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Environnement - Sept sites de décharges controversés ont été suggérés par un comité technique Le plan national de traitement des déchets risque de susciter une polémique en Conseil des ministres

Le point le plus conflictuel figurant à l’ordre du jour du Conseil des ministres d’aujourd’hui porte sur un plan national pour le traitement des déchets solides ménagers sur tout le territoire libanais, mis au point par un comité technique chargé par le gouvernement de déterminer les sites susceptibles d’accueillir des décharges sanitaires. Le projet final devra être exécuté par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR). Mais les premières informations qui ont filtré sur les sites choisis ont déjà soulevé de vives protestations, auxquelles se sont joints des ministres ainsi que des députés représentant les régions concernées, ce qui laisse présager des discussions houleuses entre les membres du gouvernement. Une décision définitive sera-t-elle prise rapidement ou bien se trouve-t-on face à la veille d’une nouvelle crise ?
En tout état de cause, le comité technique a choisi de diviser le pays en quatre zones, de deux mohafazats chacune. Il a évalué les besoins à sept décharges pour les différents mohafazats, ainsi que treize centres de transfert des déchets. Mais les mauvaises expériences passées, notamment celle de la décharge de Naamé, saturée bien avant le délai prévu en raison d’une gestion imparfaite du dossier, n’encourage personne à accepter l’idée d’une décharge dans sa localité. Le principe de « Not in my backyard » n’a jamais été autant d’actualité...
Selon les informations qui ont filtré sur le rapport, les sept sites suggérés se répartissent dans les différents mohafazats : deux au Mont-Liban, l’un à Baassir (Jieh, Chouf), l’autre à Monsef (Jbeil) ; un dans la région de Taybé, à Baalbeck, qui viendra s’ajouter à la décharge déjà installée à Zahlé ; deux au Liban-Sud, à Mazraat Basfour (Nabatieh) et à Bint Jbeil ; un dernier pour le Liban-Nord, au Akkar, dans la région de Srar.
Or, de ces sept sites, trois seulement ne semblent pas poser de problème pour les populations locales : ceux de Baalbeck, de Zahlé (qui est déjà opérationnel) et du Akkar. Si des protestations se font déjà entendre à Nabatieh et à Bint Jbeil, l’opposition la plus virulente vient de Jieh et de Mounsef, où des manifestations ont été organisées par les municipalités.
À Jieh, les habitants ont fait valoir que leur village est classé touristique, et que le site se trouve non loin d’une autre décharge, celle de Naamé, installée en 1997 après la fermeture du dépotoir de Bourj Hammoud, et gérée par la société Sukomi. Celle-ci devait faire partie d’un plan global de compostage des déchets organiques et de recyclage de plusieurs produits, ce qui aurait minimisé les quantités de déchets qui y sont jetés. Or, pour des raisons diverses, le plan n’a pas été entièrement réalisé, et Naamé continue d’accueillir toutes sortes de déchets, d’où la saturation précoce de ses cellules et la naissance d’un mouvement de protestation parmi les habitants, gênés par les poussières et les odeurs, et inquiets de la pollution du sol et des cours d’eau, malgré les précautions.
À la suite du mouvement de protestation à Jieh, auquel des députés et des ministres du bloc de Walid Joumblatt ont apporté leur soutien, des rumeurs ont circulé sur une suggestion du CDR pour un agrandissement de la décharge de Naamé en remplacement de la première. À ce propos, des sources du Rassemblement pour la fermeture de la décharge de Naamé ont réitéré à L’Orient-Le Jour leur refus d’une telle mesure, et ont menacé de recourir à l’escalade si cette suggestion était retenue.
À Mounsef également, il s’est avéré que le site se trouvait à moins d’un kilomètre de couvents historiques, de régions résidentielles et d’une école. De plus, il donne sur une côte touristique et se situe à proximité de puits artésiens d’eau potable. Le ministre de l’Environnement, Farès Boueiz, a proclamé son refus de voir une décharge installée dans cette région, se disant mécontent du choix des sites, qui ne répondent pas aux critères, selon lui. Nous avons tenté hier de contacter M. Boueiz qui, nous a-t-on informé, est en voyage pour plusieurs jours... à la veille d’un Conseil des ministres où le sujet des décharges sanitaires doit être débattu.

