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Parlement - Cycle de causeries sur la décentralisation administrative La langue de bois empêche le débat d’aboutir (photo)

Ce n’est sûrement pas en assistant, place de l’Étoile, au premier atelier de travail sur la décentralisation administrative et le développement municipal qu’on aurait pu savoir s’il existe une interdépendance entre cette décentralisation, le découpage administratif, la loi sur les municipales et la loi électorale. Pourtant, les participants à cet atelier de travail se proposaient de faire la lumière, autant que possible, sur ce point mais ils n’ont réussi qu’à lancer le débat autour de sujets intrinsèquement liés à la langue de bois officielle, comme notamment les relations libano-syriennes.
Organisées par le Pnud conjointement avec le Parlement, cinq sessions en tout sont prévues en octobre et en novembre pour débattre de questions liées à la décentralisation administrative et au développement municipal. Selon un communiqué du bureau de l’Onu à Beyrouth, ce cycle de conférences s’inscrit dans le cadre du programme d’appui du Pnud à ces deux projets et s’impose d’autant que le Parlement souhaitait lancer à l’échelle nationale un débat à ce sujet.
C’est ce qui explique la présence à cette première séance de représentants d’ONG et de conseils municipaux, ainsi que des politologues, des avocats et des professeurs d’université aux côtés des députés. Sauf que le sujet ne semblait pas intéresser les parlementaires au point de pousser un grand nombre d’entre eux à prendre part au débat. Douze parlementaires seulement étaient présents dans la salle de conférences du bâtiment qui abrite les bureaux des députés et la bibliothèque du Parlement : MM. Sami Khatib, qui dirigeait la séance, placée sous le parrainage de M. Nabih Berry, Ghassan Moukheiber, Nabil de Freige, Nader Succar, Farès Souhaid, Béchara Merhej, Bassel Fleyhane, Ghazi Zeayter, Robert Ghanem, Kassem Hachem, Jean Oghassapian et Nazem Khoury.
Et au fur et à mesure que le débat avançait, les sièges des parlementaires se vidaient. À la fin de la séance, ils n’étaient plus que trois dans la salle.
Pourtant, l’intervention musclée de M. Farid el-Khazen, chef du département des sciences politiques à l’Université américaine et membre du Rassemblement de Kornet Chehwane, puis la réponse de son contradicteur, Zouheir Chakar, professeur à l’Université libanaise, contenaient suffisamment d’éléments pour initier un débat sur les failles du système en place et les propositions de règlement dans un sens qui atténuerait la centralisation. Malheureusement, ces éléments ont été occultés par les commentaires hors sujet.
Pour tenter d’apporter une réponse à la question de savoir s’il existe une interdépendance entre la décentralisation administrative, le découpage administratif, la loi sur les municipales et la loi électorale, M. Khazen a posé quatre questions principales : « Le pouvoir est-il convaincu que le changement dans le sens requis est devenu une nécessité et non pas un luxe ? Existe-t-il une volonté de réforme ? L’incapacité à réaliser la réforme est-elle due à des causes matérielles et administratives ou à d’autres causes liées à la situation politique dans le pays, aux pratiques des gens du pouvoir et à l’extension de la “culture” du clientélisme au cours des dernières années ? Si le problème est à caractère politique, quelle en est la nature exacte et où se situe exactement le déséquilibre, surtout qu’après la guerre, le pouvoir est devenu organiquement lié au pouvoir en Syrie. »
Le débat que M. Khazen souhaitait susciter à travers ces questions s’articulait autour du point de savoir si les obstacles à une interdépendance de ces quatre choix sont liés à un problème structurel au niveau du système politique ou à un problème technique. Le parlementaire s’est dans le même temps penché sur quelques étapes importantes de la vie politique libanaise pour donner des exemples sur la capacité du pouvoir à prendre des décisions importantes. Il a parlé du désarmement des milices « à l’exception du Hezbollah, dont le pouvoir s’est renforcé », de la publication du décret de naturalisation, « en vertu duquel la nationalité libanaise a été accordée à plus de 300 000 personnes », des nouvelles impositions et de l’élaboration, depuis 1992, de lois électorales « qui ne se ressemblent que parce qu’elles sont taillées toutes à la mesure des personnes influentes au sein du pouvoir ».

