Rechercher
Rechercher

Actualités

ECLAIRAGE Les dirigeants libanais s’empressent de réagir au Syria Accountability Act Comme d’habitude, le pouvoir se montre plus royaliste que le roi

Comme à l’accoutumée, le pouvoir s’est montré plus royaliste que le roi. La réaction (officielle) au vote par le Sénat américain du Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act est venue non point de Damas, mais de Beyrouth. Jusque tard dans la soirée d’hier, les dirigeants syriens n’avaient toujours pas commenté publiquement l’approbation du document américain qui, pourtant, les concerne directement. Ce sont, plutôt, les hauts responsables libanais qui se sont empressés dès la matinée d’hier, et quelques heures seulement après le débat au Sénat, de réagir promptement au vote US. Aussi bien le président Émile Lahoud que le chef de la diplomatie, Jean Obeid, ont ainsi prôné à l’unisson le « dialogue » et la « raison » pour régler le contentieux entre Washington et Damas.
« Seul un dialogue sincère loin de toute pression peut conduire au règlement des problèmes en suspens », a notamment déclaré à ce propos le chef de l’État. « Seul le dialogue peut porter ses fruits », soulignait pour sa part le quotidien syrien al-Baas. Cette concordance des termes employés pour exprimer une même position n’est certainement pas une simple coïncidence. Elle illustre de façon éclatante à quel point le mécanisme de « complémentarité » et de « coordination » dans les rapports bilatéraux est soigneusement agencé. Elle démontre surtout le caractère pertinent – pour ce qui se rapporte seulement au Liban – des interventions particulièrement fermes des sénateurs américains lors du débat qui a précédé le vote de mardi. Aussi bien les élus républicains que démocrates ont, en effet, déploré explicitement le fait que « les Libanais ne sont plus maîtres de leur sort » et que « la Syrie prend le Liban en otage ». Le suivisme aveugle et sans nuances du pouvoir libanais à l’égard de Damas – suivisme qui s’est illustré une fois de plus hier – apporte aux membres du Sénat US la preuve palpable que leurs propos sont loin d’être une vue de l’esprit.
À l’issue d’un entretien, à Damas, avec le président Bachar el-Assad, l’un des membres républicains à la Chambre des représentants, Jim Kolbe, plaidait, mardi, en faveur du « dialogue » pour initier une détente dans les relations américano-syriennes. Ce terme ayant été repris quelques heures plus tard par les médias de Damas et par le pouvoir libanais, il est permis de penser que la déclaration de M. Kolbe reflétait surtout les vues de M. Assad.
Cette volonté affichée de dialogue exprimée par Damas est-elle réelle ? Ou est-elle uniquement la manifestation d’une nouvelle manœuvre traditionnelle, le régime syrien étant passé maître dans sa capacité à gagner du temps, dans l’attente d’une modification des rapports de forces et de changements internationaux ou régionaux lui permettant d’échapper aux pressions ? Si ce second cas de figure se confirme, la Syrie aura pris le risque de s’engager dans une fuite en avant dans l’espoir que la prochaine échéance présidentielle aux États-Unis débouche sur un départ de l’Administration Bush. À part que cette fois-ci, le double vote massif du Syria Accountability Act par le Sénat et la Chambre des représentants tend plutôt à démontrer que le net durcissement US à l’égard des manœuvres classiques syriennes n’est pas l’œuvre d’un seul camp politique américain mais illustre peut-être le fait que quelque chose a changé à Washington au niveau du dossier syro-libanais. Les développements des prochains mois sur la scène irakienne permettront sans doute de déterminer dans quelle direction le vent est en train de souffler.

Michel TOUMA
Comme à l’accoutumée, le pouvoir s’est montré plus royaliste que le roi. La réaction (officielle) au vote par le Sénat américain du Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act est venue non point de Damas, mais de Beyrouth. Jusque tard dans la soirée d’hier, les dirigeants syriens n’avaient toujours pas commenté publiquement l’approbation du document...