Bien entendu, les députés Harb, Lahoud et Moawad sont opposés à la révision de l’article 49 de la Constitution en vue de la reconduction. Ce respect des textes fondamentaux est d’ailleurs partagé par un grand nombre de pôles politiques ou religieux, Bkerké en tête. À part l’argument constitutionnel ou celui de l’alternance, le patriarche Sfeir fait valoir que les compétences ne manquent pas. Et que toute communauté se sentirait offensée de se voir reprocher de n’avoir qu’un unique représentant, ou leader, valable.
Dans la pratique, il faudra voir si l’opinion locale, largement favorable au changement, sera prise en compte par les décideurs. Selon un dignitaire religieux, il y a là un test pour ce grand électeur qu’est la Syrie. Dont le président soutient que le choix des Libanais serait respecté. En d’autres termes, le point est de savoir si Damas va faire écho aux vœux du patriarche Sfeir. Tout d’abord, en ce qui concerne l’intangibilité, relative mais certaine, de la Constitution. Qui n’est pas une loi ordinaire pour que l’on s’amuse à la manipuler à la légère. D’autant qu’une retouche de l’article 49 comporterait, au-delà de la reconduction ponctuelle de l’actuel mandat présidentiel, un péril de longue portée. Elle permettrait en effet à l’avenir aux cadres de l’État, à ses hauts fonctionnaires, de décrocher la timbale présidentielle en usant, ou abusant, de leur influence du moment. On sait que de telles ambitions, viciées à la base en termes de vraie démocratie, sont réfrénées par l’article 49. Qui interdit à toute personne de briguer la présidence si elle n’a pas derrière elle deux ans pleins de retrait de la Fonction publique.
Toujours en pratique, le récent sommet bilatéral est venu confirmer, si besoin était, que le président Lahoud a toute la confiance de la Syrie. Mais, selon un candidat potentiel, cela ne veut pas dire que la Syrie n’a pas confiance en d’autres maronites. D’ailleurs, le président Assad souligne que de nombreux Libanais offrent les qualités nationales requises pour la présidence. Un dirigeant note pour sa part que les marginaux, qui s’excluent de la ligne dite nationale, sont une infime minorité. Ajoutant que la Syrie ne craint plus, dès lors, que le Liban représente un flanc faible. Il serait illogique, relève ce cadre, qu’après plus de 25 ans de présence politico-militaire, la Syrie n’ait dans chaque communauté libanaise qu’un seul répondant fiable.
Il n’empêche que chat échaudé craint l’eau froide. Aussi, beaucoup de professionnels du cru redoutent la répétition de l’épisode Hraoui. À l’époque, le président Hafez el-Assad avait prié le président Berry d’effectuer des concertations élargies. La majorité écrasante s’était prononcée contre l’amendement de l’article 49. Mais le chef de l’État syrien avait eu ce commentaire, à l’adresse de Berry : « Abou Moustapha, sachez qu’Abou Georges (Hraoui) est un excellent homme. Nous avons confiance en lui. Il a rendu de grands services en six ans. Il est encore jeune et énergique. » Résultat de ces compliments, trois ans de rallonge pour Hraoui. Un décret rendu en deux lignes, à travers une interview accordée par Assad à al-Ahram. Dans son autobiographie, Hraoui raconte qu’Assad lui avait indiqué, comme motif, la nécessité d’éviter tout remous à un moment où la situation régionale paraissait si critique. L’histoire voudra-t-elle, l’an prochain, repasser le même plat ?
Émile KHOURY
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