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Développement - Élias Skaff reprend l’initiative à Zahlé et invite en grande pompe le président de la Chambre Berry : Nous devons apprendre à gérer nos conflits internes (photos)

Un développement sur fond politique, avec en filigrane l’échéance législative de 2005, c’est ainsi qu’on pourrait résumer la visite du président de la Chambre, Nabih Berry, samedi, à Zahlé, en réponse à une invitation du ministre de l’Industrie, Élias Skaff. Entre le chef du Parlement, sérieusement inquiet sur l’étendue de son influence dans la Békaa, après la dissidence de l’ancien ministre et actuel député Mahmoud Abou Hamdane, et le leader békayote, longtemps placé en disgrâce par les autorités influentes au Liban et dans la région, le courant ne pouvait que passer et se traduire par une véritable alliance qui pourrait bien constituer un avant-goût du nouveau paysage politique libanais.
Officiellement, il s’agissait de poser la première pierre à la construction d’une station de filtrage des eaux usagées à quelques kilomètres de Zahlé, un projet adopté sous le mandat Hraoui, dans le cadre d’un protocole libano-italien, mais que personne n’avait décidé d’exécuter jusqu’à aujourd’hui. Officieusement, il s’agissait pour le ministre de l’Industrie, Élias Skaff, héritier du leadership traditionnel de son père dans la Békaa, de montrer à ses adversaires et à ses partisans, qu’il reprend la situation en main, après des années de disgrâce. Et pour son coup d’éclat, il ne pouvait trouver mieux que d’inviter dans sa ville natale le chef du Législatif, qui n’avait jamais effectué de visite officielle à Zahlé, auparavant, laissant la Békaa en sous-traitance à « son homme », Mahmoud Abou Hamdane, devenu, depuis, un de ses adversaires.

Deux catégories
de mécontents
Mais cette nouvelle donne dans la Békaa ne pouvait pas faire que des heureux. Il y avait d’abord les adversaires de Skaff, qui n’étaient pas mécontents de la mise en veilleuse de son rôle par l’ancien responsable des SR syriens au Liban, dont le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, et ceux qui gravitent autour de lui, notamment le député Youssef Maalouf. Il y avait ensuite les partisans du député Mahmoud Abou Hamdane, qui avaient déjà tenté de perturber une visite de M. Berry à Baalbeck, pour bien montrer que la Békaa est leur chasse gardée.
C’est donc dans ce contexte de polémique que Skaff a décidé de recevoir en grande pompe le président de la Chambre, profitant de la pose de la première pierre à un projet de développement que les Békayotes attendaient depuis longtemps. Et ce qui pouvait n’être qu’une visite banale, pimentée de quelques discours plus ou moins violents, est rapidement devenu une sorte de défi et un message pour l’avenir. C’est aussi un symbole, car entre les habitants de Zahlé et les partisans du mouvement Amal, les relations n’ont pas toujours été amicales, loin de là. Et, en recevant en grande pompe le président de la Chambre, qui est aussi le chef du mouvement Amal, c’est aussi une page du passé que Skaff a voulu tourner.
À partir de Chtaura, banderoles et portraits ornent les rues, pour souhaiter la bienvenue au président de la Chambre. Généralement signées – pour que leurs auteurs ne soient pas oubliés lors d’une éventuelle distribution de récompenses –, elles sont d’un lyrisme remarquable. Une seule semble incongrue dans ce lot de louanges : à Taalabeya, elle dit à peu près cela : « Une promesse non tenue équivaut à une animosité sans mobile. » Et, bien sûr, elle n’est pas signée. C’est là l’unique manifestation des opposants à la visite, qui se transforme rapidement en meeting populaire.

