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Pharès Zoghbi fait don à la faculté de droit de l’USJ de sa bibliothèque de 50 000 volumes L’aboutissement généreux d’une existence vouée à la culture(photos)

Aboutissement d’une existence vouée à la culture, l’avocat et humaniste Pharès Zoghbi a consacré officiellement hier, au cours d’une cérémonie organisée à son domicile de Kornet Chehwane, le don qu’il a fait le 30 mai 2002 de sa bibliothèque à la faculté de droit de l’USJ. Cette donation est l’un des actes majeurs de sa vie. Elle consacre aussi la Fondation qui porte son nom.
La bibliothèque comprend quelque 50 000 ouvrages (fonds spécialisé en droit, science politique, sociologie, littérature française, art, histoire, islamologie et dialogue des civilisations), ainsi que trente titres de périodiques. Elle est située au rez-de-chaussée et dans quelques salles du premier étage de la maisonnette de deux étages où Pharès Zoghbi vit, sur la grand-route de Bickfaya. Un panneau signale que les lieux sont désormais annexes de l’USJ.
De fait, cette donation réalise l’un des rêves de Pharès Zoghbi, voir son nom associé au rayonnement culturel de l’Université Saint-Joseph, et ce n’est pas peu dire. La bibliothèque est accessible gratuitement aux étudiants de l’USJ et moyennant un droit d’admission, à tous les publics. Dans un prospectus imprimé pour l’occasion, les conditions d’accès et d’utilisation des ouvrages sont précisées. Le prêt à domicile est possible, ainsi que les propositions d’achat. Une salle de lecture de 20 places est disponible, pour les consultations sur place, ainsi qu’un service de photocopie. À faire rêver. Présentée par Mme Nada Corbani Akl, directrice de la bibliothèque, devant un parterre comprenant notamment l’ancien recteur de l’USJ, le père Jean Ducruet et le recteur en exercice, le père René Chamussy, l’ancien président de la République, M. Amine Gemayel, les députés Nassib Lahoud et Ghassan Achkar et de nombreux amis, la cérémonie de donation a été marquée par des allocutions du Pr Fayez Hajje-Chahine, doyen de la faculté de droit de l’USJ, de Me Zoghbi et enfin de M. Ghassan Tuéni, ancien ministre et rédacteur en chef du an-Nahar.
« On est identifié par son choix. Ce dicton français reçoit, aujourd’hui, une nouvelle confirmation », a affirmé le Pr Hajje-Chahine, qui a identifié Me Pharès avec les trois qualités du livre : générosité, sincérité et liberté. « Le livre ignore le double langage », a-t-il souligné.
Le Pr Hajje Chahine devait révéler que Me Zoghbi a refusé le million de dollars qu’on lui proposait pour sa bibliothèque. En confiant ce trésor à l’USJ, a-t-il enchaîné, le donataire s’est associé au passé, au présent et à l’avenir d’une institution qui saura veiller à « son entretien et son enrichissement continu ».

