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Hémorragie

Un vampire, c’est une chauve-souris d’Amérique latine qui suce le sang des animaux pendant leur sommeil. Un vampire, c’est également un fantôme qui sort la nuit de son tombeau pour aller sucer le sang des vivants.
L’État libanais est un État-vampire. Un État-sangsue.
L’Université libanaise, comme la quasi-totalité des institutions publiques, est aujourd’hui aussi exsangue, désincarnée et loqueteuse que sont bouffies et rubicondes les myriades d’universités privées qui, depuis une dizaine d’années, naissent et pullulent, furonculeuses, inutiles, incultes et hors de prix. Les enseignants à plein-temps de l’UL sont en grève ; ses 70 000 étudiants, dont la moyenne d’âge doit tourner autour de 22 ans, des laissés-pour-compte, les parents pauvres d’un régime tout entier consacré à ses guéguerres imbéciles, abortives, mortifères, eux aussi en grève.
Il reste tout de même un reproche que personne ne pourra jamais cracher au visage des dirigeants libanais : leur manque de cohérence. Déterminés à « quart-mondiser » jusqu’au bout un pays qui, avant-hier, faisait pâlir d’envie les uns et les autres, ces hommes n’ont effectivement jamais jugé nécessaire de donner à l’éducation et à l’enseignement supérieur libanais l’intérêt et l’argent public qu’ils méritent, censés, de facto, leur être impartis. Cet argent-là, les uns le préfèrent à la Défense, destiné à la gloire frimeuse et fanfaronne du fantasme ultrasécuritaire, ou alors au strass d’un Palais des Congrès gigantesque, démesuré, ou pour servir à caser dans telle ou telle administration des hommes, des femmes et jusqu’à des enfants qui seront payés pour rester chez eux. Sauf lorsqu’il faudra aller voter.
Les dirigeants libanais se disent : l’Éducation nationale pourra attendre. Les dirigeants libanais se rassurent : les jeunes Libanais s’en vont, volontiers, s’inscrire à l’USJ, à l’AUB, à l’Usek, à la LAU, ou dans les universités françaises, américaines, canadiennes, russes, lettones même – alors à quoi bon dépenser le reste pour la majorité d’entre eux ? Les dirigeants libanais, lavés du cerveau à l’eau du Barada, ont appris – depuis le temps – à instinctivement niveler par le bas, sur le modèle d’à côté. Corollaire naturel de leur propension à enfoncer le Liban. À le vider de son sang. À oublier qu’il y a un quart de siècle, l’Université libanaise attirait des étudiants des quatre coins du monde arabe. Et au-delà.
Les propositions du trio monochrome à souhait (Hariri-Siniora-Jisr) n’ont ni satisfait ni convaincu les enseignants de l’UL. Vaillants, jusqu’au-boutistes, même si l’on risque un jour de leur reprocher de prendre en otages une génération entière d’étudiants, ces professeurs viennent casser l’image d’un peuple devenu, par la force des choses et par la volonté des pôles du pouvoir, léthargique, inoffensif, belle au bois dormant – à l’image d’une CGTL entièrement contrôlée et télécommandée par le régime et son tuteur syrien. Les professeurs de l’UL ne tiendront pas longtemps ? Les dirigeants libanais trouveront bien le moyen de noyauter le groupe, de déliter le mouvement, de corrompre tel ou telle ? Ou alors, les enseignants de l’UL seront plus coriaces que les chauffeurs de minivans, plus motivés que (tous) les autres ? Moins vulnérables aux morsures de vampires ?
Sauf que face à eux, il y a le populisme effréné et de moins en moins contrôlé d’Émile Lahoud. La désinvolture et le haussement d’épaules tout aussi cyniques de Rafic Hariri. Les calculs partisans et sinueux de Nabih Berry.
Ziyad MAKHOUL
Un vampire, c’est une chauve-souris d’Amérique latine qui suce le sang des animaux pendant leur sommeil. Un vampire, c’est également un fantôme qui sort la nuit de son tombeau pour aller sucer le sang des vivants. L’État libanais est un État-vampire. Un État-sangsue.L’Université libanaise, comme la quasi-totalité des institutions publiques, est aujourd’hui aussi...