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Paris II, un an de perdu et le Trésor en capilotade

C’est en novembre 2002 que Paris II s’est tenu, sur invitation de Chirac. En présence des représentants de 24 États et instituts, donateurs ou prêteurs. Sur gages. Gages qui n’ont pas été tenus par le Liban. L’enveloppe globale d’étrennes s’est montée à quelque 4 milliards de dollars. Répartis en créneaux distincts : assistance à l’amortissement de la dette publique ou pour le développement. Moyennant cette aide, le pays bénéficiaire promettait de corriger sa trajectoire. En enclenchant une réforme administrative, fiscale, financière, économique et fonctionnelle politique. Le but technique recherché était de réduire le déficit budgétaire en même temps que le service de la dette publique. Cela en doublant les effets des dons reçus par des privatisations et des titrisations ainsi que par diverses autres mesures capables d’améliorer les recettes du Trésor ou de comprimer ses dépenses. Un effort qui devait permettre l’organisation d’un Paris III. Qui prend aujourd’hui valeur de mirage.
En effet, comme Hariri a dû le reconnaître sur le perron de l’Élysée au cours d’une de ses récentes visites en France, le Liban n’a rien fait pour amorcer son redressement financier et économique. Au lieu de réduire son déficit, il l’augmente : 31 % pour l’an prochain contre 25 % pour l’année en cours. Cela, évidemment, au niveau des chiffres purement prévisionnels. Car en réalité, selon les estimations (du reste pudiques) de Siniora, l’on en est déjà, cette année, à 37 % de déficit. Dans cette proportion enjolivée (certains parlent de 50 %), il est à craindre que le budget de l’an prochain ne dépasse dans sa réalité finale la barre des 60 %.
Certes, les donateurs ou créanciers accordent volontiers au Liban le bénéfice des circonstances atténuantes. À cause de la situation régionale et des séquelles négatives économiquement de la guerre d’Irak. Ils ne mettent donc pas vraiment la pression sur lui. Et n’insistent pas, comme le FMI avait été tenté de le faire un certain moment, pour qu’il dévalue sa monnaie. Mais, en revanche, ces mêmes donateurs ne voient ni l’utilité ni même la possibilité de participer à un Paris III, du moment que le déblayage nécessaire, prévu dans Paris II, n’a pas été effectué.
La faute en revient essentiellement au pouvoir politique, miné par ses querelles intestines. C’est ce que soulignent des milieux d’affaires qui notent que, par contre, les autorités monétaires, financières ou bancaires du pays ont rempli le contrat qui leur était imparti. Ainsi en jetant des ponts en direction du secteur bancaire privé, la Banque centrale a réussi l’exploit d’en obtenir une avance de quelque 4 milliards de dollars, sur quatre ans, à taux zéro. Parallèlement, pour dynamiser le marché, la Banque centrale a réduit les taux d’intérêt sur les dépôts bancaires. L’institut de Riad Salamé a réussi, par ailleurs, à maintenir la stabilité de la monnaie nationale, sans y mettre du sien, c’est-à-dire de ses réserves en devises fortes. Avec le concours, il faut le dire, d’un marché blasé qui (heureusement) ne se laisse plus impressionner par les disputes entre les présidents.
Mais le viatique dispensé par les banques et les nerfs solides du marché sont évidemment loin de suffire. La dette publique s’élève en effet à quelque 35 milliards de dollars. Rien que pour commencer à l’amortir un peu, il eut fallu que le pouvoir politique enclenchât sans retard les privatisations et les titrisations. Il n’en a rien fait, parce qu’il n’arrive même pas à s’entendre sur un morceau aussi facile que le cellulaire. Et il ne parvient à traiter la crise multiforme grave de l’électricité qu’à coups de tranquillisants. Ce qui fait que si un tel domaine était mis en vente, ou même bradé, il ne trouverait pas repreneur.
La paralysie de l’État, en tant que décideur, est illustrée par le fait qu’en discutant du budget en Conseil des ministres, l’on n’a même pas abordé le problème capital de la dette publique. Et encore moins la question des privatisations. De plus, le taux déclaré de déficit prouve par lui-même que nul n’est disposé à « faire des concessions » pour que l’on puisse réduire les dépenses de la machine publique, alors même que c’est absolument indispensable en regard de l’intérêt national le plus élémentaire. Les promesses de Siniora d’atteindre l’équilibre budgétaire en 2006 appartiennent maintenant, définitivement, au passé.
Comble de paradoxe, relevé par une opposition outrée de se voir retirer le pain de la bouche : les plus acharnés à critiquer la dérive financière du pouvoir se trouvent être des pôles loyalistes. En fait, comme on sait, c’est un constant, opiniâtre échange d’accusations qui met aux prises les haririens et les lahoudistes. Qui se rejettent la responsabilité de l’ineptie étatique en matière de finances et d’économie. Sobrement, le ministre joumblattiste Ghazi Aridi qualifie de « honteux » ce déballage de linge sale. Il fait allusion à des scandales déterminés, ayant beaucoup coûté au Trésor, qui auraient été évoqués en Conseil des ministres. Sans que des poursuites soient engagées, et c’est là un scandale de plus.

Philippe ABI-AKL
C’est en novembre 2002 que Paris II s’est tenu, sur invitation de Chirac. En présence des représentants de 24 États et instituts, donateurs ou prêteurs. Sur gages. Gages qui n’ont pas été tenus par le Liban. L’enveloppe globale d’étrennes s’est montée à quelque 4 milliards de dollars. Répartis en créneaux distincts : assistance à l’amortissement de la dette...