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BIENFAISANCE - Des écoles, des orphelinats, des instituts spécialisés et des dispensaires pour plusieurs milliers de Libanais L’univers enchanté des « Mabarrates » : une chance pour les plus démunis (Photos)

C’est un véritable empire, mais un empire du bien, dont le seul objectif est de se consacrer aux démunis, orphelins et handicapés, et de permettre à tous d’avoir droit à l’éducation. C’est du moins ce qu’affirme le directeur général de l’association des « Mabarrates », le Dr Mohammed Baker Fadlallah (qui n’est autre que le frère de sayyed Mohammed Hussein, référence chiite reconnue). Depuis l’ouverture du premier orphelinat de l’association, en 1978, des générations entières ont pu se construire un avenir grâce aux « Mabarrates », élevées dans la tradition islamique, mais surtout dans un esprit d’ouverture, de dialogue et de respect de l’autre.
Le mois du ramadan est toujours une période de réflexion, où tout bon musulman s’interroge sur ses actes et cherche à faire le point. C’est pourquoi les associations de bienfaisance misent beaucoup sur ce mois, en particulier pour renflouer leurs caisses à travers les collectes de fonds et les dons. Les « Mabarrates » (pour signifier les lieux où l’on fait le bien) ne dérogent pas à la règle. Même si en ce qui les concerne, les dons sont quasi permanents, tant l’association avec ses multiples institutions a fait ses preuves au service de la société.
Cette année, en fêtant son jubilé d’argent (25 ans d’âge), l’association multiplie les activités, heureuse de pouvoir exhiber un bilan particulièrement flatteur.
Les Mabarrates comptent en effet, désormais, cinq orphelinats sur l’ensemble du territoire libanais, qui accueillent en pension totale ou en demi-pension 3 300 orphelins, dont près de 300 nouveaux chaque année. L’association possède aussi quatorze écoles, installées dans les régions les plus défavorisées, qui accueillent 16 800 élèves, trois instituts d’apprentissage technique, un hôpital à Beyrouth (250 lits), un autre en voie d’équipement au Sud, près de trois dispensaires et un institut spécialisé pour les non-voyants et les malentendants, ainsi qu’un autre pour les muets ou ceux qui ont des difficultés à s’exprimer.

