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Longue rencontre et entretien cordial entre le chef de l’État et le patriarche maronite Redéploiement probable syrien vers la Békaa, d’ici à la fin de l’année

Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, peut s’estimer satisfait. Sa politique sage et éclairée, depuis que les vents de la guerre ont soufflé sur l’Irak, est en train de porter ses fruits. Selon des sources qui se veulent bien informées, le chef de l’État, le général Émile Lahoud, n’aurait eu que de bonnes nouvelles à lui annoncer au cours de leur rencontre, vendredi dernier : retrait syrien important d’ici à la fin de l’année, promesse d’un découpage électoral favorable aux candidats qui ont son aval, et même disposition à revoir la situation du Dr Samir Geagea. Une nouvelle page dans les relations syro-chrétiennes serait-elle en train de s’ouvrir ? L’année qui vient s’annonce riche en rebondissements divers.
« Les chrétiens du Liban sont en train de cueillir les fruits de leurs dernières prises de position. » Cette affirmation vient d’un diplomate arabe en poste à Beyrouth, qui relève que le Liban, traditionnellement maillon faible de la région, est aujourd’hui l’un des pays les plus sûrs du Moyen-Orient et sans doute le plus à l’abri des attaques terroristes. Selon le même diplomate, la raison de ce calme inhabituel est à trouver dans la politique sage du président de la République, le maronite Émile Lahoud, qui a affiché un appui indéfectible à la résistance islamique contre Israël. Si l’État libanais n’appuyait pas le Hezbollah et ne continuait pas à abriter des permanences des organisations palestiniennes telles que le Jihad islamique et le Hamas, il aurait peut-être été pris pour cible par les fondamentalistes, qui n’approuvent pas vraiment le modèle de coexistence que représente le pays du Cèdre.

Une politique sage qui porte ses fruits
La politique sage du chef de l’État n’est toutefois pas la seule cause de ce climat de détente sur le plan de la sécurité. Celle éclairée du patriarche maronite, qui a proclamé haut et ferme son appui à la cause palestinienne et son refus de faire le jeu des Américains contre la Syrie, celle aussi de l’actuel président de la Ligue maronite, M. Michel Eddé, qui ne cesse de dénoncer les visées israéliennes au Porche-Orient, ont montré que les chrétiens du Liban ont peut-être plus à cœur les intérêts de la région que certaines autres parties. Et, alors que pendant longtemps, ils ont souffert de la méfiance que suscitait leur appartenance religieuse, ils sont désormais parfaitement intégrés à leur environnement.
Mais si les prises de position de ces trois hommes émanent de convictions profondes, il serait aussi utile pour le pays d’en tirer quelques avantages qui permettraient de rassurer la masse des chrétiens. Le commandement syrien actuel l’a fort bien compris, mais il cherchait un scénario acceptable et un timing adéquat pour prendre à son tour les mesures susceptibles d’alléger le climat politique interne au Liban.
Selon des sources bien informées (comme elles le sont toujours), il aurait été question, à un moment donné, que le frère du président Bachar el-Assad, Maher, vienne à Bkerké pour établir un dialogue direct avec le patriarche maronite. Finalement, c’est le chef de l’État, le général Émile Lahoud, qui a eu pour rôle d’annoncer les bonnes nouvelles à l’éminent prélat.
Le président de la République aurait ainsi déclaré au cardinal Sfeir que les Syriens comptent opérer un redéploiement important de leurs troupes d’ici au début de l’année 2004. Il serait notamment question de retirer entre 5 000 et 7 000 hommes déployés au Metn (région du Bois de Boulogne) et à Aramoun. Les sources précitées affirment qu’à ce stade, le commandement syrien ne serait plus intéressé qu’à garder des troupes le long de la ligne s’étendant de la plaine de Khiam jusqu’à Mdeirej, en passant par le sommet de Barouk, qui les intéresse particulièrement pour sa position stratégique. Ce serait là une ligne de défense opérationnelle, face à une éventuelle agression israélienne. Des unités de l’armée libanaise sont déployées tout le long de cette ligne, et les troupes syriennes souhaiteraient rester derrière elles, conformément d’ailleurs à ce qui est prévu dans l’accord de Taëf. Les Syriens souhaiteraient faire ainsi un geste significatif en direction des chrétiens, mais aussi des Libanais en général, surtout qu’ils n’éprouvent plus le besoin de conserver une présence militaire dans ces secteurs. Ils se redéploieraient donc vers la Békaa. Quant à leur présence au Nord, elle serait maintenue dans un premier temps, à cause de la présence de cellules islamistes dans certaines zones pauvres, mais aussi parce que le Nord est à la frontière de la région alaouite, qu’il faut protéger.

