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Liban-Syrie - L’opération fermeture se poursuivra dans les jours à venir À Wadi Khaled, une gendarmerie, 13 points de passage illégaux et des piétons qui vont dans tous les sens (photo)

Le Akkar. Cinquante-quatre kilomètres de frontière entre le Liban et la Syrie. Deux points de passage officiels : Arida et Abboudié, sur le littoral, un peu plus loin de Tripoli. Le reste, un espace formé de plaines, de lits de fleuves pas très profonds, de montagnes et de vallées. Du côté du Akkar, aucune frontière naturelle, aucun fil barbelé ne séparent le Liban de la Syrie. Avant-hier, la gendarmerie du caza avait entrepris de fermer toutes les voies de passage illégales tout le long de la frontière nord avec la Syrie. Cinquante-quatre voies de passage en tout, soit une au kilomètre.
Des voies de passage situées toutes dans des propriétés privées. Et les gendarmes qui avaient effectué l’opération avaient prévenu avant tout les propriétaires : il est désormais interdit à quiconque de passer sur un terrain privé pour traverser une frontière entre les deux pays. Avant-hier, un bulldozer avait donc remblayé une cinquantaine de points de passage illégaux. Durant la nuit de lundi à mardi, les gendarmes avaient effectué des patrouilles. La frontière libano-syrienne cessera-t-elle donc d’être une passoire ?
Pour le savoir, une seule adresse : Wadi Khaled. Une zone montagneuse, située à 180 kilomètres de Beyrouth et peuplée de tribus fraîchement naturalisées. Depuis toujours, elle est connue pour son trafic de personnes et de marchandises. Ici, la frontière entre le Liban et la Syrie n’existe pas. Ni sur le terrain ni dans la conception des habitants.
À Wadi Khaled, la journée d’hier ressemblait à toutes les autres... La gendarmerie responsable de la fermeture et de la surveillance des voies illégales compte cinq policiers et les points de passage de terre battue, inaccessibles en voiture, sont au nombre de treize... Ceci sans compter une ligne fictive formée par une rivière, que l’on qualifie de fleuve (le Nahr el-Kébir), très peu profonde à plusieurs endroits.
La place de Wadi Khaled. Un poste de la Sûreté générale quasiment désert, un barrage des services de renseignements syriens qui compte une dizaine d’hommes surveillant un trafic fou sur un croisement, dont trois des quatre voies mènent en Syrie. Des voitures déglinguées, des piétons qui vont dans tous les sens.
Hier, en plein jour, un étranger à la localité pouvait très facilement se rendre à pied et sans aucune surveillance de l’autre côté de la frontière. Il suffisait de se mettre au croisement et de formuler un souhait : « Entrer illégalement en Syrie. » Il fallait simplement garer la voiture dans un endroit sûr, trouver un passeur, faire quelques centaines de mètres à pied et être muni de sa carte d’identité. « On ne sait jamais si l’on croise quelqu’un en route », nous explique-t-on. Doit-on payer une somme quelconque pour faire entrer de la marchandise de Syrie au Liban ou vice versa ? « Pas du tout », répond-on.
Il y avait ceux qui voulaient acheter des médicaments, de la viande, des biscuits... Tous Libanais, venus de plusieurs villages du Akkar.
Hier donc, comme à l’accoutumée, le trafic illégal a continué à Wadi Khaled, sous le nez des services de renseignements syriens...
Un peu plus loin, un autre point de passage, plus tranquille, remblayé la veille : al-Mahata, baptisé communément par les habitants de « la porte de Youssef », prénom du propriétaire du terrain.
Là aussi il faut aller à pied, faire une centaine de mètres sur un chemin de terre battue pour arriver à cette porte, une sorte d’arc de triomphe en béton flanqué d’un cèdre menant jusqu’en Syrie. C’est que le prolongement de tous les terrains dans cette zone conduit, sans aucune difficulté, de l’autre côté de la frontière... Il faut tout simplement franchir le lit du Nahr el-Kébir qui atteint, à cet endroit, une dizaine de centimètres.
La barrière de remblais versés avant-hier par les forces de l’ordre est à moitié démantelée. Et, à côté de la porte de passage, deux ressortissants syriens, originaires du village de Mrasya, font « du commerce libre », expliquent-ils. Les deux jeunes hommes s’appliquent à charger une dizaine de caisses sur le dos de deux mulets. Ils expliquent que la marchandise « des jouets, des chewing-gums et des climatiseurs a été achetée au Liban ». Ils affirment qu’ils font leurs achats une fois par mois au Liban et qu’ils revendent les articles de l’autre côté de la frontière. Tous les habitants de leur village, qui compte 600 âmes, font de même, disent-il.
Un peu plus haut que Wadi Khaled, un tout petit hameau : Machta Hassan. Interrogé sur la fermeture des frontières illégales, un habitant indique avoir vu l’information la veille à la télévision. « Mais les ouvriers syriens qui travaillent sur nos chantiers ont pointé tôt le matin comme d’habitude », ajoute-t-il, montrant un immeuble en construction. Trois ouvriers syriens sont en train de transporter des blocs de ciment. L’un d’eux raconte qu’ils ne sont pas passés par le poste-frontière officiel de Arida, de Abboudié ou du Kaa (Hermel). « Nous sommes venus à pied en traversant Bkaiyé (une plaine libanaise située non loin de là), ça nous a pris – comme tous les jours – une heure de marche », indique-t-il.
Un peu plus loin, à Jabal Akroum, des témoins racontent que la situation est la même. « C’est qu’il n’existe pas de réelles frontières entre le Liban et la Syrie », expliquent-ils. Si on s’engage dans les rues de Akroum, on arrive aux montagnes du Hermel... une zone aride et montagneuse, tenue par les tribus et connue – elle aussi – pour son trafic.
À la gendarmerie de Wadi Khaled, on affirmait hier après-midi que les treize points de passage illégaux reliant le Liban à la Syrie avaient été fermés et que les patrouilles se poursuivront dans les jours à venir.
Notre correspondant au Akkar, Michel Hallak, relève pour sa part que l’opération d’hier a été un succès de Arida jusqu’à Abboudié, sur le littoral, non loin des deux points de passage officiels. Il a également souligné que l’opération se poursuivra dans les jours à venir. À Wadi Khaled et Jabal Akroum, les forces de l’ordre, secondées par les soldats syriens, seront beaucoup plus vigilantes.
Il faut donc attendre pour estimer les véritables résultats de l’opération entamée lundi dernier... Tout en sachant que, dans ces zones, le trafic ne se limite pas à quelques ressortissants libanais et syriens qui font leur shopping des deux côtés de la frontière ou au transport de quelques inoffensifs produits de consommation...
Patricia KHODER
Le Akkar. Cinquante-quatre kilomètres de frontière entre le Liban et la Syrie. Deux points de passage officiels : Arida et Abboudié, sur le littoral, un peu plus loin de Tripoli. Le reste, un espace formé de plaines, de lits de fleuves pas très profonds, de montagnes et de vallées. Du côté du Akkar, aucune frontière naturelle, aucun fil barbelé ne séparent le Liban de la...