La centralisation, synonyme
de pouvoir
M. Khazen a évoqué ensuite le rôle assumé par l’État, au cours des étapes charnières de l’histoire du pays, en commençant par le mandat français jusqu’aujourd’hui. Après avoir rappelé les clauses de l’accord de Taëf sur la décentralisation administrative, il a tenté d’apporter quelques explications aux raisons pour lesquelles les autorités ont « ignoré la réforme administrative et emprunté une voie contraire à celle que Taëf leur avait tracée, en procédant à une dissociation continue entre le découpage administratif, la décentralisation administrative, la loi électorale et la loi sur les municipalités ». M. Khazen a ainsi fait état d’une confusion, « délibérée ou pas », dans les milieux politiques, entre la décentralisation et la déconcentration administratives, estimant que de nombreux hommes politiques pensent que la centralisation est nécessaire « pour préserver les intérêts, le prestige et l’unité de l’État », et qu’elle est « synonyme de pouvoir et d’influence ».
Son contradicteur, Zouheir Chakar, a vu dans ces propos un « acte d’accusation contre le pouvoir », soulignant que, depuis l’indépendance, les régimes successifs ont œuvré pour élaborer des lois électorales qui correspondent à leurs intérêts. Selon lui, au Liban, « on croit à tort qu’une loi électorale juste s’exprime par l’adoption d’un même critère pour le découpage électoral ». La justice, a estimé M. Chakar, « veut qu’on tienne compte du nombre des députés par rapport à celui de la population dans toutes les circonscriptions électorales ».
Il semblait exprimer des réserves au sujet de la décentralisation administrative et privilégier la déconcentration dans la mesure où il considère que la première « risque de déboucher sur des problèmes de prérogatives et des conflits entre les deux administrations centrale et locale, et que la plupart des États tendent aujourd’hui vers la déconcentration administrative ».
M. Chakar préfère que l’État patiente avant d’élaborer les lois relatives à la décentralisation, aux municipalités et au découpage administratif, « en raison des données politiques, sociales et économiques dans le pays et de la faiblesse de la culture démocratique chez le Libanais ».
Et s’il partage la conviction de M. Khazen au sujet de l’incapacité de la classe politique à adopter une réforme qui serait en contradiction avec ses intérêts, il reste qu’il garde l’espoir de « voir réagir l’élite politique au pouvoir ».
À l’exception de M. Moukheiber qui a affirmé partager le point de vue de M. Khazen et qui s’est lancé dans un long commentaire sur le projet de loi sur les municipales, les autres députés, MM. Hachem, Merhej et Zeayter – les seuls à être restés dans la salle – n’ont été intéressés que par ce que l’intervenant-opposant a dit au sujet de la Syrie et du Hezbollah. L’assistance a ainsi eu droit à un interminable hommage à la Syrie et au Hezbollah ainsi qu’à un plaidoyer pro domo de M. Merhej au sujet du décret de naturalisation, avant que les représentants des municipalités et que le représentant du ministère des Finances, Atallah Ghacham, ne puissent placer quelques mots et exposer leur point de vue sur la décentralisation.
On retiendra notamment l’intervention du président de la municipalité de Tripoli, Samir Chaarani, qui a expliqué que les problèmes des conseils municipaux ne proviennent pas de la loi les concernant mais des décrets d’application qui les paralysent et qui tendent à renforcer le pouvoir de l’autorité centrale, au moment où l’on parle de décentralisation. Il a donné un exemple en expliquant que même un éboueur municipal doit être nommé sur proposition des ministres des Finances et de l’Intérieur, qui doivent en référer au Conseil des ministres, lorsqu’ils n’arrivent pas à s’entendre sur la personne à nommer.
Les membres des conseils municipaux ont demandé à être présents aux réunions des commissions parlementaires consacrées à l’examen des lois les concernant.
D’autres membres de l’assistance ont demandé à juste titre que le temps de parole imparti à chaque intervenant soit fixé au préalable pour éviter les discours interminables et surtout, hors sujet, comme ceux qui ont empêché la séance d’hier d’aboutir.

T.A.
Ce n’est sûrement pas en assistant, place de l’Étoile, au premier atelier de travail sur la décentralisation administrative et le développement municipal qu’on aurait pu savoir s’il existe une interdépendance entre cette décentralisation, le découpage administratif, la loi sur les municipales et la loi électorale. Pourtant, les participants à cet atelier de travail se...