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Communautés - Le patriarche maronite défend à Metz « une certaine idée du Liban » Sfeir réclame l’application de la résolution 520 de l’Onu

METZ-STRASBOURG - De notre envoyé spécial Habib CHLOUK
Sous le titre, « Liban, message et défis », le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a donné mercredi soir à l’archevêché de Metz une conférence qui pourrait bien faire date dans l’histoire de ses prises de position nationales. Il a en effet réclamé l’application de la résolution 520 de l’Onu qui réclame le départ de toutes les armées étrangères du Liban.
Sur le ton mesuré qu’on lui connaît, le chef de l’Église maronite, qui lisait le texte d’une conférence, loin de toute improvisation, a déclaré : « Avec le soutien de la France et de ses amis, le Liban doit pouvoir exiger l’application des accords de Taëf et de la résolution 520 de l’Onu et, par voie de conséquence, le retrait des troupes syriennes du Liban et la levée de la tutelle syrienne sur le pays qui se poursuit depuis 27 ans ».
« Le Conseil de sécurité de l’Onu a adopté, le 17 septembre 1982, le texte de la résolution 520, a souligné le patriarche, dans sa conférence. Celle-ci exige, entre autres, « le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique du Liban sous autorité exclusive du gouvernement libanais exercé par l’intermédiaire de l’armée libanaise dans tout le Liban. Or la présence des troupes syriennes au Liban constitue un frein au plein exercice de son droit à la souveraineté. »
« La restauration du Liban dans sa souveraineté pleine et entière et dans son indépendance politique effective permettra aux Libanais de reconstruire une vie digne et honorable et de retrouver leur droit légitime à une démocratie véritable, à une vie politique saine et à une vie économique stable pour eux et pour leurs voisins, comme cela a pu être le cas par le passé. »

Une pointe d’humour
Non sans une pointe d’humour, le patriarche avait entamé sa conférence en affirmant : « Le Liban n’est pas à proprement dire un modèle. Mais il représente, pour reprendre l’expression du Saint-Père, un “message”».
Il a ensuite brossé à grands traits un portrait du Liban puisé dans les classiques. C’est ainsi qu’il cite un article publié par Georges Duhamel dans Le Figaro en 1947 déclarant : « Le Liban est un lieu d’osmose (...). Kipling a dit, dans je ne sais quel ouvrage, une phrase fameuse que je vais citer en substance : L’Orient est l’Orient, l’Occident est l’Occident, et jamais ils ne se rencontreront. Le voyageur qui considère attentivement la société libanaise pense que Kipling s’est trompé. Cette union, dont il désespérait, dont on peut, en effet, désespérer parfois, c’est peut-être au Liban qu’elle se dessinera d’abord » (...).
Pour le patriarche Sfeir, « la tradition d’ouverture reconnue au Liban doit beaucoup à sa diaspora. Les maronites, pour ne citer qu’eux, sont à l’étranger au nombre de plusieurs millions. Ils jouent un rôle considérable (...), contribuant ainsi à ce rapprochement entre Orient et Occident évoqué par Duhamel. »
« Le Liban, poursuit le patriarche, fait partie de la vaste communauté francophone, espace de solidarité » dont la vocation a été « d’ouvrir de nouvelles voies à la tolérance et à promouvoir l’indispensable dialogue interculturel ».

La naissance du Liban
Évoquant ensuite « la naissance du Liban », le patriarche estime « important de souligner que la nation libanaise n’est pas née de la volonté d’une puissance coloniale », qu’elle est « le fruit de l’histoire et de la géographie ».
Le Liban, précise-t-il, est « cette conjonction entre la montagne résistante (...) et la côte ouverte sur le monde ».
Ainsi, commente-t-il en parlant de ses communautés, « le Liban présente dans sa structure communautaire des caractéristiques dont aucun pays arabe n’offre l’équivalent. Les chrétiens et les musulmans y sont en nombre. Chacun vit avec l’autre et n’a pas le sentiment de vivre chez l’autre comme certaines minorités du Moyen-Orient ».
De là, le patriarche en vient au pacte national, « compromis entre chrétiens et musulmans pour faire coïncider leur vision politique et se répartir les responsabilités au prix de concessions mutuelles ». Et de se lancer dans la défense de la démocratie libanaise, « dont on a pu dénoncer parfois l’archaïsme et le caractère oligarchique » mais qui « demeure remarquable dans son environnement arabe ».

Les défis
Abordant le volet défis, le patriarche passe en revue les difficultés d’ordre politique, social et économique que rencontre la convivialité libanaise : « l’occupation israélienne », la « tutelle syrienne », la « présence armée palestinienne », les « libertés publiques bafouées » comme « les arrestations arbitraires, les ingérences au niveau de la justice au mépris du principe d’indépendance de la magistrature, la fermeture de la station de télévision MTV, l’interdiction et la répression de manifestations estudiantines... ».
« Les exactions se multiplient et font craindre un effacement pur et simple des libertés, qui sont la raison d’être du Liban », avertit le patriarche.
« Dans ce même ordre d’idées, ajoute-t-il, la démocratie libanaise est constamment remise en cause par des lois électorales injustes. De fait, précise-t-il, le peuple se sent floué, mais doit se plier aux exigences d’une loi électorale préfabriquée pour permettre l’arrivée au Parlement de députés non représentatifs ».
« Les chrétiens du Liban, conclut sur ce point le patriarche, souffrent de voir les accords de Taëf mal appliqués ou appliqués de manière sélective, provoquant ainsi un blocage au niveau des institutions et un déséquilibre sur le plan de la répartition des pouvoirs. Cette situation conjuguée à une véritable “chasse aux sorcières” menée contre certains dirigeants chrétiens contribue à créer un climat d’abattement et d’amertume chez les chrétiens, et à hâter l’exode de la jeunesse chrétienne libanaise ».
Après un paragraphe sur les difficultés économiques dues aux effets conjugués de la dette et des taxes, le patriarche conclut en affirmant :
« Malgré toutes ces difficultés, nous demeurons résolument optimistes. D’abord parce que les Libanais sont condamnés au dialogue et ne peuvent plus se permettre de payer le prix de la dérive de certains de leurs dirigeants », mais aussi parce que, en substance, les Libanais sont des hommes de foi, que leur jeunesse compte des éléments de valeur et enfin parce que le Liban jouit de l’appui « d’une grande partie de la communauté internationale, de l’Union européenne et de la France en particulier », ce qui conforte la volonté des Libanais de lutter pour « une certaine idée du Liban ».
METZ-STRASBOURG - De notre envoyé spécial Habib CHLOUKSous le titre, « Liban, message et défis », le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a donné mercredi soir à l’archevêché de Metz une conférence qui pourrait bien faire date dans l’histoire de ses prises de position nationales. Il a en effet réclamé l’application de la résolution 520 de l’Onu qui...