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Opinion - Après la chute du mur de Bagdad Pour un nouveau pacte national

par Abdel Hamid eL-AHDAB
Avocat
Ce n’est pas la première fois, dans l’histoire moderne, que soufflent les vents du changement dans le monde arabe et que leur impact soit perceptible au Liban.
La Première Guerre mondiale s’est terminée par la défaite de l’Empire ottoman et la victoire de la France. La conséquence, au Liban, a été la fin du pouvoir ottoman et la fin subséquente du régime de la mutassarifiya préludant au régime du « mandat » exercé par la France.
La Deuxième Guerre mondiale a commencé par la défaite de la France. Les partisans de la liberté au Liban, venus de toutes les confessions, ont su alors se saisir de l’occasion pour arracher l’indépendance du pays et mettre au point un consensus : les musulmans renonçaient à leur demande d’union avec la Syrie en accord avec les hommes de l’indépendance syriens, et les chrétiens renonçaient, de leur côté, au mandat français censé protéger leur liberté. Ces mêmes partisans de la liberté sont convenus ensuite de bâtir un État et une patrie, mais ils n’ont bâti ni un État ni une patrie, comme ils allaient le découvrir par la suite, en 1975 !
Survint Abdel Nasser, puis la nationalisation du canal de Suez et la guerre du même nom, à laquelle participèrent la France et la Grande-Bretagne. L’Union soviétique avait alors menacé d’intervenir dans le fameux ultimatum adressé à la coalition tripartite. Les États-Unis venaient de trancher la question du colonialisme européen. Aussi laissèrent-ils l’Europe sans couverture, et la France et la Grande-Bretagne durent alors se plier à l’ultimatum russe. Nasser sortit grandi de cette épreuve et les choses se mirent à aller très vite : Institution de l’union syro-égyptienne... Coup d’État à Bagdad aboutissant au renversement de la monarchie hachémite. L’impact sur la scène libanaise fut la guerre fratricide de 1958. Un accord intervient entre Nasser et les États-Unis pour que le général Fouad Chéhab succède à Chamoun à la présidence de la République. La phase « chéhabienne » se distingua par la tentative d’instauration d’un État moderne et d’une justice sociale, de même que par la prise en compte des ambitions arabes de l’islam politique libanais. Le chéhabisme s’allia alors à Nasser jusqu’au moment de la défaite en 1967. Nasser mourut en 1970, et sa disparition fut suivie de celle du chéhabisme. Le vide sur la scène intérieure fut rempli par une alliance chrétienne fragile et traditionaliste. Le vide musulman fut rempli, de son côté, par les Palestiniens, ou par ce qui fut appelé alors « l’action fedayine armée » dirigée par Yasser Arafat, le tout se concluant par « l’accord du Caire ».
Cette situation ne pouvait manquer de générer une division et une guerre civile au Liban. Cette guerre commença par être palestinienne pour se terminer syrienne. Elle a continué entre les parties se réclamant de la souveraineté et de l’indépendance et celles qui acceptent la tutelle, jusqu’au jour où éclata la guerre du Golfe qui fit imposer l’accord syro-saoudien de Taëf. Nous avons continué, et continuerons, de vivre cette formule jusqu’à ce que la guerre d’Irak distille ses résultats sur le plan régional.
Nul doute que les États-Unis visent, dans leur guerre, à réaliser des modifications essentielles dans le monde arabe. On ne déploie pas un quart de million de soldats et on n’investit pas un budget de 150 milliards de dollars dans le seul but de renverser Saddam Hussein.
Le temps est donc venu de faire un examen de conscience et de réviser tous les comptes, à l’exemple des partisans de la liberté au Liban, en 1943. Ceux-là avaient choisi l’indépendance à un moment propice, en tenant compte de la conjoncture à venir. Ils ont mis au point des équations nationales faisant que la souveraineté, la liberté et l’indépendance soient réclamées par tous les Libanais, de toutes confessions, et avec l’héritage particulier à l’histoire de chaque communauté.
Sur cette croisée des chemins où nous nous tenons, de grandes questions sont posées pour le futur, qui sont l’expression d’une recherche de formule de coexistence ne contenant ni lésion, ni domination, ni privilèges, mais rien que liberté, souveraineté et indépendance, le premier de ses éléments et la première de ses conditions étant l’allégeance au Liban.
Peut-être est-ce là le temps de la réflexion et « du parler franc », et non le temps des accusations et condamnations. Nous sommes rassasiés de condamnations et avons assez goûté à la tutelle exercée sur la pensée politique libre, avec maniement de la carotte et du bâton... Le dialogue islamo-chrétien est actuellement actionné par les superviseurs de l’accord syro-saoudien. Il comporte des ficelles, une mise en scène et des marionnettes.
