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Le cahier des charges rendu public sur fond de désaccords persistants Cellulaire : le dernier mot reviendra au Parlement

Le Conseil supérieur pour la privatisation (CSP) a finalement rendu public hier le cahier des charges, en base duquel sera lancé l’appel d’offres en vue de la privatisation de la téléphonie mobile. Les sociétés en lice devront présenter leurs offres dans un délai de 60 jours au CSP qui les transmettra à son tour à une commission ad hoc. Celle-ci présentera son rapport d’évaluation au CSP qui saisira ensuite le Conseil des ministres, lequel sera appelé à faire son choix.
L’appel d’offres porte sur deux options concomitantes : les enchères et l’adjudication. La première de ces options pourrait déboucher sur l’octroi de deux licences d’exploitation du réseau cellulaire pour une période de vingt ans. La seconde option concerne la gestion du réseau durant une période de trois ans pour le compte de l’État qui resterait ainsi propriétaire du service de la téléphonie mobile. Ce dernier cas de figure serait retenu si les offres présentées par les sociétés en vue d’obtenir une licence d’exploitation sur 20 ans sont jugées insuffisantes financièrement.
Cinq sociétés ont été préqualifiées pour participer aux enchères et à l’adjudication. Il s’agit de l’entreprise française Orange (représentant France-Télécom), la société Investcom (Luxembourg), OTE (Grèce), Mobile Telecommunication Company (MTC, Koweït) et LibanCell. La société allemande Detecom a été préqualifiée uniquement pour l’adjudication.
Ce processus de privatisation laissant à l’État la possibilité de choisir entre les enchères (l’octroi de licences d’exploitation sur 20 ans) ou l’adjudication (gestion pour trois ans, au cas où l’offre pour l’achat d’une licence est insuffisante) est l’aboutissement d’un rude bras de fer qui a opposé pendant de longs mois le Premier ministre, Rafic Hariri, au ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi. Ce bras de fer, marqué par une virulente campagne menée tous azimuts par les milieux haririens contre M. Cardahi, a illustré en réalité deux conceptions différentes de la privatisation.
Pour M. Hariri, la privatisation devrait se traduire par la vente pure et simple du service public (en l’occurrence la téléphonie mobile) à des sociétés privées. Cette approche restrictive est contestée par le ministre des Télécoms qui a prôné tout au long de ces derniers mois une approche plus stratégique, prenant en compte les intérêts de l’État libanais. Pour M. Cardahi, la privatisation doit aller au-delà d’une simple opération commerciale de vente et d’achat. Elle devrait être le fruit d’une opération globale de réformes fixant les fondements du passage du monopole d’État à une libéralisation et à une structuration du secteur des télécommunications. Cette approche, souligne M. Cardahi, est conforme aux normes et aux pratiques internationales en vigueur dans ce domaine. Elle permet à l’État de préserver ses intérêts sur des bases rationnelles en définissant le cadre juridique, administratif et financier délimitant le rôle respectif de l’État et des sociétés privées au niveau de l’exploitation et de la gestion du secteur.
La première bataille d’importance menée par le ministre des Télécoms dans ce cadre aura été, durant l’été 2002, d’obtenir le transfert de propriété du réseau cellulaire à l’État après la fin du contrat BOT avec FTML-Cellis et LibanCell, le 31 août 2002. Le Premier ministre était favorable à la prorogation du contrat BOT avec les deux opérateurs, alors que M. Cardahi soutenait que l’État ne pouvait logiquement vendre un produit (le cellulaire) qui ne lui appartient pas. D’où la necessité d’opérer un transfert de propriété avant de lancer l’opération de privatisation. Le ministre des Télécoms obtiendra finalement satisfaction sur ce plan, et depuis le 1er septembre 2002, le réseau est effectivement géré pour le compte de l’État par les deux opérateurs FTML et LibanCell.
La deuxième bataille livrée par M. Cardahi a porté sur la création par l’État de deux sociétés appelées à prendre possession de tous les actifs, équipements et contrats qui étaient toujours contrôlés par les opérateurs, en dépit du transfert de propriété. M. Hariri était opposé à la création de ces deux sociétés, ou tout au moins réticent à ce sujet. L’approche défendue par M. Cardahi a été soutenue par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et la banque britannique HSBC (chargée par le gouvernement de superviser l’opération de privatisation). Le Conseil des ministres a finalement approuvé, le 9 octobre, un projet de loi prévoyant la création par l’État des deux sociétés qui prendront possession des actifs et des contrats contrôlés par FTML et LibanCell.
Au niveau du mécanisme, M. Cardahi a donc obtenu, une nouvelle fois, satisfaction. Mais la contre-offensive menée par le camp haririen a permis au Premier ministre de marquer des points sur deux volets essentiels : la nomination du conseil d’administration des deux sociétés créées en vertu du projet de loi approuvé le 9 octobre, et le sort des cadres et employés des deux opérateurs actuels. M. Cardahi insistait pour que l’État désigne les membres du conseil d’administration du fait que cette tâche devait lui incombait en toute logique, puisqu’il sera, dans une première phase, le seul actionnaire des deux sociétés en question. M. Hariri faisait valoir, quant à lui, que c’est l’opérateur qui pendra en charge la gestion du réseau (au cas où cette option est retenue) qui devrait nommer le conseil d’administration. Une solution médiane a été finalement avancée par M. Cardahi : l’opérateur qui remportera le contrat de gestion proposera les noms des membres du conseil d’administration, mais le gouvernement (en la personne du ministre des Télécoms) devra avoir un droit de veto, basé sur des motifs acceptables.
Autre pomme de discorde : le sort des employés. M. Cardahi souhaitait que le personnel des deux opérateurs actuels passe sous le contrôle des sociétés créées par l’État afin que le gouvernement puisse bénéficier de tous les atouts lui permettant d’obtenir les meilleures conditions possibles dans l’opération d’adjudication (portant sur la gestion du secteur). M. Hariri s’est opposé à cette formule et a obtenu sur ce plan l’aval du Conseil des ministres. Le ministre des Télécoms a ainsi exprimé ses réserves concernant ce point du projet de loi portant création des deux sociétés. Pour M. Cardahi, le fait que les opérateurs actuels continuent de contrôler le personnel donne un avantage substantiel et un atout non négligeable à FTML et LibanCell face aux nouveaux venus participant à l’appel d’offres.
Il reviendra en définitive aux commissions parlementaires et à la Chambre, réunie en séance plénière, de trancher ces dernières divergences entre le chef du gouvernement et le ministre des Télécoms. L’enjeu est de taille. Car de l’aboutissement de ce débat dépendra dans une large mesure toute l’approche et toute la philosophie de la privatisation éventuelle d’autres services publics dans le pays.

Michel TOUMA
Le Conseil supérieur pour la privatisation (CSP) a finalement rendu public hier le cahier des charges, en base duquel sera lancé l’appel d’offres en vue de la privatisation de la téléphonie mobile. Les sociétés en lice devront présenter leurs offres dans un délai de 60 jours au CSP qui les transmettra à son tour à une commission ad hoc. Celle-ci présentera son rapport...