Aucune aide financière
d’un pays étranger
Un monde à part, donc, mais à la différence des autres associations de bienfaisance, il ne reçoit aucune aide ni de l’Iran ni de la Syrie, et encore moins de tout autre pays. L’indépendance est une valeur chère à sayyed Mohammed Hussein Fadlallah, qui reste le président et la véritable âme de l’association. Il en a d’ailleurs payé le prix, à travers des années de traversée du désert, consacrées à la spiritualité et à l’investissement dans le bien et dans l’humain.
Donner une chance à tous, c’est donc l’esprit des « Mabarrates », selon l’explication fournie par le Dr Mohammed Baker Fadlallah, le plus jeune frère du sayyed, professeur à l’Université libanaise, en plus de ses fonctions de directeur de l’association.
D’où vient le financement ? « Il y a bien sûr, les dons. Un Koweïtien a ainsi offert de construire l’hôpital Bahman, à Haret Hreik. Mais aussi conformément aux préceptes islamiques, le versement du cinquième des bénéfices à des institutions de bienfaisance, de nombreux musulmans choisissent de les donner à notre association. Enfin, nous recevons, à l’instar des autres associations, une aide du ministère des Affaires sociales et nous avons un système de parrainage des orphelins, moyennant la somme de 500 dollars américains par an. »
L’association possède aussi quelques affaires lucratives : un restaurant et une station d’essence sur la route de l’aéroport, et là, on peut manger sans se ruiner et faire le plein d’essence en étant sûr que le compteur ne sera pas trafiqué.
Enfin, l’association a reçu des équipements du Japon, de Grande-Bretagne et d’Espagne, notamment pour ses instituts spécialisés pour les handicapés, alors que la France lui fournit régulièrement des stages de formation pour ses éducateurs. Car, aux « Mabarrates », on est très exigeant sur le niveau des professeurs et autres responsables spécialisés. Pour sayyed Fadlallah, et pour son frère, il est indispensable que les jeunes qui sortent de leurs écoles ou de leurs instituts aient une formation solide à la fois en matière de connaissances et dans le domaine spirituel. « Notre but était d’aider les Libanais à sortir de la guerre et de l’esprit de la discorde, explique le Dr Mohammed Baker Fadlallah. Nous insistons beaucoup sur l’ouverture, le dialogue et le respect de l’autre. C’est vrai qu’en raison du regroupement par confessions, créé par la guerre, la plupart de nos élèves et de nos pensionnaires appartiennent à une même confession, mais nous compensons cette coloration quasi unique par la composition mixte de l’équipe de nos collaborateurs. » Les « Mabarrates » emploient 1 400 personnes, des chrétiens, des chiites, des sunnites et des druzes, toutes unies dans une même détermination à donner aux enfants la meilleure formation possible. Ici, l’emploi n’est pas seulement un moyen de gagner sa vie, c’est aussi, surtout, une profession de foi et un dévouement sans limites, dans le respect des traditions et des croyances. Dans les orphelinats, par exemple, les enfants sont regroupés par famille de dix à quinze, à peu près du même âge. La mixité est acceptée jusqu’à l’âge de huit ans. Ensuite, filles et garçons sont séparés, mais ils ne sont jamais très loin les uns des autres. Chaque famille a un responsable : pour les plus jeunes, c’est une femme, et pour les garçons, à partir de huit ans, c’est un homme, qui doit leur servir de repère, de recours et de guide.
Les éducateurs sont d’ailleurs soumis à des formations de recyclage permanent et souvent ils gardent un contact avec leurs pupilles, même après leur entrée dans le monde du travail.

Un mode de vie où
le respect de l’autre est roi
D’ailleurs, le directeur de l’association n’est pas peu fier de la « Ligue des anciens des Mabarrates », qui compte parmi ses membres, des médecins, des avocats, des professeurs d’université, bref des personnalités qui, selon le terme reconnu, ont réussi leur carrière. D’ailleurs, il n’est pas rare que les élèves des écoles des « Mabarrates » aient les meilleurs résultats aux examens officiels. Mais le grand bonheur, aujourd’hui, est que l’équipe du club sportif de l’association participe désormais au championnat libanais de football.
Des études, des soins permanents, une formation professionnelle, mais aussi des activités culturelles et de divertissement, c’est un modèle de vie qu’offrent les « Mabarrates » à leurs élèves. La seule frustration du directeur est son incapacité à assurer du travail aux handicapés formés par ses instituts, car l’État n’a pas encore commencé à appliquer la loi contraignant les sociétés à engager un certain nombre de personnes ayant un handicap.
L’association essaie de compenser, mais il y a tant à faire et souvent, malgré leurs installations et leur perpétuelle expansion, notamment au Sud, depuis la libération en mai 2000, les « Mabarrates » se sentent quelque peu débordées. Leur seul souci est d’améliorer le quotidien des plus démunis et de leur permettre de s’ouvrir à la vie. Ici, il n’est pas question de les enrôler dans un parti ou une milice, ou encore d’exiger une allégeance en matière politique. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est de la bienfaisance pure, une denrée rare dans le Liban d’aujourd’hui.

Scarlett HADDAD
C’est un véritable empire, mais un empire du bien, dont le seul objectif est de se consacrer aux démunis, orphelins et handicapés, et de permettre à tous d’avoir droit à l’éducation. C’est du moins ce qu’affirme le directeur général de l’association des « Mabarrates », le Dr Mohammed Baker Fadlallah (qui n’est autre que le frère de sayyed Mohammed Hussein,...