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ÉCLAIRAGE - Les entretiens du patriarche maronite ont dépassé le cadre socio-religieux pour englober les hautes sphères officielles de l’UE La tournée européenne a conféré à Sfeir une stature internationale

Il avait consolidé ces dernières années – à l’échelle du Liban - sa stature d’homme d’État, de véritable leader national, ou plutôt de « grand sage », incarnant une haute autorité morale, respectée, estimée et écoutée même par ceux qui ne partagent pas ses options politiques. Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, vient d’ajouter à sa dimension locale (et régionale) une envergure internationale. Car le périple qu’il a effectué en Europe – et qui s’est achevé mardi dernier – se démarque nettement, à plus d’un titre, de ses précédentes visites dans d’autres régions du monde.
En quarante jours, le chef de l’Église maronite s’est rendu dans sept pays européens. Fait significatif, il n’a pas limité sa tournée aux pays « traditionnels », tels que la France, l’Italie la Belgique et la Grande-Bretagne, mais il a inclus aussi dans son programme la Suède, l’Allemagne et la Suisse.
Le plus frappant dans ces « quarante jours maronites » en Europe, c’est sans doute la nature des réunions que le cardinal Sfeir a tenues dans les différentes capitales qu’il a visitées. Généralement, l’essentiel des entretiens que le patriarche maronite (ou tout autre chef spirituel) cherche à avoir à l’étranger se limite principalement à de hauts responsables religieux, des notabilités locales et des représentants de la société civile, sans compter évidemment les émigrés libanais. Ce fut le cas, notamment, lors des visites de Mgr Sfeir aux États-Unis et au Canada où le patriarche n’avait conféré avec aucun responsable politique de haut rang.
Cette fois-ci, dans les sept pays où il s’est rendu, le cardinal Sfeir a été reçu par les plus hautes instances officielles. Il est, certes, plus que normal qu’il soit l’hôte du président français, compte tenu des liens privilégiés tissés entre l’Église maronite et la France. Par contre, ses entrevues avec le Premier ministre français, le président du Sénat, le chef du Quai d’Orsay, le roi de Belgique, le roi de Suède, les présidents allemand et suisse, ainsi que ses visites au Parlement européen et aux sièges des organisations internationales, à Genève, en sus de sa réunion avec le prince Philippe à Londres (axée sur les problèmes de l’environnement), ont contribué à donner au périple patriarcal une portée particulière. Et par le fait même, le cardinal Sfeir a acquis une stature internationale qui ne peut que renforcer encore davantage – s’il en était besoin – son autorité et son incontournable rôle national.
Bien au-delà de ce volet officiel dont l’importance n’échappe à personne, la tournée européenne du patriarche maronite s’est caractérisée aussi par la consistance et la cohérence du discours politique tenu durant ces quarante jours. Sans se départir un instant de la sérénité qui fait sa force, Mgr Sfeir a martelé sans détour, avec pondération et sagesse, mais non sans fermeté quant au fond, les positions de principe qu’il ne cesse de défendre depuis des années : nécessité d’un retrait des troupes de Damas ; dénonciation de la tutelle syrienne ; condamnation des multiples atteintes aux libertés publiques et individuelles… Le patriarche maronite a même été jusqu’à faire fi de la campagne menée à Beyrouth contre le général Michel Aoun, soulignant, à son arrivée en France, qu’il était en symbiose avec le général pour ce qui a trait aux grandes options de base, même s’il est en désaccord avec lui au sujet de la forme et des méthodes suivies.
Le fait que les propos fermes et empreints de franchise tenus par le cardinal Sfeir au cours de son périple n’aient suscité au Liban aucune critique ou réserve dans les milieux proches de Damas ne devrait pas passer inaperçu. Il y a un peu plus d’un an, le ministre Élias Murr s’était en effet permis, dans une interview à un quotidien local, de prendre violemment à partie le cardinal Sfeir, lui reprochant, entre autres, de « s’occuper de politique ». Aujourd’hui, le climat a foncièrement changé. Le patriarche maronite a réaffirmé haut et fort, dans les principales capitales européennes, les constantes nationales qui dictent ses positions, particulièrement en ce qui concerne le dossier des rapports avec la Syrie, sans que nul ne s’aventure à lui formuler le moindre reproche. Une preuve par quatre que Mgr Sfeir est perçu comme une haute autorité qui transcende les considérations politiciennes conjoncturelles.
Reste à espérer que la voix de Bkerké soit enfin entendue et que les décideurs, locaux, régionaux et internationaux, admettent qu’il s’agit là, pour les Libanais, de la voix de la conscience.

Michel TOUMA
Il avait consolidé ces dernières années – à l’échelle du Liban - sa stature d’homme d’État, de véritable leader national, ou plutôt de « grand sage », incarnant une haute autorité morale, respectée, estimée et écoutée même par ceux qui ne partagent pas ses options politiques. Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, vient d’ajouter à sa dimension...