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Sfeir et Aoun : la souveraineté, entre rapports de force et droit international

Entre Paris et Washington, la question de la souveraineté libanaise est revenue, ces jours derniers, au premier plan de l’actualité locale. Entre les propos difficilement contestables, prononcés par le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, tout au long de son périple européen en faveur du retrait syrien conformément aux accords de Taëf et le vote hier par la Chambre US des représentants, à une majorité écrasante, du Syria Accountability and Sovereignty Lebanese Restoration Act (SALSA) – appelant, notamment, la Syrie à mettre fin à « son occupation du Liban » –, la dynamique du rétablissement de la souveraineté semble être de retour: sinon sur le plan pratique, du moins au niveau discursif, politique. Avec, en toile de fond, deux logiques qui se détachent, tour à tour compatibles et inconciliables, au gré des circonstances : le jus naturalisme et le positivisme, le droit international et les rapports de force.
Non que l’ancien Premier ministre, le général Michel Aoun, dont le courant aux États-Unis a pris l’initiative d’élaborer en l’an 2002 la proposition de loi qui a servi de support au SALSA, le Liberation of Lebanon Act (LOLA), ait tout misé sur les tensions actuelles entre Syriens et Américains, ou que le prélat maronite ait décidé de se limiter au seul plafond prévu par l’accord de Taëf en ce qui concerne le retrait syrien.
Depuis des années, le général Aoun réclame, sans trouver de relais au Liban, l’application de la résolution 520 du Conseil de sécurité de l’Onu, laquelle stipule que toutes les forces armées étrangères doivent quitter le Liban. Résolution en faveur de laquelle le patriarche maronite a plaidé pour la première fois et à la surprise générale à Metz, dans le cadre d’une conférence.
Par ailleurs, Michel Aoun a réitéré dimanche dernier sa position concernant l’accord de Taëf lors de son entretien avec l’animatrice Gisèle Khoury sur la chaîne satellite al-Arabiya. Il a affirmé avoir refusé, en 1989, les dispositions de l’accord relatives à la présence de l’armée syrienne au Liban, et non les réformes politiques stipulées par l’accord.
En d’autres termes, les discours des deux hommes sur la souveraineté ont correspondu pour la première fois depuis plus de treize ans. En 1989, le patriarche avait apporté sa caution morale et spirituelle (et politique) à l’accord de Taëf, alors que Aoun était engagé dans le souverainisme qui a abouti à son éviction, à travers l’opération du 13 octobre 1990, par le biais de l’armée syrienne.
Exilé à Paris, le général n’a cessé depuis de reprendre son discours sur « l’occupation syrienne du Liban ». Et il aura fallu dix ans au patriarche pour s’insurger devant la non-application de l’accord de Taëf, notamment en ce qui concerne la présence syrienne, et pour demander des explications à Damas, à travers le communiqué des évêques de septembre 2000. Mgr Nasrallah Sfeir l’a reconnu, à Paris, en « louant le sentiment national de Michel Aoun » et en affirmant qu’« il n’existe pas de différence au niveau de l’objectif à atteindre : le rétablissement de la souveraineté et le retrait des forces syriennes », et, plus encore, en prouvant, à travers sa référence à la 520, qu’il n’y a quasiment plus de différence au niveau du fond entre lui et l’ancien Premier ministre.
Ce qui a fait dire à certaines personnalités politiques proches du « sfeirisme » politique que « le divorce entre Aoun et Bkerké fait désormais partie du passé ».
Mais la sphère du politique ne se limite pas aux simples discours, ni aux idéaux.
Les utopies les plus folles ne résistent pas devant les rapports de force, et le général Aoun le sait bien : il affirme lui-même avoir été la victime d’« un axe syro-israélo-américain » en 1990, parrainé par le comité tripartite arabe.
C’est pourquoi, après des années d’appels à la résistance et à la désobéissance civiles lancés aux Libanais, il a été à Washington pour dénouer ce « nœud gordien israélo-syrien » qui, pense-t-il, a été à l’origine de sa chute, en profitant du nouveau contexte international post-11 septembre. Une nouvelle entreprise qui l’a conduit à œuvrer en faveur du SALSA, persuadé en son for intérieur qu’aucun mécanisme d’application de Taëf n’est réellement viable et que la mission que s’est assignée le patriarche maronite est vaine. Alors que Mgr Sfeir, pour sa part, continue de manifester sa méfiance vis-à-vis des rapports de force et de la politique internationale, notamment au niveau de l’impact sur le Liban des relations entre Washington et Damas.
Michel HAJJI GEORGIOU
Entre Paris et Washington, la question de la souveraineté libanaise est revenue, ces jours derniers, au premier plan de l’actualité locale. Entre les propos difficilement contestables, prononcés par le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, tout au long de son périple européen en faveur du retrait syrien conformément aux accords de Taëf et le vote hier par la Chambre US des...