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Actualités

Social - Enquête à l’échelle nationale 42 % des ménages gagnent moins de 800 000 LL et les jeunes émigrent (photos)

Afin de protester contre la crise socio-économique qui se manifeste dans tous les secteurs et à tous les échelons sociaux, le pays se prépare le 23 octobre prochain à faire face à une grève générale. Il apparaît évident que les jeunes actifs constituent la fraction de la population la plus touchée par la crise et, plus précisément, par le chômage. Pour tenter d’évaluer l’impact de ce malaise, le laboratoire de recherche de sociologie et d’anthropologie de l’Université Saint-Joseph a mené récemment une enquête au niveau national pour mesurer, décrire et comprendre les modalités suivant lesquelles les 18 à 35 ans entrent dans la vie active et arrivent ou non à s’intégrer dans le système économique du pays. Cette enquête a permis également de déterminer un lien entre la propension des jeunes à émigrer et leur situation sur le marché du travail. L’étude en question représente, au stade actuel, les seules données statistiques crédibles sur le problème de l’entrée des jeunes dans la vie active. Alors que la tension sociale ne cesse de croître, nous avons jugé utile de reprendre les principaux chiffres rapportés par cette enquête. L’étude révèle un très fort taux de chômage, un mouvement migratoire important et une difficulté de s’insérer dans la vie active du pays. Ce phénomène chronique s’est aggravé ces dernières années à cause de la conjoncture économique et politique que traverse le pays et a pris des proportions alarmantes sans qu’aucune mesure concrète ne soit envisagée pour y remédier.
La population libanaise est estimée à 3 935 000 individus répartis dans environ 860 000 ménages, composé chacun de 4,6 personnes en moyenne.
42 % des ménages ont un revenu mensuel inférieur à 800 000 LL et à l’autre bout de l’échelle, 6,5 % ont un revenu supérieur à 3 200 000 LL. Une comparaison établie avec les revenus des ménages en 1997 et en 1999 révèle des glissements des revenus vers les classes inférieures entraînant plus de 12,6 % des ménages à vouloir émigrer sans pour autant avoir les moyens de le faire. Toutefois, 30 % encouragent un de leurs membres à s’installer à l’étranger pour trouver un emploi. Cette attitude varie très peu entre les différentes couches sociales.
D’autre part, avec 37,1 % d’individus ayant moins de 20 ans et 10,1 % ayant 60 ans ou plus, la population se caractérise par une déficience en hommes de 30 à 50 ans, c’est-à-dire en âges actifs et où le nombre d’hommes est inférieur à celui des femmes.
La population libanaise est donc relativement jeune. Aussi, 32 % poursuivent-ils des études. Les effectifs des scolarisés donnés pour l’année 2001-2002 par le Conseil de la recherche et du développement pédagogique (CRDP) s’élèvent à environ 1 100 000 individus. Le taux de scolarisation reste élevé jusqu’à 15 ans aussi bien pour les garçons que pour les filles. Le reste de la population se répartit entre 33 % d’inactifs (comprenant essentiellement les femmes au foyer, les retraités, les enfants en bas âge) et 35 % d’actifs dont 11,5 % sont actuellement sans emploi, selon le laboratoire de recherche de sociologie et d’anthropologie de l’USJ, et 20 % si l’on se rapporte à la CGTL.
Les statistiques faites par l’Université Saint-Joseph indiquent que la progression du niveau de chômage est essentiellement due à l’engagement de plus en plus fréquent des femmes dans la vie active. Ainsi, le taux de chômage chez les hommes est de 9,3 % (contre 9 % en 1997), alors que l’indice chez les femmes passe de 7,2 % en 1997 à 18,2 % en 2001. Dans l’ensemble, 36 % des chômeurs ont moins de 25 ans (bacheliers ou universitaires) et sont à la recherche de leur premier emploi. Cette proportion est relativement plus faible chez les 25-35 ans qui ont une plus grande propension à émigrer.

Les chômeurs
et leurs caractéristiques
professionnelles
Le secteur public emploie 15,3 % des actifs ; le secteur privé 81,9 % ; l’agriculture occupe seulement 6,7 % des travailleurs et l’industrie, y compris celle du bâtiment, 22,4 %.
Les salariés forment 61,9 % de la population active. Ils sont 52,3 % à avoir un emploi permanent, 9 % un emploi à durée déterminée et 0,6 % sont stagiaires. Par ailleurs, 28,9 % exercent une profession libérale ; 7,4 % sont des patrons d’entreprise et 1,8 % des aides familiales (personnel de maison).
Ceux qui souffrent le plus du chômage sont les employés des secteurs du commerce, de l’hôtellerie, du bâtiment et de l’industrie où le niveau de chômage atteint respectivement 27,5 %, 13,3 % et 17,1 %. Le taux serait de 10,6 % dans la catégorie des employés de bureau. De 9,2 % dans la classe des ouvriers qualifiés et non qualifiés. De 3,2 % pour les cadres supérieurs et directeurs et 2,3 % pour les agriculteurs. Il est de l’ordre de 5 % dans les secteurs des services sociaux, de l’enseignement, de la santé et des services financiers. Et de 1,7 % dans l’Administration publique.