Des signes de bonne volonté
Le chef de l’État aurait aussi évoqué avec le cardinal Sfeir la prochaine loi électorale, en affirmant qu’il serait prêt à envisager un découpage plus favorable à l’élection de personnalités chrétiennes représentatives de la population. À cet égard, la partielle de Baabda-Aley a été décisive, poussant les responsables libanais et les dirigeants syriens à revoir leurs calculs en matière de découpage électoral. Au patriarche maronite, le président de la République aurait réaffirmé son intention de proposer une loi équitable, qui permettrait à tous les Libanais respectueux du jeu démocratique d’avoir leurs chances d’être élus ou d’élire leurs représentants. La tendance serait de revenir à de petites circonscriptions qui favoriseraient une meilleure représentativité.
Enfin, le chef de l’État aurait aussi parlé avec le patriarche maronite du cas du leader des FL, le Dr Samir Geagea, en précisant qu’il serait possible d’améliorer encore ses conditions de détention, et de chercher, dans une étape ultérieure, une formule qui lui permettrait de retrouver la liberté.
Tous ces sujets ont été abordés pendant la réunion à huis clos entre Lahoud et Sfeir, qui s’est déroulée avant le repas frugal offert par le patriarche à son hôte présidentiel. Mais la conversation s’est poursuivie pendant le déjeuner, et les deux hommes ont fait le point sur la situation interne et régionale. Ils sont convenus que la priorité est au resserrement des rangs internes, qui reste le meilleur moyen d’affronter les défis à venir. Et l’unité des Libanais passe par des garanties qui seraient accordées aux chrétiens, afin de les rassurer sur leur avenir dans le pays et de les pousser à sortir du marasme dans lequel ils se débattent depuis des années. Mais l’unité passe aussi par un souci réel des problèmes économiques des Libanais, et par l’adoption d’un plan qui leur donnerait les moyens de mener une vie décente.
Dans sa démarche, le président Lahoud bénéficierait de l’appui total des dirigeants syriens et ce n’est pas par hasard si la longue rencontre avec le patriarche maronite a eu lieu quelques jours après le sommet Lahoud-Assad de mardi dernier.
Selon ceux qui suivent la politique syrienne au Liban, la nouvelle stratégie serait de rassurer les chrétiens et de chercher à surmonter le climat de méfiance qui règne entre eux et les dirigeants syriens, mais aussi de préserver les intérêts des chiites, qui continuent à être un allié sûr pour les Syriens au Liban. Ces bonnes dispositions devraient en tout cas se traduire par des mesures concrètes dans un proche avenir.
Seraient-elles aussi destinées à préparer le terrain au renouvellement ou à la prorogation du mandat du président Lahoud ? C’est la question à laquelle, pour l’instant, nul ne veut répondre.

Scarlett HADDAD
Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, peut s’estimer satisfait. Sa politique sage et éclairée, depuis que les vents de la guerre ont soufflé sur l’Irak, est en train de porter ses fruits. Selon des sources qui se veulent bien informées, le chef de l’État, le général Émile Lahoud, n’aurait eu que de bonnes nouvelles à lui annoncer au cours de leur...