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VIE POLITIQUE - Le dossier des décharges confié à une commission Les conflits Lahoud-Hariri paralysent toujours le Conseil des ministres

Aujourd’hui encore, on ne peut que répéter ces mots lâchés il y a quelques semaines par le président de la Chambre, Nabih Berry : « C’est une crise de pouvoir et non pas de gouvernement qui paralyse le pays. » Mais ce que M. Berry avait omis d’ajouter, c’est que l’une entraîne l’autre, à la manière de cette publicité de chocolat qui promet qu’une « bouchée appelle une autre ». Et parce que le problème entre les chefs de l’État et du gouvernement demeure entier, le Conseil des ministres reste, jusqu’à nouvel ordre, en vacances.
Les quatre ministres maronites, Sleiman Frangié, Khalil Hraoui, Jean Obeid et Farès Boueiz – dont deux étaient à la chasse ! – n’ont pas assisté à la réunion qui aurait bien pu être qualifiée d’ordinaire s’il n’y avait pas eu le coup d’éclat du ministre de l’Information, Michel Samaha, qui a refusé de donner lecture des résolutions officielles pour protester contre le fait que des ministres rendent compte régulièrement aux médias des débats en Conseil des ministres.
De sources politiques, on situe la prise de position de M. Samaha dans le cadre des tentatives menées, sous la houlette de la Syrie, pour favoriser un rapprochement Lahoud-Hariri et consolider la trêve politique parrainée par Damas. L’étalage des différends politiques à la une de la presse n’aide guère, selon ces sources, à décrisper les rapports entre Baabda et Koreytem.
M. Samaha, indique-t-on, fait partie avec d’autres ministres, notamment MM. Assaad Hardane et Assem Kanso, des personnalités qui essaient avec la Syrie de rétablir les ponts entre les deux pôles du pouvoir, avant l’ouverture, place de l’Étoile, du débat budgétaire, où le conflit Lahoud-Hariri risque de se transposer. Cette médiation a commencé peu après l’approbation du projet de budget en Conseil des ministres. Et pour cause : les chefs de l’État et du gouvernement ont chacun pris pour une victoire personnelle les amendements introduits au projet de loi, ce qui a eu pour effet de maintenir la tension entre eux.
Pour la Syrie, il était urgent d’œuvrer pour arranger – encore – une réunion de franche explication entre les deux dirigeants, afin de consolider la trêve politique à laquelle Damas tient tant que la situation dans la région reste ce qu’elle est, et pour confirmer l’unité de pouvoir avant le débat budgétaire. Selon les mêmes sources, les efforts syriens étaient sur le point d’aboutir le week-end dernier, lorsque la présidence de la République a ôté, du volumineux ordre du jour du Conseil des ministres, les points conflictuels, tels que le dossier des expropriations, le CDR..., ce qui a été mal pris par Koreytem. Devant ses proches, M. Hariri devait critiquer l’intitiative présidentielle et s’interroger sur l’opportunité d’une rencontre avec le chef de l’État. Pour lui, si une réunion doit se tenir avec le général Lahoud, elle doit porter sur des points précis. Les réserves du Premier ministre sont parvenues au président qui, à son tour, a laissé entendre qu’il ne tenait pas particulièrement à ce genre de réunion, toujours selon les mêmes sources. Et depuis, chacun des deux pôles du pouvoir nie toute responsabilité dans l’échec des tentatives d’apaiser le climat politique et la jette sur l’autre. C’est ce qui a sans doute poussé M. Hariri à lancer au journaliste qui le priait de lui dire, au terme du Conseil des ministres, s’il allait rencontrer prochainement le président de la République, un : « Qui vous a demandé de poser cette question ? » en évitant de répondre. Relancé par un autre journaliste, il s’est contenté de répondre par un large sourire.
De mêmes sources, on indique que Damas met les bouchées doubles pour initier un rapprochement entre les deux hommes à qui il a, semble-t-il, fait savoir qu’ils sont condamnés à s’entendre, surtout qu’il n’est pas question pour l’heure d’un changement du gouvernement et qu’il est inutile de lier tout désaccord à l’échéance présidentielle, parce que, pour la Syrie, il est prématuré d’ouvrir le débat sur ce dernier point.

