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Le système - Radioscopie express d’une ostéoporose 10 452 km2, moins combien ?


Le règne du désordre. Examinons-le un peu. Dans l’ordre :
1 – L’essentiel, pour commencer. C’est ce que proposent la logique et la Constitution. Qui, dans son préambule, nous avertit que la République se fonde, condition vitale, sur « le respect des libertés publiques et, en premier lieu, la liberté d’opinion et de conscience ».
Or la liberté de croyance, mère de toutes les libertés elles-mêmes nourrices des droits de l’homme, n’a chez nous qu’une consistance réduite. Ce qui revient à relativiser un principe absolu. En effet, au niveau spirituel, qui représente le palier le plus élevé de l’intime conviction, seul le monothéisme a droit de cité. La libre pensée agnostique, l’athéisme, le panthéisme, toutes les formes de paganisme sont strictement prohibés. Passibles de poursuites pénales, s’ils sont publiquement professés. Ainsi les adeptes du Maharishi (Haré Krishna) ont-ils été combattus et refoulés. Même certaines déviations monothéistes, assimilées à des sectes, sont réprimées par l’État qui se fait, dans ce cadre, le bras séculier des autorités religieuses reconnues. Ce fut le cas jadis, dans les années soixante, pour l’« Église » administrée par un personnage haut en couleur, Georges Geahchane, par ailleurs franc-maçon. Les cheikhs et les prêtres s’étaient ligués contre lui et l’avaient traîné devant les tribunaux. Quant aux satanistes, s’ils sont repérés, ils sont jetés en prison, sans autre forme de procès. Soyons précis : ce dernier cas peut se comprendre, dans la mesure où le satanisme est en soi un appel au crime, ce que le code pénal condamne.
Mais à part cette exception, il est évident qu’il est interdit d’interdire. On dira qu’il ne faut pas exagérer. Que dans ce pays, chacun est en réalité vraiment libre de penser ce qu’il veut. Sauf qu’il n’a pas le droit de professer une opinion contraire au monothéisme ou au prétendu pacte national dit de Taëf. Or sans corollaire de droit d’expression, la liberté d’opinion n’a aucun sens social. Et l’homme est un animal social avant tout. C’est ce que Voltaire enseignait, lui qui lançait en substance à l’un de ses adversaires : « Je hais totalement ce que vous dites, mais je me ferais tuer pour que vous gardiez le droit de le dire. »
2 – Bien entendu, les opposants qui gravitent dans l’orbite des religieux pour militer en faveur des libertés n’évoquent pratiquement jamais la liberté de croyance, pour première qu’elle soit. Ils insistent par contre sur la souveraineté. Sans se rendre compte qu’au fond, cet argument leur est tout contraire. Parce que, bien avant la présence étrangère, la souveraineté de l’État libanais s’est trouvée altérée (avec son consentement, ce qui prouve qu’il n’est pas un État-nation) par les communautés religieuses. Qui se sont arrogé les fondements mêmes de l’édifice public en se réservant l’exclusivité de ce que l’on appelle les statuts personnels. Les naissances, la mort, le mariage, le divorce, la garde des enfants de couples séparés, la tutelle d’orphelins, les modalités des dévolutions successorales obéissent à leurs règles intérieures. L’État, se mettant à genoux dévotement devant les communautés, leur accorde le droit extraordinaire, unique sinon inique, d’une administration publique parallèle, que couronnent de vrais tribunaux. C’est donc un État dans l’État, comme du temps de Arafat, qui ronge la société civique. L’emprise est si forte que lorsqu’un président de la République, Élias Hraoui, a tenté d’instituer le mariage civil, il s’est retrouvé à deux doigts d’une révolution blanche. Bien qu’il eût pris la précaution d’indiquer que cette option resterait facultative. Alors, la souveraineté de l’État libanais, parlons-en...
3 – Tant que les vraies structures publiques restent bâties de la sorte, il est évident qu’il est vain de prétendre œuvrer pour un État de droit et des institutions. Dans le même ordre d’idées, il est non seulement illusoire mais aussi dangereux de songer à abolir le confessionnalisme politique. Qui n’est finalement pas une cause, comme le laisse entendre Taëf, mais un effet (finalement secondaire) d’un consensus si trouble que peu de pôles ou de chercheurs, même à gauche, se risquent à analyser. Et encore moins à traiter.
4 – On le voit, l’opposition a de quoi faire son mea culpa, car sa défense des libertés et de la souveraineté est pour le moins incomplète. Mais les loyalistes, du reste complices sur les points opaques cités, ne sont évidemment pas en reste. Sur le reste, qui est plus connu. Un exemple récent : face aux pressions US, nous apprend Khalil Fleyhane, les autorités libanaises s’efforcent de montrer patte blanche. Il n’y a pas d’armes de destruction massive, pas de cellules terroristes. Pas de camps d’entraînement non plus. Là, les responsables lancent le bouchon un peu trop loin. Pour ne pas faire trop long, posons la question ainsi : l’État libanais peut répondre de quelles portions de son territoire, au juste ? Des zones contrôlées par les frères syriens, des fiefs du Hezbollah ou d’Amal, des camps palestiniens ?
Tant qu’il y aura un Abou Mahjane bien au chaud à Aïn el-Héloué, un Toufayli qui court dans la nature, des îlots d’insécurité multiples, l’État libanais, plutôt que de fournir des réponses bidons aux 26 questions de l’Onu, devrait s’interroger lui-même, plus sérieusement, sur sa politique. Et sur notre avenir.
Jean ISSA
Le règne du désordre. Examinons-le un peu. Dans l’ordre :1 – L’essentiel, pour commencer. C’est ce que proposent la logique et la Constitution. Qui, dans son préambule, nous avertit que la République se fonde, condition vitale, sur « le respect des libertés publiques et, en premier lieu, la liberté d’opinion et de conscience ».Or la liberté de croyance, mère de...