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Présidentielle Intenses spéculations sur les intentions syriennes

Le président Assad a posé deux conditions pour les qualifications de candidature à la présidentielle libanaise : le patriotisme et « l’attachement à la relation arabe », entendre syrienne. Pour le reste, il s’en remet au choix des Libanais eux-mêmes. Ou, plus exactement, à leur entente sur un nom déterminé. Il semble de la sorte avoir renvoyé la balle dans le camp local. Mais les instances politiques tardent à se prononcer. Dès lors, la question qui se pose est de savoir si la Syrie va les attendre. Ce qui est possible, dans la mesure où elle pourrait vouloir attendre aussi d’être fixée sur ses relations avec les États-Unis, autre grand électeur.
Les spéculations vont donc bon train sur la scène locale. Certains relèvent qu’il ne faut pas se disputer entre concitoyens, du moment que la décision véritable est aux mains d’autrui. Si jamais l’option de la reconduction ou de la prorogation était retenue, la Chambre l’avaliserait sans coup férir, malgré ses réticences. Comme ce fut le cas précédemment pour le président Hraoui. Même chose pour le président Hariri et ses partisans, qui se déclarent contre l’amendement de l’article constitutionnel numéro 49. Bien entendu, du moment que le président Lahoud assure qu’il ne sollicite rien, il lui serait difficile de demander la révision de cet article en sa faveur. L’échappatoire, du reste classique, consisterait alors pour l’exécutif à se défausser sur le législatif. Et la procédure prendrait cours à partir d’une proposition émanant des députés.
S’il se confirme que la Syrie compte effectivement tenir sa promesse de rester neutre, de laisser les Libanais opérer à leur guise, l’amendement de l’article 49 C (Constitution) deviendrait difficile. Cela, pour les raisons suivantes :
– La majorité des deux tiers requise pour toucher à la Constitution a peu de chances de prendre corps au sein du Conseil des ministres tel qu’il est composé. Si d’aventure il n’en était pas ainsi, le président Hariri aurait tout loisir de refuser d’apposer son paraphe (indispensable) au bas du décret. Il l’a déjà fait, sous le président Hraoui, pour le projet de loi concernant le mariage facultatif, qu’il a de la sorte torpillé.
– C’est la même majorité des deux tiers qui est requise à l’étape suivante, la Chambre. Là aussi, la composition de l’hémicycle laisse augurer qu’on ne saurait la réunir.
– Donc, même si on fait sauter les Trente pour les remplacer par une équipe ministérielle plus docile, susceptible d’approuver l’amendement, le Parlement resterait en mesure d’y faire obstacle.

Carrousel
Les autorités peuvent se livrer à un jeu de navette. Pour que le chef de l’État n’ait pas à la demander, la révision serait recommandée par une motion parlementaire. Elle serait présentée à l’exécutif, qui aurait à l’approuver à une majorité des deux tiers, pour concocter un projet de loi. À transmettre dans un délai de quatre mois à l’Assemblée nationale. Si le gouvernement rejette la motion initiale, il doit la renvoyer au Parlement, pour réexamen. Au cas où l’initiative est confirmée, ce qui requiert à ce niveau une majorité non plus des deux tiers mais des trois quarts, le président de la République peut y donner suite en en saisissant le Conseil des ministres. Tout comme il peut, s’il ne veut pas de la révision constitutionnelle, prier le Conseil de dissoudre la Chambre et d’organiser des élections législatives dans un délai de trois mois. Si la nouvelle Assemblée nationale devait reprendre le projet de la précédente, en insistant pour l’amendement, le gouvernement serait tenu de la suivre et de préparer un projet dans les quatre mois (art. 77 C).
Cet improbable va-et-vient montre le peu de chances que l’amendement, laissé aux bons soins des parties locales, a d’aboutir. Rien que les délais successifs suffisent pour que le mandat présidentiel ait déjà expiré.
Cependant, tout peut se faire, s’il y a un consensus majoritaire sur la reconduction ou sur la prorogation du bail du locataire de Baabda. Une éventualité que les circonstances régionales, internationales et locales rendraient nécessaire. Mais même alors, s’il n’en tient qu’aux Libanais, cela resterait difficile. Car plusieurs professionnels objectent que des circonstances extrêmement difficiles, et même des événements ou une guerre domestiques, n’ont jamais empêché l’alternance. Et l’ont parfois même précipitée. Il en a été ainsi pour Chamoun en 52. Élias Sarkis, quant à lui, a été élu au bruit du canon en 76. Béchir puis Amine Gemayel, en pleine invasion israélienne. René Moawad et Élias Hraoui, durant la guerre dite de liquidation, hors du siège du Parlement.
Cela étant, les partisans de la reconduction ou de la prorogation continuent à espérer. Ils pensent que l’amendement nécessaire deviendrait possible si les grands électeurs avaient d’autres chats à fouetter, à cause de graves développements régionaux, que la présidentielle libanaise. Certains d’entre eux proposent d’ores et déjà un texte fixant la durée du mandat à quatre ou cinq années, mais renouvelable une fois. Une suggestion qui avait, du reste, été étudiée puis rejetée à Taëf. Parce que la possibilité d’une rallonge inciterait sans doute tout régime à mobiliser, en sa faveur, toutes les ressources de l’État, voire à traficoter les législatives pour disposer d’une solide majorité.
Faisant entendre la voix de la raison, le président Sélim Hoss souligne que la révision de la Constitution ne doit être envisagée que dans le cadre d’une refonte globale du système institutionnel. Et non à des fins ponctuelles. Sans quoi l’esprit même de la Constitution, gage de stabilité nationale autant qu’étatique, serait trahi. Ce qui rejoint l’avis du patriarche Sfeir. L’ancien Premier ministre ajoute qu’une société qui ne peut trouver moyen d’assumer une échéance, pour importante qu’elle soit, sans toucher à la Loi fondamentale qui la régit est frappée d’une tare rédhibitoire en termes de démocratie. Pour le président Hoss, le problème de l’alternance ne se pose du reste pas en pratique au vu du large éventail de compétences qu’offre le Liban.
Émile KHOURY
Le président Assad a posé deux conditions pour les qualifications de candidature à la présidentielle libanaise : le patriotisme et « l’attachement à la relation arabe », entendre syrienne. Pour le reste, il s’en remet au choix des Libanais eux-mêmes. Ou, plus exactement, à leur entente sur un nom déterminé. Il semble de la sorte avoir renvoyé la balle dans le camp...