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SOCIAL - La presse, puissant outil de sensibilisation La loi libanaise pour les droits de l’enfance : des progrès de taille, mais la tâche est immense

Depuis l’adoption par l’Onu en 1989 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, la législation libanaise a fait un véritable bond dans la mise en place de lois relatives aux droits de l’enfance. Quel est l’état actuel des lois libanaises et quel est le rôle de la presse dans la protection de ces droits ? C’est dans le cadre des journées médicales annuelles organisées par le centre hospitalier universitaire Saint-Georges et la faculté de médecine de l’Université de Balamand, sur le thème « Les droits de l’enfant et la santé mentale de l’adolescent », que ces questions ont été abordées.
L’application de la Convention internationale des droits de l’enfant démarre au Liban à partir de 1990, de façon timide et partielle. L’État a ainsi l’obligation fondamentale de respecter et d’assurer les droits reconnus par la convention à chaque enfant relevant de sa juridiction. Tour d’horizon, avec le magistrat Chucri Sader, sur les lois les plus importantes relatives aux droits de l’enfant au Liban.
Durant les années 90, les principales mesures législatives adoptées de façon partielle concernent les sanctions prises contre tout genre d’opérations d’adoption en contrepartie d’une somme d’argent (loi 224 de 1993), l’obligation faite aux médecins d’informer les autorités compétentes dès qu’ils sont en présence d’enfants victimes d’abus ou de négligence (loi 288 de 1994), la mise en place de conditions plus strictes sur le travail des enfants relevant l’âge minimal d’admission à l’emploi de 8 à 13 ans (loi 536 de 1996), et la suspension de la mention « enfant illégitime » des cartes d’identité, registres de naissances et documents officiels.

Les mineurs en conflit
avec la loi
Mais les lacunes sont nombreuses, ce qui rend impossible l’adoption d’une politique claire et cohérente. C’est donc par le biais d’organisations diverses, gouvernementales ou non gouvernementales, que des programmes se mettent en place concernant les besoins et la protection de l’enfant.
Ce n’est qu’en 2002 que l’application de la Convention internationale s’impose, avec la mise en place de la loi 422, relative à la protection des mineurs en conflit avec la loi.
La stratégie de cette nouvelle loi, mise en place avec l’aide des experts des Nations unies, explique Chucri Sader, se fonde sur deux éléments de base. Elle entend créer une mécanique cohérente et exhaustive pour le mineur en danger ou en conflit avec la loi, et se fonde sur la nécessité de le soumettre à une loi spéciale et de lui assurer les meilleures possibilités de réadaptation et de resocialisation. Une resocialisation qui privilégie les mesures éducatives en milieu ouvert, comme le blâme verbal, la mise à l’épreuve, les mesures de protection, la liberté surveillée ou le travail d’intérêt général, et ne préconise les mesures d’enfermement, comme les centres de rééducation ou les établissements correctionnels, que dans les cas extrêmes. Cette loi met aussi en valeur la nécessité de renforcer la fonction thérapeutique des mesures prises, mais tente surtout d’éviter l’infraction en éliminant les facteurs favorables à la délinquance et mettant en place des mesures préventives.
Mais qu’en est-il de la procédure judiciaire appliquée aux mineurs en danger et en conflit avec la loi ?

Un premier pas vers
une meilleure loi
Au cours de son interrogatoire, un mineur doit être impérativement assisté par ses parents ou par un travailleur social. Ce dernier devra procéder, dès l’interpellation du mineur, à la constitution de son dossier personnel et proposer les mesures qu’il juge adéquates. Par ailleurs, la détention provisoire des mineurs de moins de 12 ans est interdite. Elle n’est admise, pour les autres, que dans des circonstances exceptionnelles et pour les infractions dépassant un an de prison. Mais cette détention doit se faire dans un endroit réservé aux mineurs et dans un délai ne dépassant pas 3 mois. Quant à la procédure devant le juge, elle se déroule à huis clos, en présence du mineur, de ses parents ou tuteurs, du travailleur social ainsi que de l’avocat, et la publication des informations relatives à l’enquête, à l’instruction ou à l’audience est interdite. D’ailleurs, le nom du mineur ou sa photo ne peuvent en aucun cas être publiés.
Créer un système logistique qui garantisse le bon fonctionnement et la continuité de la loi est impératif. En effet, explique M. Sader, l’aboutissement d’une loi réside dans sa bonne application. Pour ce faire, le gouvernement a tenté de mettre en place un système d’assistance qui se traduit par l’institution d’un département central au ministère de la Justice, pour veiller à la bonne application des lois, mais aussi par la formation de policiers, de juges et de travailleurs sociaux destinés à prendre en charge les mineurs. L’État envisage, par ailleurs, de créer un institut pour la réadaptation des mineurs, conformément aux critères des Nations unies, et organiser des cycles de conférences destinés à sensibiliser la population libanaise aux problèmes des mineurs. « Malheureusement, déplore le magistrat, ces mesures n’ont pas vraiment été appliquées. »
Certes, en un peu plus d’une dizaine d’années, la convention relative aux droits de l’enfant a eu un impact significatif sur la législation libanaise. « Ces efforts marquent un premier pas, conclut M. Sader, mais ils doivent être poursuivis, pour assurer à l’enfant la totalité de ses droits et pour une application réelle de la convention. »