La situation actuelle
des jeunes actifs
Les 18 à 35 ans constituent plus de la moitié de la population active et sont les premiers à subir les conséquences de la faible capacité de l’économie à créer des emplois. Ainsi, ils forment 71,3 % de l’ensemble des chômeurs.
Il faut tout d’abord souligner que le niveau économique du ménage auquel appartient le jeune actif a une influence sur le niveau de sa formation. Ainsi, 36,4 % n’ont pas de diplôme et 14 % ont une formation technique. Le reste est détenteur d’un diplôme universitaire : commerce et gestion (21,9 %) ; sciences humaines et droit (respectivement 10,4 et 10, 7 %) ; communication et information (6,3 % et 8,7 % en informatique) ; services aux personnes (13,3 % dont 9,2 % en services de santé), lettres et arts (11,6 % dont 9,2 % en langues) et ingéniérie 5,2 %.
Plus de la moitié des jeunes actifs diplômés de tous niveaux sortent du système d’enseignement public. L’importance de l’UL apparaît dans les formations scientifiques et littéraires et 60 % des juristes sont titulaires de diplômes délivrés par cette université.
Sur un autre plan, une disparité régionale est observée dans le statut de l’emploi des jeunes. C’est à Beyrouth que l’on relève la plus forte fréquence d’emplois de salariés permanents (respectivement 68,2 % d’hommes et 79,4 % de femmes). La Békaa et le mohafazat de Nabatieh, du fait de leur économie à caractère agricole et artisanal, se distinguent par un taux plus important d’emploi non salarial et d’emploi salarial non permanent.
Il apparaît également que le taux des jeunes occupant des postes de cadres supérieurs et de gérants ne dépasse pas les 2,3 %. Cependant, 38,3 % travaillant dans le secteur privé sont propriétaires de leur entreprise ou y ont des parts.

Une moyenne de 50 heures de travail par semaine
La durée moyenne de travail par semaine est de 40 heures pour les jeunes femmes et de 50 heures pour les hommes, particulièrement ceux qui travaillent à leur compte. Cette différence est attribuée à la fréquence plus élevée du travail à temps partiel chez les femmes et à la différence dans la nature du métier exercé. Un jeune sur trois travaille entre 45 et 55 heures par semaine.
Le revenu que tire un jeune de son activité principale s’élève en moyenne à 640 000 LL par mois (427 dollars) contre 876 000 LL, en 1997. D’un autre côté, l’étude souligne les écarts existant entre les rémunérations : 41% touchent moins que 500 000 LL par mois ; 70,8 % ont un salaire inférieur à 750 000 LL et seulement 5,4 % ont un revenu mensuel de plus de 1 500 000 LL. Plusieurs facteurs déterminent le salaire : l’âge, l’ancienneté, le niveau de diplôme, la profession, le statut, le secteur d’activité dans lequel le jeune actif exerce et enfin la région de résidence. Car des disparités régionales apparaissent dans le revenu. C’est à Nabatieh où l’on enregistre le plus bas niveau de revenu (471 000 LL/mois).
Il existe aussi d’importants écarts entre les revenus des différentes professions. Le revenu le plus faible est enregistré chez les ouvriers non qualifiés avec 311 200 LL par mois (208 dollars). Le traitement d’un salarié permanent est d’environ 645 300 LL/ mois. Il est de 436 800 LL pour employé non permanent. Les honoraires d’un cadre ou d’un dirigeant d’entreprise dépassent les 2 201 600 LL en moyenne.
Il est à noter que les salaires du secteur public restent supérieurs à ceux des autres secteurs. Ceci s’explique par la structure des métiers exercés ainsi que par le fait que le secteur public embauche en moyenne des jeunes diplômés. En effet, la formation est un facteur pertinent dans l’échelle des revenus qui augmentent avec le niveau d’instruction.
Il existe enfin un écart significatif entre le revenu des jeunes hommes et celui des jeunes femmes. Les chiffres montrent que la femme qui travaille est moins rémunérée que l’homme à compétence égale. Le revenu moyen, toutes catégories confondues, est de 661 000 LL / mois pour les hommes et de 584 000 LL pour les femmes. Ces écarts sont constatés même à l’intérieur d’une même profession.

