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Le retrait syrien, une arme à double tranchant dont Damas pourrait se servir

Ce pôle parlementaire n’en démord pas : il serait néfaste, à son avis, de revendiquer le retrait des forces syriennes avant qu’elles n’aient accompli la mission qui leur est impartie dans Taëf. Car, affirme-t-il, leur départ fragiliserait la stabilité du pays. Cette même personnalité relève, en substance, que « l’exigence du retrait est une carte de pression américaine sur la Syrie. Mais le fait que les dispositions prévues dans Taëf n’ont pas encore été concrétisées, c’est-à-dire le maintien du statu quo, peut devenir une carte de pression syrienne sur Washington. Au point que l’on pourrait voir Damas menacer lui-même de se retirer. Avec des retombées mettant en péril la paix civile au Liban ».
La sécurisation du territoire, notamment par la neutralisation de ce que l’on appelle les îlots d’insécurité, n’est pas achevée. L’un des piliers du pouvoir syrien, le général Bahjat Sleimane, écrit dans le Safir qu’en cas de retrait en l’état actuel des choses, l’on pourrait craindre de voir « le Sud se transformer en une de ces lices de confrontation qui restent ouvertes avec l’ennemi israélien. La situation redeviendrait ce qu’elle était avant la libération, quand le Sud était un marécage où les forces de l’occupation s’embourbaient ». Le général enchaîne en soutenant qu’aux yeux de Washington, « la présence syrienne au Liban doit se poursuivre en tant qu’élément de contrôle à l’égard des forces actives sur la scène du Sud, qui compte plus de cent mille Palestiniens ». Il développe ensuite l’analyse suivante :
– « Le blocage du processus de paix, la recrudescence de la barbarie israélienne face aux Palestiniens, l’occupation de l’Irak favorisent la montée en puissance du fondamentalisme islamiste. Au point qu’il n’y a plus de comparaison possible avec les rapports de force qui prévalaient lorsque la guerre libanaise a éclaté en 1975. Le besoin de recourir à la Syrie en tant que facteur d’équilibrage persiste et va même grandir à l’ombre de la rupture des équilibres démographiques comme de l’accroissement de l’influence des fondamentalistes et du crescendo des voix qui réclament la redéfinition du pouvoir (au Liban). »
– « Lors du retrait de ses forces, la Syrie cessera d’avoir une quelconque responsabilité par rapport au Hezbollah, mouvement qui n’existe que sur le territoire libanais. À ce moment, les Américains et les Israéliens ne pourraient plus demander à la Syrie des positions ou des mesures d’ordre politique ou militaire (à l’égard du Hezb). De même, en cas de fermeture des bureaux des organisations palestiniennes, Américains et Israéliens ne pourraient plus demander à la Syrie d’interdire aux Palestiniens, rayés de toute solution éventuelle, et plus précisément de la “feuille de route”, de sortir de son territoire pour se rendre au Liban. Pour y rééditer leur transfert des bois jordaniens de Jarach et de Ajloun, en 1971, en direction du Liban-Sud où ils avaient établi une forte présence. Cette fois, ils seraient encore plus forts qu’entre 1971 et 1982. L’argument de la Syrie est prêt : les organisations palestiniennes que les États-Unis accusent de terrorisme ne sont pas présentes sur son sol. Quant à leur présence en territoire libanais, elle n’aurait plus rien à y voir au cas où ses propres forces devaient se retirer de ce pays. Il y aurait un climat de confusion géopolitique et l’on verrait au Sud un radicalisme marqué par la présence conflictuelle du Hezbollah libanais, du Hamas et du Jihad islamique palestiniens. »