La presse dénonce la triste réalité de l’enfance maltraitée
La presse n’est certes pas étrangère dans la poursuite de ces efforts. Au contraire, observe à son tour Issa Goraieb, rédacteur en chef du quotidien L’Orient-Le Jour, la protection des droits de l’enfant est un « des principaux volets de la fonction sociale de la presse ». Une fonction « qui ne consiste pas seulement à rapporter les faits, mais à essayer d’infléchir le cours des événements dans un sens jugé plus favorable à la société ». Une fonction qui ne se contente pas « d’informer, mais de réformer, de mobiliser l’opinion publique afin que soit réparée l’injustice ».
« L’importance de ce rôle des médias, poursuit M. Goraieb, est d’ailleurs explicitement reconnue et soulignée dans l’article 17 de la Charte mondiale de l’enfance, qui réclame le libre accès de l’enfant à l’information et plus précisément celle tendant à promouvoir son bien-être social, spirituel et moral, de même que sa santé morale. »
Puissant outil de sensibilisation, « la presse vise en priorité les parents et l’enfant lui-même ». Provoquant des débats dont l’ampleur n’a d’égale que la gravité, la presse s’attaque désormais à des sujets comme la question de l’intégration à la société des handicapés physiques ou mentaux, de l’exploitation matérielle ou sexuelle des mineurs. Une exploitation dont elle révèle les sévices, les violences et les abus.
C’est aussi la presse qui a vigoureusement dénoncé la triste et honteuse réalité vécue par de nombreux enfants au Liban. Issa Goraieb rappelle, à ce propos, le cas de Fatmé, « la petite servante martyrisée jusqu’à l’amputation par ses employeurs » , ou la galère des enfants des rues, qui font la manche des journées entières. « En levant le voile sur ces horreurs, poursuit le rédacteur en chef, en s’efforçant de briser les tabous qui continuent trop souvent d’entourer des perversions aussi odieuses que l’inceste ou la pédophilie... la presse, non contente de mobiliser l’opinion, ambitionne de maintenir la pression sur les décideurs. »
Et M. Goraieb d’évoquer, non sans fierté, le travail accompli par les médias et notamment L’Orient-Le Jour, « diffusant les innovations apportées aux chartes et conventions internationales, rendant compte des percées opérées sous d’autres cieux, en matière de protection de l’enfant, et militant pour le progrès de la législation en matière de travail des mineurs et des mauvais traitements ».
« Il me faut à ce propos, poursuit M. Goraieb, évoquer avec un légitime orgueil tout le travail accompli dans ce domaine, des années durant, à L’Orient-Le Jour, par Mme Claire Gebeyli, travail dûment salué d’ailleurs par les Nations unies et d’autres instances internationales. Tant pis pour le défaut d’immodestie, mon journal tire grande fierté aussi des grandes enquêtes et des reportages de Scarlett Haddad, Anne-Marie el-Hage, Suzanne Baaklini, Nada Merhi (pardon à tous ceux et celles de mes collègues que je peux oublier ici), qui ont grandement contribué à cette prise de conscience collective des aberrations pouvant encore se produire dans notre beau pays. »
« Mais il reste énormément à faire pour nos jeunes », conclut Issa Goraieb. Et le rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour de déclarer les colonnes du journal ouvertes, à l’occasion de l’anniversaire de la signature de la Convention des droits de l’enfant, aux spécialistes libanais et étrangers, qui aimeraient y porter leurs observations et leurs suggestions sur la mission de la presse dans la protection de l’enfance.
A.-M. H.
Depuis l’adoption par l’Onu en 1989 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, la législation libanaise a fait un véritable bond dans la mise en place de lois relatives aux droits de l’enfance. Quel est l’état actuel des lois libanaises et quel est le rôle de la presse dans la protection de ces droits ? C’est dans le cadre des journées médicales...