Un discours à messages
multiples
D’abord, sur les lieux où dans un an et demi, devrait s’élever, si tout se déroule comme prévu, la station de raffinage des eaux, à quelques mètres du dépotoir moderne établi depuis quelque temps et qui permet aux habitants de la région de ne pas souffrir d’odeurs nauséabondes et d’infections diverses. En présence de nombreux ministres, dont M. Assaad Diab, représentant M. Rafic Hariri, Marwan Hamadé, Michel Moussa, Assem Kanso et Abdel-Rahim Mrad et d’une soixantaine de députés et de personnalités diverses, dont Mgr Mounjed Hachem, représentant le patriarche maronite, et le président du CDR, M. Jamal Itani, qui a d’ailleurs pris aussi la parole, M. Berry a prononcé un discours à messages multiples.
De retour du Vatican, le président de la Chambre a commencé par transmettre aux Zahliotes les salutations du pape, plaçant d’emblée sa visite dans le cadre d’une réconciliation nationale. Hommage à l’intifada palestinienne, insistance sur la nécessité d’un rôle accru de l’Onu en Irak et affirmation de l’inévitable passage par la Syrie pour réaliser une paix durable dans la région, Berry a mis l’accent sur le fait que la région est en danger. Devant un auditoire aux têtes coiffées de casquettes vertes et blanches offertes par la municipalité de Zahlé, le président de la Chambre a déclaré : « C’est pourquoi le discours des Libanais doit s’unifier. Nous devons apprendre à gérer nos conflits internes sans que cela ne se transforme en situation d’effritement, de surenchère et de paralysie. Il faut mettre un terme à l’exode vers la capitale et au-delà des frontières en donnant aux Libanais des garanties sociales, notamment sur les plans de la santé et du développement. »
M. Berry a ensuite vivement critiqué le projet de loi sur le budget, préparé par le ministre des Finances Fouad Siniora, le qualifiant de projet de discorde. « C’est un piège pour le gouvernement et le Parlement, destiné à pousser les ministres et les députés à réclamer de nouveaux impôts afin de couvrir les dépenses des divers secteurs. Comment expliquer sinon les sommes accordées au compte-gouttes aux ministères de l’Agriculture et de l’Industrie, la place négligeable réservée à l’EDL et l’absence d’appui au tourisme... Nous ne sommes pas dupes de ces manœuvres et aucun nouvel impôt ne sera décidé. »

Forte présence chrétienne pour accueillir Berry
Après une escale au domicile de Skaff, dans la bonne tradition des « zaïms », Berry s’est rendu sur les rives du Berdawni pour répondre à l’invitation du ministre de l’Industrie. Élias Skaff avait en effet invité tous les députés, sauf son adversaire traditionnel, le ministre Khalil Hraoui et M. Mahmoud Abou Hamdane. Mais il avait surtout insisté pour qu’il y ait une forte présence chrétienne prête à accueillir le président de la Chambre, dans ce qu’on appelle « la capitale des grecs-catholiques en Orient ». De fait, à part les députés Youssef Maalouf et Georges Kassarji, la plupart des notables de Zahlé, et des villages voisins ont répondu à l’invitation, y compris le vice-président de la Chambre, M. Élie Ferzli, qui n’était visiblement pas en forme. Au total, plus de 3 000 personnes pour applaudir Skaff et son hôte, et marquer ainsi le retour de Zahlé à son leadership traditionnel.
Prenant la parole en libanais populaire, Skaff a relevé avec simplicité que seulement 2 % du budget annuel de l’État est consacré à 43 % de la superficie du pays. Abordant des sujets nouveaux, le ministre de l’Industrie a réclamé une réforme bancaire, dans le cadre de la réforme dont on parle désormais quotidiennement. « La corruption est maintenant à la mode et celui qui ne vole pas est considéré comme un âne », a ajouté M. Skaff, provoquant des sourires sur les lèvres des présents. Il a aussi déclaré qu’au Liban, « il y a une place pour tout le monde, pour les aounistes et les FL, mais aussi pour les baassistes. Avec la Syrie, les relations ont été clarifiées dans l’accord de Taëf, toute lacune doit être discutée ici, et non à l’étranger ». Enfin, il a mis l’accent sur la situation des agriculteurs de la Békaa, « et je suis l’un d’eux, dont la plupart des terres sont hypothéquées », remerciant le président de la Chambre pour son intervention en faveur du projet de filtrage des eaux usées et ajoutant que les Zahliotes et les habitants de la Békaa en général comptent sur lui.
Berry a répondu en remerciant Zahlé et ses habitants pour leur accueil, précisant que s’il a tardé à répondre à l’invitation, c’est parce qu’il attendait d’être porteur d’un projet concret.
Apparemment, une nouvelle alliance se dessine dans la région. Élias Skaff compte reprendre son rôle de leader, après les années de vache maigre, et le président de la Chambre ne souhaite visiblement pas abandonner cette région aux dissidents de son mouvement. Les opposants se sont pour l’instant inclinés. Mais la bataille n’est pas finie.

Scarlett HADDAD
Un développement sur fond politique, avec en filigrane l’échéance législative de 2005, c’est ainsi qu’on pourrait résumer la visite du président de la Chambre, Nabih Berry, samedi, à Zahlé, en réponse à une invitation du ministre de l’Industrie, Élias Skaff. Entre le chef du Parlement, sérieusement inquiet sur l’étendue de son influence dans la Békaa, après la...