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ANALYSE L’état-major israélien met en garde Beyrouth et Damas Pour la sécurité des Libanais, l’armée au Sud plus nécessaire que jamais

Il y a d’abord le verbe.
« La population du Liban pourrait devenir la première victime de la catastrophe que nous promet Nasrallah. » Le ton a changé, le vocabulaire a changé, la cible a changé. Ce ne sont plus les centrales électriques, les stations radar, qui risquent d’être détruites : ce sont les Libanais. De par son timing, de par sa clarté, sa concision, son assurance – même si le communiqué publié hier par l’institution militaire de l’État hébreu insiste sur la volonté de « ne pas prendre (la population libanaise) pour cible » –, la menace semble on ne peut plus sérieuse. Surtout que cette menace, c’est l’armée israélienne elle-même qui l’a crachée, hier, confirmant et confortant avec un plaisir qu’elle ne cherche même plus à dissimuler la véritable maladie que subit le Liban : la concomitance des volets avec la Syrie. Puisque « le gouvernement syrien portera l’entière responsabilité d’une escalade sur la frontière nord » d’Israël.
Il y a ensuite le geste.
C’est également hier que l’armée de l’État hébreu a rendu publiques les importantes manœuvres auxquelles elle s’est livrée durant toute la semaine près de sa frontière avec le Liban et la ligne de cessez-le-feu avec la Syrie. Des centaines de fantassins, des chars, des hélicoptères et des avions de combat ont participé à ces manœuvres à la frontière avec le Liban et sur le plateau du Golan.
Cet exercice d’habitude routinier ne peut – et ne doit –, cette fois, être compris que comme un avertissement à la Syrie, au Liban et, surtout, au Hezbollah, avec lequel Israël vit depuis quelques semaines un je-t’aime-moi-non-plus dangereux, meurtrier ; avec lequel Israël joue un sacré coup de poker dont l’enjeu est la réussite du processus de l’échange de prisonniers. Aux conditions drastiques – la libération de Samir Kantar – qu’impose depuis quelques jours le parti intégriste, conscient du crédit énorme que ce succès éventuel pourrait apporter à un homme, Hassan Nasrallah.
Le secrétaire général du Hezbollah, qui joue là sinon son avenir de leader panarabe du moins la possibilité de continuer à imposer le caractère toujours indispensable et incontournable de la branche militaire de son parti, avait menacé il y a quelques jours de recourir à la force pour hâter l’échange des prisonniers avec Israël. Il y a quelques semaines, le parti intégriste avait même bombardé pour la première fois la partie occupée du village libanais de Abbassiyé.
Le Hezbollah pourrait avoir réellement eu l’intention, téléguidé par Damas et par Téhéran, et avec le suivisme désormais légendaire de Beyrouth, d’allumer le feu et de faire mal de l’autre côté de la ligne bleue. Quant à l’État hébreu, avec la bienveillance ou la bénédiction silencieuse de Washington, il pourrait avoir eu la criminelle envie, à une dizaine de jours de la très probable rencontre Sharon-Qoreï, de téléporter le conflit au Nord, de faire oublier, de mettre entre parenthèses, pour un petit moment, les bourbiers cisjordanien et irakien.
Les menaces de Shaoul Mofaz, à l’encontre de la Syrie et, surtout, du parti intégriste, se multiplient depuis des jours. Le ministre israélien de la Défense avait même évoqué, dimanche dernier, la proposition qu’il avait faite, lorsqu’il était chef d’état-major, de faire enlever Hassan Nasrallah afin d’obtenir des informations sur Ron Arad. Il avait également fait état de « méthodes plus originales » qui seraient désormais utilisées pour obtenir des informations sur le pilote israélien, capturé en 1986 au Liban-Sud et dont l’État hébreu n’a plus aucune nouvelle depuis.
Samir Kantar, Ron Arad, Elhanan Tanenbaüm et, au-delà, tous les tenants et aboutissants de l’échange de prisonniers entre Israël et le Hezbollah... voilà ce qui semble être, aussi, un autre enjeu de cette bien inquiétante montée d’adrénaline et de bruits de bottes à la frontière sud du pays.
Reste que lorsqu’un État vit depuis des décennies et au quotidien, la tragédie bien peu enviée de supporter, à sa frontière sud, un autre État ennemi, le bon sens, l’instinct de survie et l’élémentaire maîtrise des rouages politico-diplomatiques imposent deux choix, et seulement deux choix. Un : faire la guerre – une option bien évidemment impensable, autant qu’inutile. Deux : faire en sorte de contribuer à préserver le statu quo et la stabilité.
Sauf qu’en refusant le déploiement de son armée en lieu et place des membres du Hezbollah, le Liban autorise et encourage, sur demande syrienne, un dérapage à la frontière, en totale violation des résolutions onusiennes. Le tout pour les fermes de Chebaa, cette trouvaille syrienne, indispensable si Damas veut continuer à tabler sur la concomitance des deux volets.
Hier, le communiqué disait que l’armée israélienne « ne cherche pas l’escalade, mais elle est prête à faire face à tout affrontement possible avec le Hezbollah, qui est à la pointe du terrorisme, avec le parrainage de la Syrie et le soutien de l’Iran ». Personne ne penserait accorder le moindre crédit à ce genre d’accusations, surtout que le Hezbollah – branche politique a prouvé qu’il était devenu indispensable sur la scène locale, et qu’Israël a prouvé qu’il n’avait besoin d’aucun prétexte – fut-il le parti intégriste – pour semer la mort.
Une certitude demeure : en obéissant sans broncher à Damas, en refusant d’étendre la prééminence de l’État au Sud, en refusant de démilitariser le parti intégriste, le pouvoir a fait, fait et ne fera que tendre le bâton pour se faire battre, mettant en péril la sécurité des Libanais. C’est inadmissible.
Ziyad MAKHOUL
Il y a d’abord le verbe. « La population du Liban pourrait devenir la première victime de la catastrophe que nous promet Nasrallah. » Le ton a changé, le vocabulaire a changé, la cible a changé. Ce ne sont plus les centrales électriques, les stations radar, qui risquent d’être détruites : ce sont les Libanais. De par son timing, de par sa clarté, sa concision, son...