L’ouverture sur l’Autre
Prenant le relais du doyen de la faculté de droit, Pharès Zoghbi a pris l’auditoire sous le charme de sa voix chaleureuse. « Me voici, à plus de quatre-vingt-cinq ans, exerçant sur l’existence, et sur moi-même, un légitime droit d’inventaire », a-t-il déclaré, en saluant les membres d’un auditoire conquis qui se serraient dans l’entrée de la nouvelle bibliothèque.
Et de poursuivre : « Dans ce pays, le Liban, qui m’a pris en quelque sorte au dépourvu – qui n’était pas le mien, tout en étant le mien –, j’ai débarqué au printemps de 1930, venant du Brésil, où je suis né, de père et de mère Libanais (...). Voilà réunis tous les ingrédients de l’identité plurielle selon le titre d’un livre important d’Amin Maalouf que je revendique pleinement : le lien du sang, le lien du sol, auxquels j’ai ajouté continûment, assidûment et sans relâche, le lien du livre, j’entends particulièrement et surtout le livre français (...). »
« Pourquoi le livre ? Pourquoi tant de livres et de documents ? » s’interroge Pharès Zoghbi. Parce que, poursuit-il, « plus elle se diversifie (...), plus la lecture élargit nos horizons, nous fait découvrir le proche et le lointain, nous fait découvrir l’Autre, notre complément, avec sa différence ou sa ressemblance (...). De sorte que moi, né au Brésil, de père et de mère Libanais, je suis à la fois et l’un et l’autre, Brésilien et Libanais, et un peu plus peut-être. Je suis pleinement Libanais, je suis pleinement chrétien, et je suis pleinement arabe. La pluralité des identités étant le trait dominant de cette mondialisation où les hommes se déplacent avec leurs marchandises, avec leurs images, avec leurs voix, avec leurs langues... »
Citant le dernier ouvrage d’Edward Saïd et comme son testament intellectuel, Pharès Zoghbi accorde à la culture « le droit de transcender les différences ». « N’allons pas nous calfeutrer dans nos isolationnismes ridicules et meurtriers, construisant, dans l’inconscience et l’ignorance, nos murs d’isolement et de protection, tel le mur raciste de la honte que construit Israël en ce moment, et celui de Berlin, de triste mémoire », affirme-t-il.

Une joie profonde
« Ces traditions d’ouverture, de dialogue, de recherche de l’Autre, ne s’épanouissent que dans la continuité, ne sont possibles que dans la collaboration (...), a enchaîné Me Zoghbi. Comment vous dire la joie profonde que j’éprouvais en signant avec le RP recteur Sélim Abou le contrat de donation de ma bibliothèque à la faculté de droit et des sciences politiques ? Je n’ai pas hésité, j’ai accepté, je continue d’accepter, je bénis tout le temps cette initiative heureuse, et rend un hommage sincère et particulier au P. Sélim Abou, qui n’a pu malheureusement être parmi nous. »
« Que va-t-elle donner, cette association ? L’avenir nous le dira », dit Me Zoghbi, qui se promet, d’ores et déjà, d’associer sa fondation à des congrès, des conférences, des pièces de théâtre, des films et des publications, dans la fidélité à « la recherche de l’Autre » qui en est l’essence.
Pour conclure, reprenant un passage du dernier ouvrage de Luc Ferry, Qu’est-ce qu’une vie réussie ?, Pharès Zoghbi s’interroge : « À quoi sert-il de vieillir ? » Et avec Ferry, Zoghbi trouve une rare réponse à cette question exigeante dans un poème de Victor Hugo, Booz endormi :
« Booz était bon maître et fidèle parent.
Il était généreux quoiqu’il fut économe,
Les femmes regardaient Booz, plus qu’un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand,
Le vieillard qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants,
Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’œil du vieillard, on voit de la lumière. »
Chaudement applaudi, Me Zoghbi cède la parole à Ghassan Tuéni. « Notre rencontre de ce soir, dans une modeste bourgade de la montagne libanaise – maintenant carrefour de la pensée –, acquiert une certaine solennité, j’ose dire historique, car elle se célèbre telle une sainte Messe, pour le “Salut par la Culture”, face aux murs de la haine qui s’érigent ailleurs », dira notamment l’ancien ministre (voir par ailleurs). Son allocution est suivie d’un lever de voile sur une plaque fixée à l’entrée de la bibliothèque, scellant l’alliance entre la Fondation culturelle Pharès Zoghbi et la faculté de droit de l’Université Saint-Joseph.

Fady NOUN

Aboutissement d’une existence vouée à la culture, l’avocat et humaniste Pharès Zoghbi a consacré officiellement hier, au cours d’une cérémonie organisée à son domicile de Kornet Chehwane, le don qu’il a fait le 30 mai 2002 de sa bibliothèque à la faculté de droit de l’USJ. Cette donation est l’un des actes majeurs de sa vie. Elle consacre aussi la Fondation qui...