’a jamais quitté des yeux les principaux intéressés : les enfants du Liban. « Ce sont les deux points majeurs de mon activité au cours de ces 4 années », explique-t-il.
« Le partenariat entre l’Unicef et le gouvernement libanais date de 1948 », raconte M. Birerdinc. Après avoir centré son activité, dans les années 70, sur les programmes d’aide au développement, notamment dans les domaines de l’éducation, l’aide sociale et la santé publique, l’organisation s’est vue contrainte, durant la guerre, de concentrer son action sur les programmes d’urgence. L’Unicef a parcouru le Liban de fond en comble, jusqu’au moindre recoin, assistant sans relâche les populations qui manquaient d’eau, d’électricité et de nourriture. Réparations, collecte des ordures, distribution d’eau et de nourriture n’ont pas été une tâche facile pour l’organisation qui a longtemps œuvré seule sur le terrain, notamment durant l’invasion israélienne de 1982. Après la guerre, le Liban a vite fait de reconstruire son infrastructure. « Quant à l’Unicef, elle a changé de visage et d’optique », observe Ekrem Birerdinc. Arrivé au Liban en 1999, le représentant de l’Unicef devait effectuer un travail de fonds, avec des moyens désormais limités. Et pour cause, les donateurs se faisaient de plus en plus rares.
La mise en place, entre autres, d’un programme d’application par le Liban de la Convention internationale des droits de l’enfant, étalé de 2002 à 2006, a été pour lui un défi de taille. « D’autant plus que de nombreuses lois allaient (et vont toujours) à l’encontre de cette convention et que l’évolution des choses ne s’est pas toujours faite dans le bon sens », lance-t-il, sans en dire plus. Œuvrant dans les différents domaines de la santé maternelle et infantile, du développement de l’enfant et de l’éducation, M. Birerdinc se dit satisfait des résultats, les indicateurs sociaux s’étant améliorés de manière drastique. À titre d’exemple, la mortalité infantile a régressé à 25/1 000. Quant au taux de scolarisation des enfants, il a grimpé à 98 %. L’Unicef représente désormais un support de taille pour le gouvernement libanais, la société civile et le secteur privé en matière d’information, de recherche, de formation et de méthodologie. Certes, les problèmes ne peuvent être résolus du jour au lendemain et de nombreuses lacunes entravent le développement du pays, notamment en matière de contrôle de la qualité, d’établissement et de respect des standards de qualité, mais aussi en matière de lois, dont certaines empêchent la bonne application de la Convention des droits de l’enfant. « Si la situation des enfants s’est nettement améliorée en 10 ans, les problèmes demeurent importants et il reste encore beaucoup à faire, notamment dans l’application de leurs droits », observe Ekrem Birerdinc, ajoutant que les droits à l’éducation, à la santé, à la nourriture, à évoluer dans un environnement sain doivent être réellement assurés.

La moitié des familles
dépourvues de couverture sociale
Malheureusement, si les familles sont conscientes de la nécessité d’envoyer leurs enfants à l’école, les chiffres sont accablants : 45 % des écoliers ne terminent pas le cycle primaire, déplore M. Birerdinc, alors que 54 % des élèves quittent l’école entre les cycles primaire et complémentaire. « Divers programmes ont été mis en place pour résoudre ce problème, notamment dans le domaine du rattrapage scolaire, mais ils doivent être accompagnés d’un remaniement total du système éducatif libanais », insiste-t-il.
Évoquant, par ailleurs, le droit à la santé, il note que 50 % des familles ne sont pas couvertes médicalement et que de nombreux enfants souffrent d’une mauvaise alimentation ou de carence en fer et en vitamines. « Investir encore plus dans le développement de l’enfant dès sa conception est vital », observe M. Birerdinc.
Les choses se mettent en place. D’un côté, le gouvernement prépare un programme global pour l’éducation, d’un autre le secteur privé et la société civile collaborent activement avec l’Unicef et les différents ministères. « Mais il est important de persévérer et de ne pas briser la chaîne. Car, explique-t-il, garder les enfants à l’école ne peut qu’améliorer leur situation et réduire le nombre de ceux qui travaillent. »
Ekrem Birerdinc aurait souhaité en faire plus, malgré l’évolution sensible dans le développement de l’enfance au Liban : introduire la Convention des droits de l’enfance à tous les niveaux, et plus précisément dans les écoles et les familles, mais aussi s’occuper davantage de l’adolescent et de ses problèmes.
Et si c’était à refaire ? « Je referais de nouveau carrière au sein de l’Unicef ! Mon plus grand privilège est d’ailleurs de la terminer au Liban. » Un pays qu’il a su apprécier et qu’il quitte à regrets. « Quand on quitte un pays, dit-il, on laisse une partie de soi-même. » Ekrem Birerdinc se prépare à entamer sa seconde vie. Une seconde vie qu’il mènera auprès de son épouse Ayden et de sa famille dans sa ville natale d’Istanbul.
À coup sûr, les Libanais le regretteront.
Anne-Marie EL-HAGE
Il a 60 ans tout rond, dont 30 au service de l’Unicef. Sa carrière au sein de cet organisme, il l’a commencée au Liban, avant de sillonner le monde, et c’est au Liban qu’il la termine... en beauté, après 4 ans de travail acharné pour améliorer les conditions de l’enfance libanaise. Pour Ekrem Birerdinc, représentant de l’Unicef au Liban depuis 1999, l’heure est aux...