Rechercher
Rechercher

Actualités

Collections 2003-2004: un hiver qui fait rêver(photos)

De Chanel à Lacroix, de Dior à Gaultier, la haute couture pour l’automne-hiver 2003/2004 a plus que jamais donné à rêver en quatre jours de défilés menés tambour battant, la saison se révélant riche en idées et en panache.
La haute couture, qui sert surtout, compte tenu du nombre restreint de ses clientes, à faire vendre des parfums, des sacs et du prêt-à-porter, a prouvé qu’elle était toujours un laboratoire d’idées, grâce aux savoir-faire des ateliers et des artisans.
Les robes flamenco à géométrie variable de Dior, la couture-métamorphose surréaliste de Jean-Paul Gaultier, les métissages Nord-Sud de Lacroix, les fausses religieuses de Chanel en sont autant de brillantes démonstrations.
Derrière ces agitateurs d’idées, d’autres coutures s’engouffrent, moins impertinentes mais toutes aussi efficaces comme celle d’Emanuel Ungaro, qui s’attache plus aux sources de la couture, du plus pur pour le jour au plus étincelant pour le soir.
Valentino, fidèle à lui-même, a annoncé la couleur d’entrée de jeu. Sa collection est destinée aux femmes qui rêvent d’un oscar et au glamour des actrices des années 50. Chez Scherrer, plus dépouillée qu’à l’accoutumée, l’élégance gagne du terrain...
Cette saison sera aussi celle d’un léger repli de la fourrure, traitée en petits morceaux, au profit des reptiles (croco et serpents de tous ordres) et surtout des pierres et strass de toutes dimensions, de l’éclat à la paillette et au cabochon, du ton sur ton aux ors vieillis ou brillants, sequins compris.
Le soir, les robes de princesse ou de sirène côtoient les vestales et autres odalisques afin de rendre les femmes encore plus sensuelles. Même le jour, des tailleurs très ajustés à la taille accueillent de temps à autre des envolées de fourrure et de broderies.
La coiffure s’est faite tout aussi luxueuse avec des bonnets parsemés d’or chez Chanel, des coiffes bijoux chez Lacroix. Gaultier glisse du python blanc ou du brodé métal. Les plumes et les bérets chez Dior jouent aux filles de mauvaise vie alors que Scherrer opte pour le bibi très parisien et Valentino pour des coiffes en boucle très stars.
Le brodeur François Lesage, dont les ateliers ont tourné à plein régime jusqu’à la veille des défilés pour les maisons Dior, Lacroix et Chanel notamment, souffle enfin.
«Avant, on travaillait cinq samedis et trois dimanches avant les collections. Aujourd’hui, elles doivent être faites en douze jours!» confie à l’AFP M. Lesage.
Curieusement, ce n’est pas forcément de la collection la plus brodée dont il parle le plus, mais celle de l’Américain Ralph Rucci. «Elle me rappelle les grands moments de Balenciaga et d’Hubert de Givenchy avec un travail de couture qu’on ne retrouve pas ailleurs.»
Le brodeur, qui croit au retour de ce travail de couture, juge que «Dior s’est assagi. Le vrai vêtement était visible», s’exclame-t-il avant d’ajouter: «Et quel vêtement!»
Du côté des clientes aussi, cet attachement à montrer le vêtement sur le podium a été remarqué même si «de toute façon un modèle qui défile sera adapté pour nous après», explique une cliente espagnole d’une cinquantaine d’années venue spécialement de Madrid.
Il est vrai aussi que pour le luxe, l’heure est plus que jamais à l’efficacité après les turbulences engendrées par la guerre en Irak, l’épidémie du Sras et la faiblesse du dollar à l’égard de l’euro.

Chanel en noir et blanc, du gris pour Sirop

Presque quatre siècles après la fondation de l’abbaye de Port-Royal à Paris, Karl Lagerfeld pour Chanel a fait défiler dans le cloître du «plus bel endroit de Paris», selon lui, ses fausses religieuses qui, sous des allures souvent strictes, portent des cuissardes-pantalons en cuir.
La haute couture de l’automne-hiver 2003/2004 de la maison Chanel sera résolument en noir et blanc, mais avant tout longiligne avec ses «stilettos pants», des pantalons cuissardes d’une pièce en agneau.
«C’est plus Matrix que médiéval», a résumé avec humour Karl Lagerfeld à l’issue du défilé. Les manches apparaissent tout aussi interminables avec des poignets pagode, qui cachent ou non la main, selon le mouvement donné. Engoncée dans des cols à la Condorcet très hauts, souvent doublés de fourrure blanche ou de mousseline, la tête, par contraste, se fait toute petite.
Les tailleurs Chanel ont rallongé cette saison avec des jupes sages à plis presque au genou. Les vestes cintrées poussent le torse en avant, dévoilant de larges ceintures vernies noires ou incrustées de mosaïques et de pierres baroques.
Les cols et cravates en mousseline, sur lesquels se posent de nombreux camélias, emblème de la maison, débordent des tailleurs. L’hermine donne un aspect neigeux à une robe de cocktail en tweed noir et blanc.
Le soir aussi les «stilettos» blancs claquent sous des robes en mousseline noire très légères ou des manteaux de cour éblouissants, tandis que les robes princesses se contentent d’un escarpin à moitié transparent.
Linda Evangelista s’est glissée dans le rôle de la mariée.
Changement de décor avec Dominique Sirop. On quitte les jardins et l’ambiance sereine du cloître de l’abbaye pour le Lido. Entre-temps, le nombre de modèles a rétréci d’une soixantaine à une vingtaine. Sirop, juste labellisé haute couture en janvier, s’autofinance et n’a pas la puissance d’une grande maison.
Le créateur aime les couleurs minérales, les gris qu’il décline du métallique au perle. Il aime mélanger les matières, comme le python naturel inséré en larges bandes dans le tulle saumon d’une jupe, sous un tee-shirt en résille pêche et gris rebrodé. Un boléro de plumes de coq argent fait de l’effet sur une jupe longue en cuir rose poudre décorée de chaînettes en vieil argent.
Le plus réussi est une robe du soir très ouverte en velours rouge, comme un rideau de scène d’opéra dont un lustre aurait déposé ses pampilles de cristal sur une épaule en guise d’ornement.
Enfin Nicolas Le Cauchois, nouveau venu dans l’arène, imagine la femme en noir et blanc, le corps emprisonné dans des tissus qui ont appris les nœuds marins. Les ruchés en rajoutent dans le jeu de volumes accentué par des accessoires envahissants, souvent faits de larges coquillages plats. Le trench à col bénitier semble avoir le blues. Le safran vient troubler le fragile équilibre instauré. Les patchworks ethniques à dominante rouge se glissent mieux en manteau ou en manche sur des robes jerseys fluides.

