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Le pouvoir invité à réaliser l’urgence de la situation

Le Conseil des ministres se saisira-t-il demain du dossier brûlant de l’électricité ? Sceptiques, des professionnels prédisent que le pouvoir, se rabattant sur une échappatoire classique des plus commodes, décidera de ne rien décider pour le moment. Et se contentera de former une commission d’étude. Sans prendre en compte l’urgence de la situation. Ou, plutôt, pour tenter de la désamorcer en atermoyant.
Une dérobade éventuelle qu’explique, en partie, la divergence de vues entre responsables sur le problème. L’électricité est revenue brusquement sur le devant de la scène, occupé jusque-là par les carrières et les dépotoirs, objet de la motion de défiance présentée par Akram Chéhayeb. Initiative puissamment soutenue par Joumblatt, qui a menacé de retirer ses ministres du gouvernement. En attaquant frontalement son ex-allié, Rafic Hariri. D’un jour à l’autre, les effets fracassants de cet assaut impromptu se sont donc trouvés estompés par l’explosion d’une nouvelle bombe, le triplement du tarif électrique. Un domaine qui ne se limite pas à des antagonismes sectoriels comme les carrières, mais s’étend à toute la population. D’où une levée d’innombrables boucliers politiques, sociaux ou économiques. Car la production industrielle se trouve aussi frappée, sinon plus, que les particuliers par la majoration du courant. Cette soudaine initiative a pris de court nombre de pôles du pouvoir, qui n’en avaient pas été avertis et l’ont fait savoir. Leurs assurances à ce propos sont cependant mises en doute par d’autres pôles qui affirment que les responsables dans leur ensemble étaient bien... au courant. Sinon de la mesure ponctuelle elle-même, du moins de la nécessité absolue de faire quelque chose très vite pour éviter une débâcle de l’EDL. Qui se trouve enfoncée sous un passif de plus de deux milliards de dollars. Or, ajoutent ces sources, les dirigeants sont bien placés pour savoir que l’État ne peut plus amortir ce déficit par des avances du Trésor, du moment que les caisses sont vides. Il n’y a plus de palliatif possible. Et cela, en fait depuis très longtemps. Le gouvernement précédent avait bien abordé la question sous tous ses angles, mais sans résultats sur le terrain. Et cela malgré les SOS répétés du président-directeur général de l’EDL, Kamal Hayeck, qui n’a cessé de bombarder le pouvoir de rapports alarmants. Le ministre de l’Énergie de l’époque, Mohammed Abdel Hamid Beydoun, avait de son côté promis au Conseil des ministres, en réponse aux demandes insistantes du chef de l’État, des études circonstanciées qu’il ne lui a jamais présentées. Cela sans doute parce qu’il était en bisbille avec Hayeck et qu’ils n’arrivaient pas à accorder leurs violons. Aujourd’hui, le dossier reprend donc la vedette.
Aux côtés des carrières ou des dépotoirs, et comme pour compléter la série de pressions sur le gouvernement. Cependant des sources fiables affirment qu’il n’y a pas de lien entre ces trois affaires. À leur avis, il ne faut pas attribuer d’arrière-plan politique à l’histoire de l’électricité. Ces personnalités indiquent que les Finances, soucieuses de satisfaire aux conditions posées par la Banque mondiale, ont relancé l’Énergie pour pomper des sous. Afin de couvrir une partie de la dette suscitée par la hausse du prix des carburants, qui constituent 70 % des dépenses de l’office spécialisé. L’Énergie, devant le refus des Finances de lui assurer de nouvelles avances sur le Trésor, s’est résolue à augmenter ses tarifs. Mais après le tollé que cela a provoqué, ses cadres assurent maintenant qu’ils ne s’accrochent pas à cette décision. Prise, à les en croire, surtout pour tirer la sonnette d’alarme. Ils ajoutent qu’au cas où le Conseil des ministres voudrait gommer l’augmentation, il lui faudrait impérativement la remplacer par d’autres ressources, qu’il lui appartiendrait de trouver.
Commentant avec amertume les surenchères démagogiques des politiciens, les sources du ministère rappellent que les autorités, fortement soutenues par Berry, avaient pris l’inimaginable décision de biffer des arriérés se montant à des milliards de livres libanaises, dus par des particuliers des entreprises ou des services publics à l’EDL. Et cela au moment où ces mêmes autorités appelaient à l’arrêt du gaspillage des fonds et à l’assainissement des finances publiques. L’exemption décrétée avait naturellement fait tache d’huile, incitant un grand nombre de consommateurs à ne plus acquitter leurs quittances, puisqu’un jour ils seraient amnistiés. Parallèlement, l’EDL avait dû renoncer, suite à de fortes pressions, à couper le courant aux services publics qui ne payaient pas le courant. La nouvelle direction a pu, d’un autre côté, améliorer sensiblement la perception. Mais on reste loin de combler le gouffre. D’autant que certaines régions restent toujours hors la loi et que les percepteurs y sont souvent agressés. D’autre part, le déficit d’évolution et d’entretien du réseau entraîne par lui-même un surplus de pertes financières. Qu’aggrave le fait, incompréhensible pour qui ne connaît pas les dessous des arrangements, que l’on ne se rabat toujours pas sur le gaz, moins cher et moins polluant que le fuel. Dans ces conditions, on se demande comment il pourrait être possible de privatiser l’électricité libanaise, comme le projette le pouvoir.

Philippe ABI-AKL
Le Conseil des ministres se saisira-t-il demain du dossier brûlant de l’électricité ? Sceptiques, des professionnels prédisent que le pouvoir, se rabattant sur une échappatoire classique des plus commodes, décidera de ne rien décider pour le moment. Et se contentera de former une commission d’étude. Sans prendre en compte l’urgence de la situation. Ou, plutôt, pour...