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Dossier régional - Les prosyriens sont plutôt optimistes, d’autres pensent que le Syria Accountability Act est un avertissement décisif Spéculations fébriles à Beyrouth sur l’évolution des rapports syro-américains

La question des relations syro-américaines est de première importance pour le Liban. Car ce pays est évidemment la lice où ces rapports de force s’affrontent ou s’harmonisent, en tout premier lieu. Les périodes de tension se traduisent par un climat interne empoisonné. Et les phases de bonne entente, par des éclaircies sur la scène locale.
D’où un large débat spéculatif entre les formations ou les pôles du cru : les liens entre Washington et Damas vont-ils se distendre au point de se rompre ; ou, au contraire, se resserrer de nouveau ?
Les prosyriens sont relativement optimistes. Ils estiment que les États-Unis ne donneront pas leur feu vert à une nouvelle agression israélienne contre la Syrie. Car, d’après eux, il y aurait cette fois une riposte. Une volée de missiles qui, s’abattant sur les kibboutz, répandrait la panique parmi des Israéliens qui, contrairement aux Palestiniens, ne sont pas habitués à supporter des pertes en vies humaines et en biens. La débandade et le risque d’exode constitueraient une pression sur le gouvernement israélien, qui cesserait ses attaques contre le territoire syrien. Toujours selon les prosyriens, Damas ne se retrouverait du reste pas isolé dans sa lutte. Car, à leur avis, les populations arabes environnantes se dresseraient pour obliger leurs dirigeants à ouvrir de nouveaux fronts contre Israël et à soutenir la résistance. Les régimes qui renâcleraient devant cette mobilisation des masses risqueraient de sauter. C’est ce que les Américains, dont la phobie reste l’anarchie, ne peuvent pas permettre, affirment encore les prosyriens. Ils soulignent ensuite que Damas ne compte pas jeter de l’huile sur le feu. Qu’il use déjà de diplomatie et de souplesse, en projetant de conclure un arrangement avec les États-Unis. Pour obtenir, en fin de compte, la récupération du Golan. Dans cette optique, la Syrie est prête à satisfaire les demandes américaines qui lui paraissent raisonnables, notamment au sujet de l’Irak. Mais évidemment pas les exigences qui lui semblent aussi injustes qu’injustifiées. Comme celles qui découlent du label de terroriste accolé au mouvement de résistance légitime des peuples arabes. En tout cas, relèvent les prosyriens, si Washington, à cause de l’influence du lobby sioniste, ne veut présenter que le bâton, sans la carotte, alors Damas ferait face coûte que coûte. Car rien ne peut être pire que la capitulation pure et simple face à Israël. Mais la Syrie garde de bonnes raisons d’espérer que les USA comprendront que la préservation de leurs intérêts vitaux doit les inciter à se montrer conciliants. On devrait être fixé dans les prochains mois, avant que l’Administration Bush n’entre en campagne pour la présidentielle, concluent les prosyriens.

Pessimisme
D’autres pensent qu’avec le Syria Accountability Act, approuvé par la Chambre des représentants, et la frappe israélienne, l’avertissement est aussi clair que décisif. En diplomatie comme sur le terrain. L’heure des choix difficiles a sonné. Et, selon eux, la Syrie doit accepter, ou rejeter, en bloc les conditions, américaines. Que cela soit pour les exfiltrations en direction de l’Irak, pour la fermeture des bureaux des organisations palestiniennes, pour la neutralisation du Hezbollah, pour le retrait du Liban ou pour le déploiement de l’armée libanaise le long de la ligne bleue au Sud. Les USA n’accepteraient pas que l’on dissocie les demandes relatives à l’Irak des dispositions concernant le volet israélien. Toujours selon les mêmes pôles, les Américains estiment avoir laissé assez de temps à la Syrie et ne souhaitent pas lui permettre d’atermoyer plus avant. Les mêmes observateurs précisent que Washington et Tel-Aviv ont fait le compte d’une éventuelle riposte syrienne à des raids israéliens. D’après eux, Israël aurait été doté récemment d’un équipement antimissiles extrêmement sophistiqué, basé sur les liaisons satellitaires. Et sur des frappes préventives. En tout cas, les Russes, qui ont dernièrement envoyé un émissaire et une délégation dans la région, ne cachent pas qu’ils redoutent beaucoup une explosion régionale généralisée. Ils indiquent, en substance, que de toute évidence la suprématie militaire israélienne ne peut pas empêcher des opérations-suicide ou autres menées au cœur d’Israël par des Palestiniens ou sur d’autres fronts, par divers Arabes. D’où un risque, à leur avis, d’anarchie. Les sources locales citées ajoutent pour leur part que les Américains peuvent masser des troupes aux frontières des pays voisins de l’Irak, pour les intimider. Cela, en sus de pressions diplomatiques et économiques variées.
Ils pourraient également tenter d’y susciter des troubles internes, pour menacer les régimes qui ne se plient pas à leur volonté. Sans compter que le climat ambiant, annonciateur d’anarchie, facilite les plans du lobby israélite qui, en Amérique, s’efforce de provoquer la dislocation de cette région du monde. Où s’établiraient des mini-États ethniques ou confessionnels. Laissant Israël, resté seul compact sinon fort, régner en maître sur la contrée tout entière.
Il reste à savoir si l’Europe et la Russie, sur laquelle les Arabes comptent, pourront contrebalancer le parti pris américain manifeste en faveur d’Israël. Pour redonner vie à la « feuille de route » et au processus de paix. Via la relance des pourparlers sur tous les volets.

Émile KHOURY
La question des relations syro-américaines est de première importance pour le Liban. Car ce pays est évidemment la lice où ces rapports de force s’affrontent ou s’harmonisent, en tout premier lieu. Les périodes de tension se traduisent par un climat interne empoisonné. Et les phases de bonne entente, par des éclaircies sur la scène locale.D’où un large débat spéculatif...