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Les dérives de Taëf à l’origine de bien de maux

S’adressant à l’Assemblée des prélats catholiques, le patriarche Sfeir a répété que « si l’on avait appliqué Taëf comme il convenait de le faire, la jeunesse libanaise, notamment chrétienne, n’aurait pas été en crise. Le problème frise pour beaucoup la calamité, le drame. Nombre de jeunes ont dû en effet, contraints et forcés, quitter le pays. Par crainte d’être traqués, poursuivis et jetés en prison. »
Le patriarche a recueilli, durant sa tournée européenne, beaucoup de plaintes et de témoignages à ce sujet. La question mérite traitement si l’on veut que ce pays recouvre sa place dans le concert des nations normales.
De multiples professionnels de la politique partagent le point de vue de Bkerké. Entré en vigueur en 1990, le pacte de Taëf aurait dû initier tout d’abord l’unité nationale bien comprise par la formation d’un gouvernement d’entente qui aurait rapidement tourné la page de la guerre. En s’appuyant notamment sur une vraie amnistie générale, non sur une loi de grâce bancale, partiale et partielle. Au lieu de gommer le contentieux, pour repartir d’un même pied égal et recoller les morceaux, on a capturé et emprisonné le leader des Forces libanaises, Samir Geagea. Comme s’il était le seul à qui l’on puisse imputer des crimes de guerre, si tant est qu’il en ait commis. Au lieu de le punir ainsi pour avoir refusé d’adhérer au gouvernement dit d’entente, on aurait dû le laisser faire de l’opposition, dans le cadre de l’ordre et de la légalité. Sa mise en détention a semé la peur parmi ses partisans, dont beaucoup ont émigré. Il en a été de même pour nombre de militants aounistes après l’ostracisme qui a frappé l’ancien président du Conseil et après les vexations, les arrestations, les tabassages qu’ils ont pu subir. D’autant qu’après les cinq années d’exil auxquelles le général Aoun avait été condamné, il n’avait pas été autorisé à regagner le pays pour y exercer sa ligne politique, également d’une manière légale. Cette répression s’inscrit comme une violation flagrante de la Constitution. Qui décrète dans son préambule, parmi les principes fondamentaux, que « le Liban est une République démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques (la liberté d’opinion et de croyance en premier), sur la justice sociale, sur l’égalité des droits et des obligations entre tous les citoyens, sans distinction ni préférence ».
Or, c’est la discrimination que l’on a adoptée comme règle, comme jadis l’apartheid en Afrique du Sud. Faisant écho au patriarche Sfeir, les politiciens cités soulignent que l’on est loin des préceptes de Taëf. Qui édictent que le peuple est la source des pouvoirs et maître d’une souveraineté qu’il exerce à travers les institutions constitutionnelles. En effet, toutes les élections législatives ont été régies par des lois inéquitables, antidémocratiques, déséquilibrées, discriminatoires, contraires non seulement à l’esprit mais aussi aux directives concrètes de Taëf. Le premier scrutin général, organisé en 1992, était si aberrant qu’il a été boycotté par plus de 85 % des électeurs. La Chambre qui en était issue ne représentait en rien le peuple libanais dans ses diverses composantes. Elle était monochrome au point de constituer une atteinte à la Constitution qui récuse la légitimité de tout pouvoir ne respectant pas dans sa composition le pacte de la coexistence.
Taëf s’est également trouvé trahi au niveau du principe double de la séparation et de la coopération des pouvoirs. Il n’y a pas eu, non plus, de plan de développement économique, culturel et social pour les régions. Rien n’a été fait pour la promotion d’une justice sociale globale, via une réforme. Et, en pratique, il n’y a pas eu d’effort pour réaliser ce vœu pressant de Taëf : que chaque Libanais ait le droit de résider, de vivre, dans n’importe quelle région, à l’ombre de la loi souveraine.
De même, les dispositions du pacte national concernant l’abolition du confessionnalisme politique sont restées lettre morte. Autant que la décentralisation administrative ou le redécoupage des districts. L’édification d’un État fort, fondé sur l’entente nationale, reste toujours un vague vœu pieux. Il n’y a eu aucun gouvernement d’unité étendant l’autorité publique à l’ensemble du territoire par le biais d’un plan de sécurité détaillé. Dont l’exécution aurait été confiée aux forces régulières nationales afin que l’on puisse se passer du concours de forces non libanaises. Il n’y a pas eu d’accord entre les deux gouvernements libanais et syrien pour un retrait des unités syriennes, leur repli sur la Békaa et la durée de leur séjour. L’armée n’a pas été déployée à la frontière sud pour réactiver la convention d’armistice de 1949 avec Israël. Dans ce contexte, toutes les milices, toutes les organisations, libanaises ou non, n’ont pas été dissoutes et désarmées comme le veut Taëf. Quant à la question du retour des déplacés, elle n’a marqué que peu de progrès relativement.
Tout cela a stimulé les départs vers l’étranger. Il faut maintenant, souligne le patriarche Sfeir, qu’un effort considérable soit déployé pour qu’ils reviennent aider à la reconstruction, au redressement du pays. Ou qu’à tout le moins, ils puissent contribuer en ayant le droit de voter là où ils se trouvent.

Émile KHOURY
S’adressant à l’Assemblée des prélats catholiques, le patriarche Sfeir a répété que « si l’on avait appliqué Taëf comme il convenait de le faire, la jeunesse libanaise, notamment chrétienne, n’aurait pas été en crise. Le problème frise pour beaucoup la calamité, le drame. Nombre de jeunes ont dû en effet, contraints et forcés, quitter le pays. Par crainte...