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Le parcours législatif du budget, mode d’emploi

Selon la Constitution, article 32, la deuxième session ordinaire de la Chambre, qui s’ouvre le premier mardi suivant le 15 octobre et va jusqu’à la fin de l’année, se trouve consacrée avant tous les autres travaux à la discussion et au vote du budget. Ce qui implique, bien évidemment, que le projet a d’abord été approuvé en Conseil des ministres. Jusqu’à présent, il n’en a rien été. En attendant d’en recevoir copie, le Parlement est appelé à débattre d’autres questions. Ensuite, il ne pourrait plus le faire. En principe, car en pratique, comme le relève un pôle parlementaire, il arrive fréquemment que la Chambre examine durant la session d’automne bien des sujets sans rapport avec la loi de finances.
Toujours est-il que selon l’article 83 C (Constitution), chaque année au début de la session d’octobre le gouvernement soumet à la Chambre, pour examen et approbation, le budget général des recettes et des dépenses de l’État pour l’année suivante, texte qui est voté article par article. Parfois cependant, les parlementaires passent outre à cette prescription précise et votent le budget en bloc, en un article unique.
En vertu de l’article 86 C, si la Chambre n’a pas définitivement statué avant l’expiration de la session, le président de la République, en accord avec le chef du gouvernement, la convoque pour une session extraordinaire courant jusqu’à fin janvier. Si d’aventure, le budget n’est toujours pas voté à ce moment, le président de la République rend la loi exécutoire dans la forme où elle a été présentée au Parlement. Cependant, le même article précise que le Conseil des ministres ne peut exercer cette faculté qu’au cas où le projet a été transmis à la Chambre 15 jours au moins avant le début de la session. Au cours de celle-ci, les impôts, contributions, taxes, droits et autres recettes continuent à être perçus comme précédemment. Les dépenses du mois de janvier sont engagées sur la base du douzième provisoire de l’exercice précédent, majoré des crédits additionnels et supplémentaires permanents et diminués des réductions permanentes.
À noter que selon l’alinéa 4 de l’article 65 C, si la Chambre devait renvoyer le projet de loi de budget aux fins de paralyser l’action du gouvernement, cela constituerait l’une des (rares) conditions permettant la dissolution de l’Assemblée.
Quant à l’article 81 C, il stipule qu’on ne peut lever des impôts dans la République libanaise que conformément à une loi uniforme s’appliquant à tout le territoire, sans exception. Mais là aussi la pratique contredit le texte. Car l’État se trouve dans l’incapacité de percevoir des surcharges fiscales, voire de simples impôts, dans toutes les régions ou auprès de tous les citoyens. Dont bon nombre, bien protégés, se dérobent à leurs obligations.
De l’ensemble de ces éléments constitutionnels, le pôle parlementaire cité tire une série d’observations. D’abord, il note que l’Exécutif ne peut plus promulguer le budget 2004 par décret. Puisqu’il n’en a pas transmis le projet à la Chambre 15 jours au moins avant le début de la session d’automne.
Et pour cause : le Conseil des ministres lui-même ne s’est pas encore prononcé. Dans ce contexte, d’ailleurs, les débats peuvent traîner en longueur, à cause des litiges qui ont pris corps entre dirigeants. Il est donc possible que l’on doive rallonger les effets du budget actuellement en cours, pour la perception des impôts, le mois de janvier prochain se trouvant alors géré en base du douzième provisoire (art. 86). On peut même craindre que cette disposition ne s’étale sur plusieurs mois de l’année prochaine.
Cependant, rien n’indique à ce stade que la Chambre, en fin de parcours, décide de renvoyer le budget au gouvernement et de risquer la dissolution. En revanche, il n’est pas exclu, bien au contraire, que le Parlement introduise plusieurs amendements au texte qui lui est proposé, et ne le fasse sien. Surtout à la faveur des différends qui opposent les cadres de l’Exécutif.
À ce propos, des experts, tout en reconnaissant avec Hariri que le projet de budget offre un tableau réaliste des finances publiques, soulignent qu’il donne aussi une image exacte, tout à fait négative, de l’État libanais. En traduisant l’échec du plan gouvernemental de redressement économique et financier. Fiasco causé en grande partie par les tiraillements et autres considérations politiques. De ce fait, il est à craindre que l’accroissement de la dette publique ne puisse être contenu, que l’assainissement des finances ne puisse se faire et que la croissance ne puisse être bien relancée. Cela à l’ombre d’un déficit de la confiance et de la paralysie étatiques. Les engagements de Paris II, dont les privatisations et la titrisation, ne semblent pas pouvoir être tenus.
Le président de la République, pour sa part, estime que la priorité va à la préservation des droits et des intérêts de l’État. Il affirme que nul ne doit exploiter la pression économique pour mettre la main sur l’État. Il pense que l’expérience de l’appropriation publique du secteur du cellulaire, l’adjudication de son fonctionnement, a assuré au Trésor des rentrées supplémentaires. Il a chargé une équipe d’étudier de près le projet de budget, en vue de proposer des retouches, lors de la double séance du Conseil des ministres prévue pour les 21-22 du mois en cours. De son côté, le chef du gouvernement remarque que la crise politique empêche l’application du plan visant à réduire la dette. Il ne partage pas l’avis du chef de l’État sur le cellulaire. En tout cas, le projet de budget reflète les tensions de l’heure. Le ministre des Finances, Fouad Siniora, répond à ses détracteurs que son texte n’est un piège pour personne. Et que son but est de convaincre toutes les parties de la nécessité de collaborer en vue de bien servir l’intérêt général.

Émile KHOURY
Selon la Constitution, article 32, la deuxième session ordinaire de la Chambre, qui s’ouvre le premier mardi suivant le 15 octobre et va jusqu’à la fin de l’année, se trouve consacrée avant tous les autres travaux à la discussion et au vote du budget. Ce qui implique, bien évidemment, que le projet a d’abord été approuvé en Conseil des ministres. Jusqu’à présent,...