Treize centres de transfert
Outre les décharges proprement dites, le rapport recommande la création de treize centres de transfert, dans lesquels seront placés temporairement les déchets avant de repartir vers les centres de traitement définitif dans de grands camions. Il y aura trois ou quatre centres de transfert pour chaque groupe de deux mohafazats : pour Beyrouth et le Mont-Liban, ils se trouveront à Kobbé (Choueifate, Aley), Majzoub (Metn) et Zouk Mosbeh (Kesrouan). Pour le Liban-Nord et le Akkar, les régions de Bsatine (Tripoli), Majdalaya (Zghorta), Enfé (Koura) et Batroun ont été suggérées. Dans le cas du Liban-Sud et de Nabatieh, les centres seraient situés à Dakramane (Saïda), Jezzine, Abbassié (Tyr) et Hasbaya. Enfin, pour les mohafazats de la Békaa et de Baalbeck-Hermel, c’est la localité de Dakoué (Békaa-Ouest) et la ville de Hermel qui accueilleraient ces installations.
Des usines de compostage (fabrication de compost, matière d’enrichissement du sol, à partir des déchets organiques) comportant des centres de tri sont également prévues dans les différentes régions libanaises. Le plan suggère de les répartir comme suit (elles seront placées à proximité des décharges ou des centres de transfert) : deux pour Beyrouth et le Mont-Liban, une pour le Liban-Nord et Akkar, deux pour le Liban-Sud et Nabatieh et trois pour la Békaa et Baalbeck-Hermel.
Pour sa part, le CDR a adressé au secrétariat général du Conseil des ministres une lettre portant sur le rapport du comité technique, dans lequel il précise que les travaux topographiques et géotechniques se poursuivent sur les sites choisis dans la perspective de l’expropriation des terrains. C’est dans cette lettre également que le CDR fait part de son intention d’agrandir la décharge de Naamé afin qu’elle accueille des tonnes supplémentaires de déchets.
Par ailleurs, le CDR précise qu’il a confié à un bureau de consultants le soin de préparer un cahier des charges pour la collecte et le traitement des déchets pour les dix années à venir, et que le document devrait être prêt d’ici à la mi-novembre, afin qu’une adjudication mondiale soit lancée avant le 15 de ce mois. Un délai de 60 jours sera donné aux compagnies désirant retirer le cahier des charges. Le 15 janvier 2003 sera la date butoir pour tous ceux qui désirent présenter des offres.
Sur ce point, Habib Maalouf, président du Comité libanais pour l’environnement et le développement, se demande « pourquoi le choix du bureau de consultants s’est fait en vertu d’un contrat signé de gré à gré, au lieu de passer par une adjudication ». « Qui nous garantit que les critères déterminés ne seront pas taillés à la mesure d’une compagnie donnée ? » a-t-il poursuivi.
Le Comité libanais fait partie d’un groupe de quelque 70 associations et regroupements écologiques et sociaux, qui lance une campagne en faveur de l’adoption d’une stratégie globale de traitement des déchets ménagers au Liban. Ce groupe demande l’ouverture d’une enquête sur ce qu’il considère comme un gaspillage et des abus dans la gestion passée de ce dossier. « À l’issue de la rupture du contrat avec Sukleen, l’État devra payer 80 millions de dollars d’indemnités, sans compter quelque 120 millions de dollars d’arriérés dus à la compagnie », précise M. Maalouf. « Il faut que nous soyons fixés là-dessus. »
Au cours de leurs réunions, les associations revendiquent davantage de transparence dans la préparation des cahiers des charges, qui sont à la base de toute la future gestion du dossier. « On devrait être capable de consulter ce document avant son approbation, estime-t-il. Vu les erreurs passées dans la gestion de ce dossier, il est indispensable que l’État adopte une stratégie nationale complète et convaincante, sinon ce sera l’impasse pour le choix des sites de décharges auxquels les populations locales resteront opposées. »
La question du traitement des déchets ménagers n’est peut-être pas compliquée techniquement, mais elle pose de graves problèmes au niveau de la population, notamment dans un pays au tissu social fort complexe. Aujourd’hui, les ordures jonchent les bords des routes, les vallées, les côtes... Mais, malgré cette situation désastreuse, qui donc est disposé à payer le prix d’une solution, alors que l’ingrédient essentiel de la réussite manque toujours : la confiance entre le peuple et ses dirigeants.
Suzanne BAAKLINI
Le point le plus conflictuel figurant à l’ordre du jour du Conseil des ministres d’aujourd’hui porte sur un plan national pour le traitement des déchets solides ménagers sur tout le territoire libanais, mis au point par un comité technique chargé par le gouvernement de déterminer les sites susceptibles d’accueillir des décharges sanitaires. Le projet final devra être...