Peut-être est-ce le temps où la franchise est de rigueur, où les chrétiens doivent savoir ce que veulent les musulmans.
L’islam politique libanais, guidé par Riad el-Solh, estimait que la liberté du Liban, sa souveraineté et son indépendance constituaient un grand acquis pour la cause arabe. Aussi a-t-il agi dans ce but pendant toute sa vie politique. C’est cette école qui fut dirigée, après Riad el-Solh, par Saëb Salam, Sabri Hamadé, Kamel el-Assaad, l’émir Magid Arslane et d’autres, et c’est cette école qui reçut un coup dans le dos en 1982, lorsque les forces politiques chrétiennes ont sauté par-dessus elle et ont dénoué les liens qui les unissaient pour des motifs opportunistes, tactiques et naïfs. Le résultat a été que Saëb Salam s’est exilé à Genève, Kamel el-Assaad a quitté la vie politique et Fayçal Arslane a été remplacé par un duplicata !
Cette trahison eut pour conséquence de faire perdre aux chrétiens l’intégralité de leurs positions et de placer, chez les musulmans, aux commandes ceux désignés par l’accord syro-saoudien. Ceux-là jouèrent alors le rôle qui leur était imparti, tout comme les marionnettes dans les spectacles de grand-guignol.
Tel est bien souvent le cas pour l’islam politique et tel est le cas, de manière non moindre, pour les politiciens chrétiens.
Nous visons une patrie dans laquelle il n’existerait pas deux catégories de citoyens, où l’on verrait, d’une part, comme le dit l’adage, « les enfants de la maîtresse de maison » et, d’autre part, « les enfants de la servante », une patrie où une communauté ne gouverne pas une autre et où nulle communauté ne recherche le soutien d’un État étranger pour se renforcer et dominer le jeu politique.
Beaucoup de pays multicommunautaires ont réussi lorsque leurs ressortissants ont acquis la conviction que l’allégeance au pays constituait le fondement de l’édifice national. Citons, à titre indicatif et non restrictif, la Suisse. Dans ce pays, la liberté et la démocratie étaient la vraie garantie de la coexistence entre les nationaux de langues germanique, italienne ou française. Les deux guerres mondiales ont successivement éclaté et les vents de la tempête guerrière ont soufflé entre les Allemands, les Français et les italiens, mais les Allemands, les Français et les Italiens de Suisse se sont montrés plus forts que la tempête.
C’est le moment de réfléchir à un vrai pacte entre les Libanais, dont l’allégeance à la patrie sera la base et dont la liberté et la démocratie seront les garanties. La part de chaque communauté ne prendra pas la forme de « titres » que lui remet le Liban, mais de « valeurs » dont elle fera bénéficier l’indépendance, la liberté et la souveraineté du pays.
C’est le moment de méditer et de réfléchir pour parler ensuite en toute franchise et en l’absence de toute tutelle, fut-elle de l’argent ou d’un quelconque État.
Pour réussir, le dialogue doit se dérouler entre des hommes libres qui recherchent l’intérêt de leur pays et qui ne se sont pas liés aux diverses dictatures du monde arabe, furent-elles religieuses, militaires, civiles ou idéologiques.
Je veux parler des hommes libres qui ne sont pas liés aux fondamentalistes, lesquels cherchent à imposer des moules de « l’Umma » tout prêts, ces mêmes hommes libres qui ne sont pas moins en relation avec Dieu et qui suivent ses préceptes visant à garantir la dignité, le bonheur et la vertu.
Il s’agit d’une opportunité historique, similaire à celle créée par la chute de l’Empire ottoman et, plus tard, par la défaite française.
Tous sont, à présent, tombés comme le mur de Bagdad, et ceux qui n’ont pas encore compris seront aussi niais que Ceausescu.
En ces circonstances, les partisans de la liberté au Liban devraient se rencontrer pour l’élaboration d’un nouveau pacte qui refera du Liban un pays libre et indépendant, dépositaire d’une mission civilisatrice, culturelle et juridique, et titulaire d’un rôle de défenseur de la liberté.
par Abdel Hamid eL-AHDABAvocatCe n’est pas la première fois, dans l’histoire moderne, que soufflent les vents du changement dans le monde arabe et que leur impact soit perceptible au Liban.La Première Guerre mondiale s’est terminée par la défaite de l’Empire ottoman et la victoire de la France. La conséquence, au Liban, a été la fin du pouvoir ottoman et la fin...