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CORRESPONDANCE - Conférence à deux voix sur la reine Effat (épouse du roi Fayçal d’Arabie saoudite) Une femme de substance et de vision(photos)

WASHINGTON-Irène MOSALLI

«Une femme sans instruction est le maillon faible entre la famille et la nation». Cette phrase a été prononcée dans les années 50 par une Saoudienne à qui l’on doit la création des écoles dans ce pays où l’enseignement se donnait, essentiellement pour les garçons, d’une manière rudimentaire. Son nom : Effat al-Souniyan, épouse du roi Fayçal d’Arabie saoudite. Tous deux ont formé un couple dont la symbiose a fait date. Lui, une figure historique et emblématique et elle projetant ses visions futuristes. Le grand public ne connaît pas tous les aspects du rôle important qu’elle a joué dans le développement social de son pays. On a été éclairé à ce sujet lors d’une conférence organisée à Washington par la fondation Mosaïque, qui inaugurait une série intitulée «Légendes de par elles-mêmes».

À travers ce thème, est évoquée la vie des femmes arabes devenues célèbres non pas uniquement pour avoir épousé des hommes d’État mais pour avoir, au-delà du rôle traditionnel qui leur était assigné, initié de par elles-mêmes de vastes mouvements de changement.
Les deux brillants conférenciers qui ont évoqué la reine Effat sont l’image vivante de son legs. Ils ne sont autres que deux de ses enfants : le prince Turki al-Fayçal et la princesse Loulwa al-Fayçal, directrice d’un collège universitaire fondé par sa mère. À noter que le roi Fayçal et la reine Effat avaient eu neuf enfants, qui tous occupent aujourd’hui des postes de responsabilité et qui se distinguent par leur haut niveau intellectuel. Il s’agit des princesses et princes suivants : Sarah, Mohammad, Latifa, Saoud (actuel ministre des Affaires étrangères), Abdul Rahman, Bandar, Turki (ambassadeur en Grande-Bretagne), Loulwa et Haïfa (épouse de l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, le prince Bandar Ben Sultan).

Issue de la famille
al-Souniyan
Précisons aussi que, contrairement à la croyance générale, la reine Effat n’est pas turque. Elle est en fait issue d’une branche de la famille al-Saoud, nommée al-Souniyan. Son grand-père Abdallah (gouverneur de Ryad de 1841 à 1849) s’était consacré par la suite au commerce avec l’Inde. Lors de l’un de ses voyages, il avait été capturé par les Britanniques et placé en résidence surveillée en Turquie. Là, le sultan l’avait pris comme conseiller pour les affaires de la péninsule arabique et lui avait fait prendre comme épouse une Tcherkesses. L’un de ses fils, Mohammad, avait épousé à son tour une Tcherkesses et avait eu deux enfants, Effat et Zaki.
Ainsi, Effat avait été élevée selon les normes et la culture de la Turquie d’Atatürk. Après des études primaires et secondaires (en français et en turc) à Istanbul, elle avait obtenu un diplôme d’enseignement pour le secondaire.
À cette époque (en 1932), le roi Abdel-Aziz, qui venait de compléter l’unification de la péninsule arabique, avait demandé aux membres de la famille al-Saoud vivant en exil de revenir au pays. Effat et son frère, dont les parents étaient décédés, sont arrivés avec leur tante. Ils ont été accueillis par le ministre des Affaires étrangères, le prince Fayçal (fils du roi Abdel-Aziz et futur roi). Quelques mois plus tard, le prince Fayçal épousait Effat. Cette dernière ne connaissait pas un mot d’arabe et lui pas un mot de turc. Avec l’aide d’un interprète, ils ont rapidement appris leurs langues respectives.

Le roi Fayçal,
époux et partenaire idéal
Néanmoins, les deux étaient sur la même longueur d’onde, car ils avaient pour principale préoccupation l’éducation. Alors que le gouvernement saoudien était encore en train d’établir des écoles pour les garçons, le couple avait déjà ouvert en 1942, sur les collines de Taëf, une école mixte. Parallèlement, la reine Effat, femme de vision, s’activait dans les domaines de la santé, de la philanthropie et de la condition féminine. Elle encourageait ses semblables à récupérer les droits que Dieu leur avait accordés et que leur avait arrachés une société patriarcale. Elle les voyait comme partenaires égales à l’homme et non comme simple complément. Elle avait rejeté les coutumes archaïques, comme celle de ne pas manger à la même table que son époux.
De plus, la reine Effat organisait des « majless » uniquement destinés aux femmes afin de pouvoir adresser personnellement leurs doléances et leurs requêtes au roi.
En 1955, elle s’offre, en guise de cadeau d’anniversaire, la création d’une école moderne pour filles à Djedda qui sera baptisée Dar al-Hanane. En 1999, un an avant son décès, elle offre à la femme saoudienne un autre cadeau : le premier collège universitaire du pays, le Effat College. Parmi ses autres réalisations, la société philanthropique al-Nahda, que dirigent aujourd’hui deux de ses filles, les princesses Sarah et Latifa, la propagation de l’alphabétisation, le centre du patrimoine, des polycliniques et une école pour enfants trisomiques.
En œuvrant ainsi avec force et sérénité, pour que tous, hommes et femmes, puissent donner le meilleur d’eux-mêmes dans une société qu’elle voulait en perpétuel essor, elle avait un partenaire idéal: son époux le roi Fayçal, qui avait dit à ceux qui protestaient contre l’ouverture d’une école de filles : « Si vous ne voulez pas que vos filles soient instruites, c’est votre problème, ne les envoyez-pas à l’école. Mais pour ceux qui désirent que leurs filles acquièrent le savoir, j’ouvrirais partout des écoles, même au milieu du désert. »
WASHINGTON-Irène MOSALLI«Une femme sans instruction est le maillon faible entre la famille et la nation». Cette phrase a été prononcée dans les années 50 par une Saoudienne à qui l’on doit la création des écoles dans ce pays où l’enseignement se donnait, essentiellement pour les garçons, d’une manière rudimentaire. Son nom : Effat al-Souniyan, épouse du roi Fayçal...