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Affaire Siniora-Barsoumian Berry prend la tangente pour tirer son épingle du jeu

Étrange coïncidence : le jour même où la Cour suprême US, deuxième pouvoir de fait après la présidence, acceptait (enfin) de se saisir du dossier des détenus talibans de Guantanamo, le bureau de la Chambre libanaise donnait son feu vert à une procédure judiciaire contre Fouad Siniora et Chahé Barsoumian.
Mais, dans un cas comme dans l’autre, les complexités juridiques constituent un véritable casse-tête, source de multiples contradictions. Ainsi, le même bureau de la Chambre, qui est sans doute l’autre nom que se donne Berry, a renvoyé le dossier technique de Siniora comme de Barsoumian au parquet. Ce qui signifie que si l’on doit ester (poursuivre), on manquera tout simplement d’instrument de travail !
Cette apparente volte-face traduit non pas un revirement mais une évolution, pour ainsi dire normale, dans la position de Berry. Dans un premier temps, il a voulu donner à la toute nouvelle Haute Cour une certaine consistance potentielle, sinon quelque chose à se mettre tout de suite sous la dent. En lui offrant la perspective, en réalité aussi théorique qu’improbable, d’avoir à statuer sur le cas de Siniora comme de Barsoumian. Façon (subtile) de rappeler que le chef du mouvement Amal aimerait bien voir le « renégat » Ali Abdallah, lui-même ancien ministre (de l’Agriculture), passer sous les fourches caudines de la juridiction d’exception, plutôt que de rester aux mains de la justice ordinaire, pour pénale qu’elle soit.
Dans un deuxième temps, Berry s’est avisé que la justice lui avait manqué d’égards. Dans ce sens qu’il a reçu copie des dossiers Siniora-Barsoumian directement et non par l’entremise (protocolaire) du ministre de la Justice, Bahige Tabbarah. Pour la bonne raison qu’on n’avait pas cru bon d’informer ce dernier, haririen dans l’âme, de la chausse-trappe tendue à son camp.
Dans un troisième temps enfin, et surtout, Berry, après avoir reçu un Hariri agacé sinon affolé, a estimé préférable de ne pas mettre son doigt entre l’arbre et l’écorce. Il ne veut à aucun prix se mêler de la querelle entre lahoudistes et haririens. Querelle que ces derniers imputent à la gentillesse habituelle, à leur égard, des partisans du régime. Qui protestent qu’ils n’ont rien à voir dans une procédure judiciaire purement machinale. En rappelant, à l’instar du parquet, qu’il fallait impérativement saisir le Parlement avant que le délai de prescription ne vienne à expiration le 10 novembre, pour des charges délictueuses remontant à trois ans. Ce point de vue des lahoudistes est partagé, il convient de le souligner, par beaucoup de professionnels neutres. Qui soulignent qu’une manœuvre d’ordre politicien manigancée par les lahoudistes aurait été un coup d’épée dans l’eau. Du moment que dans l’ordre pratique des choses, les poursuites contre Siniora et Barsoumian n’ont aucune chance d’aboutir : il faut l’aval des deux tiers de la Chambre, où le bloc Hariri et ses alliés ne comptent pas pour peu.
En tout cas, Berry a décidé de ne pas laisser l’affaire trop rebondir, surtout dans sa propre direction. Il a donc renvoyé les dossiers incriminés (c’est le mot) au parquet. En parvenant de la sorte à préserver la dignité des débats prochains de la commission parlementaire du Budget. Qui aurait sans doute trouvé délicat de convoquer un ministre des Finances en délicatesse, justement, avec la justice sous sa forme parlementaire.
Dans le même temps, Berry confirme sa neutralité dans la guerre des présidents et évite toute confrontation avec Hariri. Qui lui en aurait beaucoup voulu, certainement, s’il avait « lâché les chiens », comme on dit familièrement en termes de caravanier, contre le couple Siniora-Barsoumian. Dès lors il y a des chances pour que la trêve fragile imposée par la Syrie soit rétablie. Un armistice du reste paradoxalement armé, car les rumeurs venimeuses lancées de part et d’autre vont bon train. Au point que les médiateurs s’arrachent les cheveux : toutes les tentatives visant à promouvoir une vraie réconciliation entre les deux présidents ont lamentablement échoué. Les deux parties en présence, tout en protestant pareillement de leur bonne volonté, ont en effet multiplié à qui mieux mieux les conditions ou contre-conditions rédhibitoires. Cependant, les deux dirigeants affirment qu’ils vont respecter l’accord conclu sous l’égide des décideurs. C’est-à-dire que, sans se rabibocher, ils s’engagent l’un et l’autre à accepter, en cas de litige, le verdict arbitral des institutions. Entendre du Conseil des ministres, qui prendrait librement ses décisions soit à l’amiable, soit par vote.
Entre-temps, pendant que les cadres s’observent en chiens de faïence (en continuant quand même à se partager aimablement le gâteau des crédits), la population se plaint sourdement, lourdement : les taxes indirectes commencent à être sournoisement relevées, mine de rien, par le gouvernement. Ainsi en est-il des quittances de téléphone fixe, de l’enregistrement des véhicules, des factures d’électricité ou d’eau.
Philippe ABI-AKL
Étrange coïncidence : le jour même où la Cour suprême US, deuxième pouvoir de fait après la présidence, acceptait (enfin) de se saisir du dossier des détenus talibans de Guantanamo, le bureau de la Chambre libanaise donnait son feu vert à une procédure judiciaire contre Fouad Siniora et Chahé Barsoumian.Mais, dans un cas comme dans l’autre, les complexités juridiques...