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La diplomatie libanaise, aussi, a construit « des murs mais pas de ponts »

Le Proche-Orient « n’a pas besoin de murs mais de ponts », a déclaré Jean-Paul II en critiquant le terrorisme et la construction d’un mur entre le peuple israélien et le peuple palestinien. On pourrait en dire autant de notre politique extérieure, ou de ce qui nous en tient lieu.
En prônant systématiquement une « ligne dure » face à Israël, en refusant de déployer l’armée à la frontière, en maintenant artificiellement allumé le front des fermes de Chebaa, voilà des années que nous construisons des murs, mais pas de ponts.
Or cette politique va à l’encontre non seulement des intérêts du Liban, mais aussi de sa vocation profonde, qui est une vocation de médiation, une vocation de trait d’union.
Cette vocation de médiation est même l’essence du pacte national non écrit conclu en 1943. Les communautés libanaises ont fondé leur vie commune sur la réconciliation de deux négations, de deux propositions négatives, dont ils ont oublié de faire la synthèse.
Par la suite, on a dit du Liban qu’il était un trait d’union entre l’Orient et l’Occident, entre deux cultures, deux civilisations, deux sensibilités différentes à l’égard de la modernité. Il est évident, en effet, que les Libanais n’acceptent pas cette modernité dans les mêmes termes, s’ils sont chrétiens ou musulmans.
Certes, l’histoire du Moyen-Orient, depuis plus de cinquante ans, est dominée par la question de Palestine, par le partage de la Palestine, la création d’Israël puis par son expansionnisme. Cette injustice nous a créé des obligations.
Que les débordements des Palestiniens soient l’une des causes de la guerre au Liban, c’est entendu. Le président Hraoui rappelait hier à Bkerké les propos bien insolents de Yasser Arafat, qui affirmait qu’un homme ayant gouverné le Liban quinze années durant peut bien gouverner la Cisjordanie et Gaza. Disons au passage que la façon dont Yasser Arafat gouverne si pauvrement aujourd’hui Gaza et la Cisjordanie donne bien une idée de la façon dont il « gouvernait » le Liban.
Mais aujourd’hui, nous devons oublier l’offense, être solidaires des Palestiniens, ne serait-ce que par sens de la justice. Combien plus si c’est également là notre intérêt, et si la présence de plusieurs milliers de Palestiniens au Liban pose la question, et le risque, de leur implantation au Liban . Mais tout comme nous avons un engagement à l’égard de la justice, nous en avons un à l’égard de la paix et à l’égard de nous-mêmes. Les présidents Bachar el-Assad et Émile Lahoud devraient aujourd’hui en tenir compte dans leurs tête-à-tête à Damas. Dans les circonstances actuelles, la « ligne dure » pourrait déboucher directement sur une politique de la terre brûlée. Les menaces du chef d’état-major de l’armée israélienne, Shaoul Mofaz, doivent être prises au sérieux. Il faut plier plutôt que de rompre. Par ailleurs, nous avons des obligations à l’égard de nous-mêmes. À quoi sert de se battre contre les risques de l’implantation, si cette lutte vide le pays de ses jeunes et de ses forces vives ? À quoi sert de nous condamner nous-mêmes à la guerre par des serments pris à la hâte qui deviennent autant de prisons ? Le réalisme voudrait que, comme le dit si justement Michel Aoun, nous ne défendions pas les intérêts d’autrui aux dépens des nôtres et aux dépens de ce qui fait le Liban, la coexistence.
Fady NOUN
Le Proche-Orient « n’a pas besoin de murs mais de ponts », a déclaré Jean-Paul II en critiquant le terrorisme et la construction d’un mur entre le peuple israélien et le peuple palestinien. On pourrait en dire autant de notre politique extérieure, ou de ce qui nous en tient lieu.En prônant systématiquement une « ligne dure » face à Israël, en refusant de déployer...