Évidemment, nul n’a osé poser la moindre question et c’est le vice-président du Conseil, M. Issam Farès, qui a occupé le devant de la scène, commentant la plupart des points soulevés et suscitant souvent un débat sur les questions importantes. Notamment l’affaire des carrières, qui ne pouvait pas être réglée en l’absence du ministre de l’Environnement, M. Farès Boueiz. Globalement, la tendance au Conseil des ministres est désormais d’autoriser deux carrières au Nord et deux autres au Sud, en plus de toutes les carrières dans l’Anti-Liban.
Supputations et non-dits
Les autres points de l’ordre du jour, pourtant consistant, ont défilé sans la moindre anicroche. Le ministre de l’Éducation, M. Samir el-Jisr, a été prié de présenter devant le prochain Conseil des ministres la liste des 300 personnes récemment engagées par son département, comme c’est devenu obligatoire depuis une décision du Conseil en ce sens, et le ministre de l’Information, M. Michel Samaha, a annoncé qu’il ne comptait pas renouveler tous les accords avec les contractuels de son ministère. Ce furent là les seuls moments un peu animés d’une séance des plus banales, où les pensées profondes sont restées secrètes, chaque ministre essayant d’interpréter à sa manière le silence du chef de l’État, et avant lui, celui du président de la Chambre, Nabih Berry, d’habitude tout heureux d’annoncer les nouvelles dont il a la primeur, ainsi que la mine courtoise du Premier ministre, dont le visage ressemblait surtout à un masque aimable, mais sans expression particulière. Pour les uns, c’est sûr, Lahoud a obtenu une promesse de renouvellement de son mandat, moyennant le maintien de l’actuel gouvernement jusqu’à l’automne prochain. Son silence ne serait donc que l’expression de sa grande discrétion, d’autant que ce n’est pas à lui que revient la responsabilité d’annoncer ce genre d’information, qui, après tout, nécessite un scénario particulier pour être acceptable aux yeux des Libanais, pour l’instant dégoûtés de toute la vie publique.
Pour d’autres, les Syriens ont maintenu le suspense et ils n’auraient donné au président Lahoud que des assurances de pure forme, n’allant pas au-delà du langage traditionnel d’appui à la présidence et d’attachement à la stabilité du pays et à l’entente interne. Mais les tenants de cette thèse affirment aussi qu’il a été convenu de maintenir l’actuel gouvernement jusqu’à la fin du mandat présidentiel.
Toutefois, le communiqué quasi officiel émanant de sources syriennes et repris par l’agence officielle libanaise, publié dans les journaux d’hier pour mettre un terme aux analyses fantaisistes ou orientées de la presse, est très clair et évoque un appui total de Bachar el-Assad au président libanais, qualifié de « garantie nationale ». De là à croire que les Syriens ont fait leur choix, il n’y a qu’un pas que personne ne se risque encore à franchir.
C’est que, pour la plupart des Libanais, la position syrienne, puisque c’est encore à la Syrie que revient le mot de la fin, reste assez floue. Les habitués de la capitale syrienne reviennent avec des sons de cloche différents. Il y a, par exemple, ceux qui rencontrent le vice-président Abdel-Halim Khaddam, ceux qui rencontrent le brigadier Ghazi Kanaan et les autres, qui ont des contacts avec le cercle rapproché autour du président Assad, qu’il s’agisse de civils ou de militaires. Chacun a sa version et croit détenir le mot secret, oubliant que les Syriens peuvent cultiver sciemment l’ambiguïté, pour des raisons qu’ils sont les seuls à connaître. Pourtant, lorsque la situation atteint un stade intolérable de confusion, ils se décident à lever une partie du voile et c’est ce qui s’est passé avec le communiqué publié hier. Que personne ne s’imagine donc que le président libanais a perdu une manche. Il continue à bénéficier de l’appui total de la Syrie. Pour le reste, comprenne qui voudra. Mais la classe politique ne sort certes pas grandie de cette attitude d’expectative, guettant le moindre indice du sphinx syrien, qui n’a toujours pas dévoilé ses intentions.
Scarlett HADDAD
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