La réponse par un autre
Syrien
Cependant, répondant dans le Nahar au général Bahjat Sleimane, l’écrivain syrien Michel Kilo relève que « les islamistes palestiniens qui se regrouperaient au Sud seraient venus de Syrie. Le pouvoir syrien est-il certain que l’Amérique ne lui imputerait pas alors la responsabilité de ce qui pourrait se passer. La Syrie pourrait-elle se tenir éloignée du marécage évoqué par le général ? Serait-elle en mesure de se tenir à l’écart des confrontations entre fondamentalistes, simplement parce que ses forces se seraient retirées du Liban ? Que ferait la Syrie si les USA et Israël décidaient de lui faire assumer la responsabilité de ce qui se produit au Liban et dirigeaient la bataille vers elle ? Si la Syrie est un facteur d’équilibre permanent, comme le soutient le général, si les États-Unis ajournent son affaiblissement en attendant que la situation se décante en Irak, peut-on en déduire que la Syrie est protégée ? Dispose-t-elle de ripostes adéquates aux défis occurrents, infiniment variés d’ un ennemi qui déploie aujourd’hui deux armées, à sa frontière est et à sa frontière ouest ? Que ferait la Syrie si les USA et Israël décidaient de mettre un terme à son rôle en tant qu’élément d’équilibre, en ouvrant le front du Sud, comme les Israéliens ne cessent d’en avancer la menace ? Que ferait-elle s’ils entreprenaient d’affaiblir ses positions régionales. Serait-elle capable de les contrer s’ils lançaient des opérations militaires contre elle ? Elle dispose sans doute de cartes actuellement, mais ces atouts seraient-ils suffisants en cas de changement de la situation ? Ce sont des questions que l’on doit débattre aujourd’hui dans une Syrie cernée, prise pour cible dans le cadre d’un environnement international, où il est interdit à tout État de se renforcer en dehors de l’orbite US », conclut l’écrivain syrien.

Retour à Taëf
Commentant ces vues du général Bahjat Sleimane et de Michel Kilo, le pôle parlementaire libanais précédemment cité estime qu’au bout du compte les deux analyses mettent en évidence une même nécessité : des concertations syro-libanaises intensifiées, pour parer à toute éventualité en base d’une position unifiée. Car plus que jamais la sécurité et la stabilité des deux pays sont étroitement imbriquées. À son avis, la meilleure protection consisterait à appliquer les engagements de Taëf que les deux gouvernements doivent assumer ensemble.
– Il s’agit d’abord d’étendre l’autorité de l’État libanais à l’ensemble de son territoire par le truchement de ses seules forces propres. À travers un plan de sécurité élaboré dans un délai d’un an par un gouvernement d’entente nationale. Ce plan implique la dissolution de toutes les milices, libanaises ou non, et la remise de leur arsenal à l’État libanais. Cela n’a été fait qu’incomplètement et les camps palestiniens sont restés armés. Ce qui pose un problème pour les Libanais, mais aussi pour les Palestiniens eux-mêmes, comme on l’a vu récemment à Aïn el-Héloué, où des cellules islamistes se sont incrustées en force. Il faut traiter la question des camps en coordination avec les leaderships palestiniens, mais également avec la Syrie. L’armement des camps n’a aucun sens, car il ne sert pas à les protéger, mais au contraire à les miner de l’intérieur.
– « En base des relations fraternelles, les forces syriennes s’engagent, avec la gratitude du Liban, à épauler les forces libanaises dans leur effort d’étendre l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, dans un délai de deux ans courant après les réformes constitutionnelles ».
Bien entendu, cela n’a pas été fait. Et le redéploiement sur la Békaa, en prélude au retrait, n’a pas été accompli. De même les deux gouvernements ne sont toujours pas convenus du volume des forces syriennes, ni de la définition de leurs rapports avec les autorités locales.
– La coopération doit se traduire par des accords bilatéraux respectant la souveraineté et l’indépendance respectives des partenaires. Le Liban ne doit pas constituer une source de menace pour la Syrie, ni l’inverse. Des protocoles ont été effectivement signés, pour former le pacte dit de fraternité et de coordination. Ces textes devaient, en réalité, constituer un substitut à la présence militaire syrienne, qui aurait dû s’effacer et il n’en a rien été. Toujours est-il que l’on peut encore redresser la barre par le dialogue. Et corriger les failles relationnelles dans un esprit d’entente, comme le souhaite Bkerké, en refusant de miser sur les grandes puissances qui n’ont en tête que leurs propres intérêts.

Émile KHOURY
Ce pôle parlementaire n’en démord pas : il serait néfaste, à son avis, de revendiquer le retrait des forces syriennes avant qu’elles n’aient accompli la mission qui leur est impartie dans Taëf. Car, affirme-t-il, leur départ fragiliserait la stabilité du pays. Cette même personnalité relève, en substance, que « l’exigence du retrait est une carte de pression...