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Brassage - Le libanais, pour être tous libanais Ainsi parlent nos mamans...



Aimer les arbres, les bêtes, les fleurs, les friandises,sans en connaître le nom. Qu’à moitié. Étrange lacune d’un bilinguisme qu’aucune étude ne saurait parfaire.
Passer devant un chêne et s’émouvoir : tiens, le beau platane ! Mais ça se dit comment, platane, en zahliote ? Aperçevoir dans un sentier escarpé un baghl vigoureux. Et se demander: c’est quoi, un kdiche en toulousain. Ou encore chantonner « Je vous ai apporté des bonbons, parce que les fleurs, c’est périssable. » Pour noter que, bon d’accord, une fleur c’est zahra, mais un bonbon, ça se traduit comment ?
Il me souvient d’une bonne sœur qui, à l’école, nous expliquait qu’une fenêtre était une ouverture d’air pur. Dans la dureté du mur. Mais qu’un chebbak, c’étaient des barreaux assurés, pour nous retenir dans une cage mal dorée. Un lavage de cerveaux, réussi, pour nous faire préférer dès l’enfance une culture à une autre.
Les choses ont changé ? L’arabe a été revalorisé, progressivement, dans tous les établissements de ce que nous appellerons l’Est. À l’Ouest, il était déjà roi. L’étendue de son emprise n’est pourtant pas un facteur d’unité. Pourquoi ? Parce que l’arabe littéraire inculqué aux jeunes est non seulement difficile, mais aussi peu maniable. Les médias et les communicants professionnels, comme les politiciens, l’ont de tout temps compris. Ils ont donc fabriqué un sabir fifty-fifty, ménageant la grammaire mais relativement compéhensible pour le commun des mortels.
Cependant, en pratique, l’idéal serait évidemment que le dialecte parlé soit seul en usage dans tous les domaines. Il y a eu des tentatives dans ce sens et dans ce pays, notamment du côté du grand Saïd Akl. Mais, pour des raisons à fragrance politique, cela n’a pas marché. On tient à l’arabe semi-littéraire, sans doute pour affirmer une certaine appartenance. On garde, plus ou moins, le français, sans doute pour proclamer une certaine affinité. Et ça donne, dans la vie courante, ce que l’on appelle le franbanais. Ainsi, si l’on compte l’expansion de l’anglais, ce tout petit pays s’exprime au moins dans quatre idiomes. les bases d’une tour de Babel, en somme. D’où l’une des raisons, peu manifestes, des divisions dont nous nous plaignons.
On peut se demander dès lors, au risque de paraître naïf, si le libanais ne devrait pas être notre langage exclusif. Hérité de nos mères qui toutes nous ont voulus libanais. Et rien d’autre.
Jean ISSA
Aimer les arbres, les bêtes, les fleurs, les friandises,sans en connaître le nom. Qu’à moitié. Étrange lacune d’un bilinguisme qu’aucune étude ne saurait parfaire.Passer devant un chêne et s’émouvoir : tiens, le beau platane ! Mais ça se dit comment, platane, en zahliote ? Aperçevoir dans un sentier escarpé un baghl vigoureux. Et se demander: c’est quoi, un kdiche...