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Le patriarche de la liberté



Par Joe KHOURY-HÉLOU

Jamais décrépitude et effondrement moral n’avaient atteint un seuil si bas. Jamais loi et principes élémentaires n’ont été bafoués avec autant d’effronterie. Aucune pudeur, aucune décence. Comme si les services publics et les institutions étatiques n’étaient devenus que des acquisitions dont disposent les gouvernants à leur guise et sans vergogne.
C’est par le déballage, des uns et des autres, que le citoyen connaît désormais l’avidité de leur éminence à se sucrer encore plus de cette manne qu’est le Trésor public, leur rapacité à happer, à qui mieux mieux, cette mine d’or que va procurer la privatisation attendue des services, en téléphonie, traitement des déchets, électricité, contrôle mécanique des voitures et autres... C’est par leur dispute que nous savons que la plupart ont transformé l’Administration en dépotoir à salaires pour partisans fainéants et véreux. C’est bien la classe politique qui dévoile les dérapages de la justice devenue foyer d’injustice. À côté des poursuites, ou au contraire du classement grotesque de dossiers puant le crime, pour des raisons de pure politique politicienne, la manipulation se ressent également dans les affaires judiciaires privées au nom du copinage, du partisanat ou de l’intéressement de ceux qui jugent.
Et comble des combles est cette guerre du « budget » devenu non seulement sujet de discorde, mais arme de vexation que l’un fourbit contre l’autre, quitte à laisser le pays penaud à l’égard de ceux qui ont voulu nous aider lors de Paris II, ou encore à l’égard de la Banque mondiale outrée par nos turpitudes. Le tout ayant comme toile de fond la famine qui frappe à nos portes et l’indifférence de Leurs Excellences étalant sans scrupules leurs esbroufes.
C’est bien entendu l’absence d’État de droit qui nous fait sombrer si bas. M. Sélim Jahel, expliquant cette notion d’État de droit, dit en substance « qu’elle traduit l’idée que l’État se soumet de lui-même au respect de la règle, laquelle est à son tour élaborée ou modifiée dans le respect d’autres normes de valeur supérieure ». Et d’ajouter : « En somme, l’État de droit, c’est la prééminence du droit sur toute autre considération, fût-ce ce qu’on appelle parfois, abusivement, la raison d’État. »
Mais comment y accéder à l’ombre d’un système fait de partages abjects, béni par ailleurs par une puissance de tutelle indécollable, système qui place tout le monde sous une férule intenable ?
Certes, il y a des voix qui s’élèvent d’ici ou de là. Mais la plupart de ces opposants sont connus pour vendre leur âme au diable et pour retourner vite leur veste dès qu’on leur fera miroiter un strapontin gouvernemental.
Seul un homme s’agite, dénonce et plaide, en toute abnégation, avec candeur. C’est le patriarche.
Homme de foi, chef spirituel, l’homme n’a jamais épargné le moindre effort, le moindre sacrifice pour décrier les injustices, dénoncer l’atteinte à nos libertés, à notre souveraineté. Dépassant toute politique politicienne, le seigneur de Bkerké s’est toujours élevé dans son discours à un niveau national, dans l’esprit de l’Évangile et de l’humanisme en général.
C’est cet amalgame d’humilité et de courage qui fait la grandeur de l’homme. Ne l’a-t-on pas vu accepter les concessions de Taëf pour éviter l’option de la mort qu’on nous affectait, préférant le moindre mal qui était la survie offerte à travers Taëf, payant pour cela des humiliations de la part de voyous à qui il devait vite pardonner en disant :« Ils ne savent pas ce qu’ils font » ?
Ne l’a-t-on pas vu prendre son bâton de pèlerin pour visiter les fidèles à travers les cinq continents et les responsables des grandes capitales pour plaider la noble cause du Liban ? Ne s’isole-t-il pas nuit et jour pour écouter les doléances des uns et des autres, et tenter d’atténuer les souffrances ? Son dernier périple européen a été l’apogée de ce courage. Avec un regard limpide, une voix résonnante, il a plaidé devant tous les hauts responsables européens la cause du Liban, ne mâchant guère ses mots, d’autant plus convaincants qu’ils émanent de la bouche d’un seigneur, un seigneur de la foi, un seigneur du patriotisme.
En Suisse, à un journaliste hébété par la prestance de l’homme et qui demandait quelle était la différence entre un président et un patriarche, Mgr Sfeir rétorquait avec autant de modestie que d’habileté : « Le président est un président, et le patriarche est un patriarche. »
Mais des hommes de foi de cette trempe peuvent très bien guider la destinée d’un peuple en désarroi. N’est-ce pas que le peuple chypriote a confié pendant longtmps sa dignité et sa liberté à l’autorité politique d’un chef religieux ?
Par Joe KHOURY-HÉLOUJamais décrépitude et effondrement moral n’avaient atteint un seuil si bas. Jamais loi et principes élémentaires n’ont été bafoués avec autant d’effronterie. Aucune pudeur, aucune décence. Comme si les services publics et les institutions étatiques n’étaient devenus que des acquisitions dont disposent les gouvernants à leur guise et sans...