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ANALYSE Le sommet de Damas place le pays sur la voie de l’inertie Syrianisation rampante des pratiques politiques au Liban

Ironie du sort. À quelques jours de ce que certains qualifient de fête de « l’indépendance », l’agence syrienne Sana soulignait sans détours, au terme du dernier sommet entre les présidents Émile Lahoud et Bachar el-Assad, à Damas, que l’entretien bilatéral avait porté sur « la situation interne au Liban ». C’est sans doute la première fois que l’agence syrienne reconnaît d’une manière aussi claire que les problèmes internes au Liban ont été discutés au plus haut niveau sur les bords du Barada. Les sources de Baabda ont fait preuve d’autant de franchise et se sont montrées encore plus explicites, précisant que « le président Assad est personnellement soucieux du renforcement de l’unité interne » sur la scène libanaise et qu’il souhaite que soient réduits « les différends entre les responsables ». Les milieux proches de la présidence ont été jusqu’à souligner que l’intérêt manifesté par le président Assad à cet égard « se traduira par des réunions qui regrouperont dans la capitale syrienne des personnalités et des forces politiques libanaises ».
À quatre jours des célébrations du 22 novembre, les indications de l’agence Sana et des sources de Baabda se passent évidemment de commentaires. Elles présentent toutefois un aspect positif certain : elles rapportent, cartes sur table, de façon crue, une réalité amère que d’aucuns se refusent d’admettre, pratiquant ainsi la politique de l’autruche pour tout ce qui touche aux interférences syriennes sur la scène libanaise.
Mais le plus grave dans ce dernier sommet Lahoud-Assad ne réside pas dans cette reconnaissance officielle et publique des ingérences de Damas dans nos affaires internes, mais plutôt dans la « syrianisation » rampante des pratiques politiques au Liban. À en croire les informations fournies de sources quasi officielles au sujet du résultat de la rencontre de mardi, il aurait été en effet convenu de maintenir le gouvernement de M. Rafic Hariri en place et de camoufler tous les différends entre les hauts responsables sous prétexte que « la conjoncture régionale est grave et nécessite de resserrer les rangs, de dépasser les divergences internes, afin de faire face aux défis actuels ».
Cette inertie politique qui freine toute évolution, tout changement, ou même tout débat parce que « la situation régionale est délicate » reflète un comportement typiquement syrien. Le plus désolant serait que le Liban soit atteint par ce virus et que, par contagion, les traditions politiques du pays soient progressivement modifiées non pas dans le sens d’une plus grande transparence et d’une véritable alternance, mais plutôt dans le sens d’une inertie sans cesse croissante.
La « conjoncture grave et difficile dans la région » dure depuis plus d’un demi-siècle. Elle risque de perdurer encore longtemps. Cela n’empêche pas, à titre d’exemple, les Israéliens et les Palestiniens d’organiser des élections, de former des gouvernements, de faire chuter des cabinets, d’ouvrir le débat politique, alors qu’ils sont – plus que tout autre peuple de la région – confrontés dans leur vie quotidienne à des guerres, des attentats, des batailles meurtrières et des crises internes interminables.
Que le pouvoir à Damas s’emploie à progresser très lentement sur la voie d’une quelconque évolution politico-économique, cela pourrait peut-être se justifier en tenant compte des réalités propres à la Syrie. Mais transmettre cette inertie politique au Liban reviendrait à saper à la base la raison d’être et les spécificités indéniables de l’entité libanaise, alors même que le pays essaie de combler les retards dus à quinze années d’une guerre dont on connaît les initiateurs aussi bien que les bénéficiaires.

Michel TOUMA
Ironie du sort. À quelques jours de ce que certains qualifient de fête de « l’indépendance », l’agence syrienne Sana soulignait sans détours, au terme du dernier sommet entre les présidents Émile Lahoud et Bachar el-Assad, à Damas, que l’entretien bilatéral avait porté sur « la situation interne au Liban ». C’est sans doute la première fois que l’agence syrienne...