Les chômeurs
Le taux de chômage des jeunes actifs de 18 à 35 ans est sensiblement élevé pour les femmes (23,2 %) que pour les hommes (11,8 %). La différence est imputée à l’entrée massive des femmes sur le marché de travail et au départ plus fréquent des hommes à l’étranger pour trouver un emploi. Notons que le taux de chômage des hommes aurait accusé une légère hausse (12,5 %), si les jeunes recrues du service militaire, qui représentent 5,5 % des jeunes hommes actifs, avaient été comptabilisées.
Plus de la moitié de ces jeunes actifs se sont retrouvés au chômage à la suite de licenciements collectifs ; 10,7% à la suite de la fin d’un contrat d’emploi à durée déterminée ou après l’achèvement d’un projet et 15,4 % citent la faiblesse du revenu. Parallèlement, environ 9,8 % considèrent que le métier exercé n’avait pas de relation avec leur formation académique ou professionnelle.
Le taux de chômage atteint 12,2 % dans l’industrie ; 11,1 % dans le commerce ; 11,7 % dans les services créatifs et divers ; 10,6 % dans les services aux entreprises ; 10 % dans les services d’entretien et de réparation ; 9,7 % dans la construction... Il est plus faible dans le secteur des finances (5,8 %) et de la santé (7,9 %), dans les transports et communications (8 %) et dans celui de l’éducation. Il est presque nul dans les services de l’Administration publique.

Les hommes
souhaitent partir
La difficulté de trouver un emploi ou l’obtention de meilleures conditions de travail constituent la cause principale du souhait de départ. Un peu plus du tiers des jeunes actifs voudraient émigrer ou quitter provisoirement le pays. Cette fréquence est plus élevée parmi les hommes (43,3 %) que parmi les femmes (23 %). D’autres raisons sont également citées mais avec des fréquences moins élevées : 1,2 % désirent continuer leurs études à l’étranger ; 4,7 % veulent partir à cause de la « situation générale » et quelques rares cas pour rejoindre un membre de la famille. Sur ce chapitre, l’enquête révèle que 42 % des ménages ont au moins un membre de la famille résidant à l’étranger et dont le départ définitif a eu lieu entre 1975 et 2001. Le nombre de ces émigrés est évalué provisoirement à plus de 600 000 personnes dont 26,4 % ont quitté le Liban entre 1996 et 2001. 20,4 % se sont installés dans les pays arabes, un autre quart dans les différents pays européens ; 30 % ont émigré vers les États-Unis et le Canada et 13,1 % se sont établis en Australie. D’après les déclarations des familles, plus de la moitié de ces émigrés sont partis définitivement et n’ont plus l’intention de revenir.
Soulignons enfin que cette étude, dirigée par Choghig Kasparian, a été effectuée sur le terrain en 2001. Elle a mobilisé 21 chefs de service et 200 enquêteurs qui ont interrogé 18 243 ménages, comprenant 83 196 individus dont 15 507 jeunes actifs. Elle a permis aussi de collecter des informations relatives à 19 928 émigrés depuis 1975 et ayant de la famille au Liban.

May MAKAREM
Le célibat

À 50 ans, 8,6 % des femmes ne sont toujours pas mariées. Ce célibat est attribué à la baisse du nombre d’hommes ou à l’exercice beaucoup plus fréquent des femmes d’un emploi rémunéré.
Les jeunes Libanais se marient de plus en plus tard. La guerre de 1975 à 1990, les conditions de vie de plus en plus difficiles, le départ des jeunes à l’étranger à la recherche d’un travail, la prolongation des études surtout pour les jeunes filles et leur entrée plus importante dans la vie active, particulièrement dans les villes, sont autant de facteurs qui sont à l’origine de l’augmentation du taux de célibat des jeunes Libanais depuis 1970. Il est, en 2001, pour les 18 à 35 ans, de 69,6 % quand ce taux était d’environ 35 % en 1970.

Elles rattrappent les hommes
Le taux d’analphabétisme est en net recul par rapport à 1997 (respectivement 8 % et 11,6 %). Par ailleurs, le taux d’universitaires parmi l’ensemble de la population âgée de plus de 20 ans est en progression. Il est de 17,7 % dont 4,4 % n’ont pas encore achevé leurs études. Ce taux ne représentait que 13,9 % en 1970. Le taux d’universitaires femmes rattrape celui des hommes.
Toutefois, malgré la participation grandissante de la femme libanaise à la vie économique, le taux des hommes actifs reste supérieur à celui des femmes. (75,7 % des hommes contre 25 % des femmes alors qu’en 1997 ces taux étaient respectivement de 77,3 % et 21,7 %).
L’enquête relève aussi que 21 % des jeunes actifs ne connaissent d’autres langues que l’arabe.

Femmes au boulot
Environ 80 % des emplois d’enseignants, 77,7 % des emplois intermédiaires de la santé et 63,1 % des emplois de bureau sont exercés par les femmes.
Le secteur commercial concentre aussi 21,3 % des femmes actives. Par contre, on compte très peu de jeunes femmes dans les postes de directeurs et de gérants, d’exploitants agricoles ainsi que parmi les artisans et les ouvriers spécialisés ou non.
Afin de protester contre la crise socio-économique qui se manifeste dans tous les secteurs et à tous les échelons sociaux, le pays se prépare le 23 octobre prochain à faire face à une grève générale. Il apparaît évident que les jeunes actifs constituent la fraction de la population la plus touchée par la crise et, plus précisément, par le chômage. Pour tenter...