« Un gouvernement déglingué »
En attendant un rabibochage des relations entre les deux pôles du pouvoir, le Conseil des ministres s’affaire et passe des heures à réaffirmer des prises de position que les Libanais connaissent par cœur et à confier à des commissions ministérielles l’examen de points inscrits à l’ordre du jour de sa réunion. En dépit du coup d’éclat de M. Samaha, un ministre n’a pas hésité à nous communiquer la teneur des débats en même temps que son ras-le-bol, qui l’a poussé à qualifier le gouvernement de « déglingué ».
Étant donné la tension politique actuelle, ce ministre trouve parfaitement justifié l’absentéisme dont s’est plaint le président Lahoud, il y a quelques semaines, et estime qu’il n’est pas possible que cette situation dure : on ignore, dit-il, si les prochains Conseils des ministres vont se tenir ou non, à cause du problème du quorum, sans compter que les ordres du jour qu’on ampute des points importants – donc pouvant envenimer les rapports entre les deux pôles de l’Exécutif – n’encouragent guère les ministres à assister aux réunions.
La majeure partie de l’assemblée d’hier a ainsi porté sur la résurgence des prises de position américaines et européennes favorables à l’implantation des Palestiniens. Le chef de l’État devait s’arrêter longuement sur ce point, mettant l’accent sur sa gravité, suivi de M. Hariri et d’autres ministres, avant que le Conseil des ministres ne décide d’engager « avant qu’il ne soit trop tard » une action diplomatique à l’échelle internationale pour contrer les tentatives de maintenir les réfugiés palestiniens au Liban. Le général Lahoud a proposé la formation d’une commission, composée des ministres des Affaires étrangères, de l’Information et de la Justice, pour préparer un plan d’action en ce sens et le présenter la semaine prochaine au Conseil des ministres. Une des idées émises a été de prendre contact avec la Ligue arabe pour qu’elle convoque un Conseil ministériel au cours duquel les chefs de la diplomatie des pays arabes feront part sans ambages de leur opposition à une implantation palestinienne.
Quant aux autres points à l’ordre du jour de la réunion, ils ont été vite expédiés, dans la mesure où leur examen a été confié à des commissions ministérielles. Ainsi, le rapport technique sur les décharges sanitaires, qui soulève une vague de contestations, a été confié à MM. Issam Farès, Élias Murr, Farès Boueiz, Najib Mikati, Marwan Hamadé, Jean-Louis Cardahi et Assem Kanso qui doivent vérifier avec le comité qui l’a élaboré l’impact de ces décharges sur l’environnement et les nappes phréatiques.
Entre-temps, le ministre du Développement administratif, Karim Pakradouni, doit élaborer dans un délai de dix jours une étude sur une idée qu’il a proposée au Conseil des ministres et qui consiste à procéder au compostage des déchets dans de grands conteneurs : une partie sera utilisée comme engrais chimiques et l’autre comme gaz pour la production d’électricité.
Le Conseil des ministres a en outre formé une deuxième commission pour examiner les moyens de dynamiser la protection du consommateur. Également présidée par M. Issam Farès, celle-ci est composée de MM. Marwan Hamadé, Fouad Siniora, Bahige Tabbarah, Ali Hassan Khalil, Assaad Hardane, Mahmoud Hammoud et Jean-Louis Cardahi.
M. Khalil devait parallèlement reprocher à son collègue de la Culture, Ghazi Aridi, la façon avec laquelle il avait annoncé à la télévision que les produits laitiers et la viande consommés ne sont pas salubres.
Une troisième commission a été formée pour examiner les décrets d’application de la loi, créant deux nouveaux mohafazats, le Akkar et le Hermel, surtout que M. Farès a proposé la division du Akkar en deux cazas, étant donné l’étendue de ce mohafazat.

Défaillances administratives
Le Conseil des ministres s’est par ailleurs penché sur les défaillances dans certaines administrations. Le chef de l’État devait mettre l’accent sur la nécessité de sanctionner les auteurs des irrégularités ou des négligences qui font l’objet de plaintes et demander au ministre de la Justice, Bahige Tabbarah, d’attirer l’attention des parquets sur la nécessité de terminer rapidement les enquêtes dans les dossiers qui lui ont été soumis, affirmant : « Si on ne demande pas des comptes (aux fonctionnaires), il n’y aura pas d’État. »
Le général Lahoud a en outre demandé à savoir ce que sont devenues les mesures prises pour mettre en application la loi exemptant les instances religieuses du paiement d’impôts, ainsi que pour débourser les fonds nécessaires aux travaux de consolidation dans la région de Biakout où des glissements de terrain risquent de se produire en hiver.
Autre point examiné en Conseil des ministres : l’électricité. L’affaire de l’entretien et du fonctionnement des centrales de Zahrani et de Deir Ammar a suscité un long débat. Le Conseil des ministres a voulu connaître les raisons pour lesquelles ce dossier ne lui avait pas été soumis plus tôt, du moment que le délai de l’entretien expire mardi. Il avait le sentiment d’avoir été mis devant le fait accompli, surtout que ce retard est dans l’intérêt d’un entrepreneur. Il n’en demeure pas moins que le dossier a été renvoyé à l’EDL pour qu’elle l’examine avant qu’elle ne le soumette de nouveau au Conseil des ministres.
Le ministre des Finances, Fouad Siniora, a indiqué qu’il a signé mercredi le document en fonction duquel l’EDL pourra obtenir une avance de 300 milliards de livres et l’a transmis à la Banque du Liban.
Aujourd’hui encore, on ne peut que répéter ces mots lâchés il y a quelques semaines par le président de la Chambre, Nabih Berry : « C’est une crise de pouvoir et non pas de gouvernement qui paralyse le pays. » Mais ce que M. Berry avait omis d’ajouter, c’est que l’une entraîne l’autre, à la manière de cette publicité de chocolat qui promet qu’une « bouchée...