Certains ministres avouent de leur côté qu’ils ont été plutôt surpris de la reprise, virulente, de la polémique présidentielle. Car la dernière séance du Conseil des ministres, excellente selon eux, ne laissait pas présager de telles secousses. D’après leur témoignage, un rare climat d’entente a régné entre les deux présidents ; au point que l’on a pu aborder le dossier conflictuel du cellulaire, alors même que le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi, principal jouteur lahoudiste dans ce domaine, était absent. Pour cause de voyage et non une raison non clarifiée comme l’ont laissé entendre certaines sources.
En tout cas, le Conseil a décidé, contre l’avis connu du ministre concerné, de laisser aux deux sociétés créées par l’État le soin de trancher la question des contrats, dont ceux du personnel, sortant ou nouveau. À ce propos précis, les sources ministérielles estiment d’ailleurs qu’une erreur d’approche a été commise. Dans ce sens qu’il aurait fallu laisser Cardahi, en possession parfaite de toutes les données, son mot à dire. Il n’en reste pas moins, soulignent les mêmes ministres, que le simple fait d’être parvenu à une décision montre qu’au cours de la séance il n’y avait pas de nuage entre les deux présidents. D’où, répètent-ils, l’étonnement provoqué par la brusque éruption médiatique de ces derniers jours.
On pensait que l’on s’acheminait vers une normalisation des relations, et voilà que c’est le contraire qui s’est produit, avec une nouvelle passe d’armes à la clé. Ce que les responsables cités regrettent au plus haut point. En mettant l’accent sur les dangers régionaux de l’heure, qui commandent une parfaite soudure entre les éléments du pouvoir comme au niveau de la population, toutes composantes comprises. À partir de là, les ministres en question ont l’intention, avec le concours d’autres conciliateurs, de déployer des efforts en vue de colmater les brèches. Ils comptent, habilement, exploiter le thème de la mutation positive enregistrée à la faveur de la trêve présidentielle au sein du Conseil des ministres, qui s’est remis à fonctionner comme une institution valide. Ces ministres ne vont, dans ce cadre, pas faire d’allusion aux débordements polémiques de ces derniers jours ; mais insister pour que leurs pairs qui prennent les travaux du Conseil à la légère, en s’absentant sans motif, fassent montre de sérieux. Et de sens de l’État.
À l’exemple du président Lahoud. Qui a chargé un groupe de spécialistes de décortiquer le projet de budget. Et d’en préparer, à toutes fins utiles, une mouture améliorée qui serait soumise au Conseil dans les prochains jours. Car il ne suffit pas de s’opposer (au texte Siniora), il faut encore proposer. Autre chose. Mais ce ne sera pas de sitôt. En effet cette semaine, il n’y aura pas de Conseil ; Hariri devant se rendre en Malaisie pour la conférence des pays islamiques. Ce délai sera d’ailleurs mis à profit par les conciliateurs pour tenter de rapprocher les points de vue.
En tout cas, certains estiment que Hariri est sorti de la réserve qu’il avait proclamée, pour apaiser le mécontentent de ses bases populaires. Un jugement imprécis, selon d’autres, qui rappellent que Hariri avait précisé que tout en se pliant aux décisions prises, il ne manquerait pas d’exprimer ses vues et ses réserves.
Il reste que beaucoup pensent que l’escalade sera circonscrite. Parce que le pays se trouve confronté à de plus graves priorités.
Philippe ABI-AKL
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