Entre ascétisme et opulence

L’automne-hiver 2003-2004 sera ascète ou opulent, selon que l’on préfère la couture version Ralph Rucci ou celle d’Élie Saab.
L’Américain Ralph Rucci aime habiller les femmes de manière tranquille, certains diront trop tranquille. Aucun artifice ne vient en effet troubler une élégance très 5e Avenue, juste des effets de volumes: un vison qui souffle un manteau de satin ou une robe de cocktail courte dont la jupe est composée de quatre étages de gazar noir ondulé.
Les incursions sur les matières sont maîtrisées: de la marqueterie de cuir sur un paletot, aux enroulés de rubans autour du corps façon bobine de film et aux fines coutures dessinant des figures géométriques.
Fourrures et peaux enrichissent un peu plus un vocabulaire dédié au luxe. Un boléro en plumes de faisans ou un ensemble «pyjama» en paillettes noires volantes sous un manteau doublé des mêmes paillettes donnent un air de fête là où un manteau de cour chocolat (grand manteau porté dans les cours royales) paraît plus solennel.
Pour son entrée dans le calendrier officiel de la haute couture comme membre invité, parrainé par la couturière japonaise Hanae Mori, le Libanais Élie Saab n’a pas renié ses origines. Direction l’Orient, Proche ou Moyen, ses contes des Mille et une Nuits, ses danses des sept voiles et ses mousselines ou ses soies qui ne peuvent se passer de broderies, de sequins dorés et autres pièces de métal capables de couvrir un buste ou un bras.
Non seulement ce self-made-man compte la reine Rania de Jordanie ou l’épouse du Premier ministre libanais Rafic Hariri au nombre de ses clientes, mais il a réussi un coup de maître en terme de marketing en habillant l’actrice américaine Halle Barry lors de la remise de son oscar.
Élie Saab n’a présenté d’ailleurs que des modèles du soir, inspirés parfois de la garde-robe occidentale comme des faux «perfectos» brodés de fils d’or ou un treillis «harem» en mousseline de soie étoilée.
Antonio Grimaldi et Sylvio Giardina ont créé leur maison en 1996 et ont été parrainés par le couturier Emanuel Ungaro pour entrer dans le calendrier officiel parisien.
S’inspirant de leurs racines méditerranéennes ou de personnages de contes de fées, les deux créateurs italiens ont pris l’habitude de défiler à Rome dans des lieux insolites (parc d’attraction, piscine, théâtre, etc.).
À Paris, ils ont redécoré une des salles d’un palace pour leur collection inspirée d’Alice au pays des merveilles. Les pièces rivalisent de dentelles, d’effets, de ruchés et chamboulés à en devenir trop théâtrales. Quelques robes s’en sortent un peu mieux, un top en résille araignée avec un cœur rouge brodé au milieu passe même bien sur une jupe blanche évasée à peine rebrodée ton sur ton.
Enfin la Marseillaise Fred Sathal, membre invité de la haute couture depuis trois saisons, a montré une collection au contraire plus mature, parce que plus allégée.
Ses manteaux en feutre de laine aux coutures envers s’en sortent plutôt bien. Un ensemble de jersey de soie à chevron noir gansé d’une piqûre sellier chocolat aussi. Une robe Liza Minelli en côte aluminium laquée noir est agréable à regarder.

RUBRIQUE RÉALISÉE PAR Claire Gebeyli
De Chanel à Lacroix, de Dior à Gaultier, la haute couture pour l’automne-hiver 2003/2004 a plus que jamais donné à rêver en quatre jours de défilés menés tambour battant, la saison se révélant riche en idées et en panache.La haute couture, qui sert surtout, compte tenu du nombre restreint de ses clientes, à faire vendre des parfums, des sacs et du prêt-à-porter, a prouvé...