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Hara-kiri


Pris chacun séparément, les hommes et la femme de KC (on ne sait même plus comment Kornet Chehwane s’écrit...) sont, pour plusieurs d’entre eux, des candidats sérieux et espérés pour un changement politique radical, dans le fond comme dans les formes, qu’attend la quasi-totalité des Libanais, et indispensable pour le redressement du Liban. Ensemble mais abandonnés par un (indispensable) Walid Joumblatt obnubilé, tétanisé, par les vents du Nord et qui a décidé de préférer Charybde à Scylla, à moins que ce ne soit l’inverse ; ensemble mais embourbés dans des considérations régionales, électorales ou individuelles ; ensemble mais handicapés, paralysés, saucissonnés comme un vulgaire salami, presque drogués, par le pouvoir et son tuteur syrien, les membres du principal pôle de l’opposition en sont réduits, depuis des mois et des mois, à se contenter, une fois de temps en temps, d’un communiqué rachitique et poussif, d’une excursion pèlerine à Bkerké, d’un déjeuner entre copains à Bteghrine.
Heureusement, il y a Michel Murr.
L’ancien faiseur de rois des années 90, le chouchou de Baabda, le protégé de Hafez el-Assad, le « superministre abadaye », maestro dans l’édification et la fortification de l’État de non-droit, fossoyeur, en son temps, des institutions, de la justice, de la démocratie et des libertés, ne cessera jamais de « bien » faire. Il a eu le week-end dernier, en son joli village de Bteghrine – qu’il a su transformer, pour des besoins électoraux, en véritable ilôt de sécurité qui n’a finalement rien à envier à n’importe quel camp palestinien –, la « bonne » idée de bafouer, une nouvelle fois, les principes les plus élémentaires d’une République.
L’idée est bonne, très bonne. Parce qu’en empêchant des députés et autres personnalités politiques rivales de se rendre chez son ennemi juré, son frère, l’âme damnée du régime a ôté, avec beaucoup de talent, le dernier vernis de crédibilité au pouvoir. Sciant de ce fait sans pitié la branche, somme toute assez confortable, sur laquelle ce pouvoir s’était vautré. Michel Murr est ainsi devenu le premier à pouvoir se vanter d’avoir agencé la première véritable tentative de suicide involontaire du régime. Et ce ne sont pas ses dénis télévisés qui y changeront quoi que ce soit, bien au contraire.
L’effet boule de neige est impressionnant.
Le chef des services syriens de renseignements au Liban ne s’est pas privé, dit-on, de rappeler, avec le ton (de gouverneur très agacé) qui sied à l’occasion, à Élias Murr qu’il est ministre de l’Intérieur avant d’être le fils de son père. Ce que ce dernier s’est empressé de faire, en public, dans un joli numéro de héros tragique cornélien partagé entre le sang et le devoir, sans reconnaître toutefois qu’il aurait dû, prévenu qu’il était à l’avance du déjeuner et connaissant son père, se rendre personnellement à Bteghrine pour veiller au bon et naturel déroulement des choses. Cerise sur le gâteau, il a quand même trouvé opportun de parler, à propos de ce déjeuner organisé à deux mètres de chez son père par un autre fils du village, son oncle, de provocation. Dans n’importe quel pays, le ministre de l’Intérieur aurait démissionné. Pas ici. Ici, force est de parier que cette fois, les bras armés du responsable seront très vite jugés puis emprisonnés. Mais pas le responsable.
Plus encore : l’agacement syrien a été tellement fort que le chef de l’État a, pour la première fois, condamné avec virulence un des faits d’armes du beau-père de sa fille. Pour la première fois, le locataire de Baabda a consenti à reconnaître – entraîné certes par sa volonté, légitime, de résorber la plaie et d’empêcher toute récupération de l’incident de Bteghrine – que l’action politique « doit rester à l’abri de toute pression, pour qu’elle continue d’être responsable, de participer à la sauvegarde de l’intérêt supérieur du pays à travers la pérennité du système parlementaire démocratique et à travers le respect des libertés d’opinion et de croyance ». Les mots sont bien beaux, mais personne ne fera l’affront au chef de l’État de l’applaudir quand il fait son devoir. Même si ce que l’on attend de lui, ce ne sont pas des condamnations stériles, pas même des actes (ils seraient la moindre des choses), mais une contribution décisive à l’assainissement de la praxis politique, par une lutte sans merci contre les dérives miliciennes et mussoliniennes, surtout lorsqu’elles sont l’œuvre de ses lieutenants. Il ne l’a jamais fait, pourra-t-il commencer à y travailler, un an avant la fin de son mandat ?
D’ailleurs, le fait que cette tentative de suicide du régime par une des principales icônes loyalistes (bientôt sacrifiée ?) ait entraîné une bronca chez tous les loyalistes (même Nabih Berry s’est souvenu qu’il est le chef du Parlement) à l’exception d’un Rafic Hariri plus Bianca Castafiore que jamais, ne devra pas encourager l’opposition à se contenter, comme d’habitude, d’une réaction conjoncturelle, aussi forte ou intelligente soit-elle. Ni l’empêcher de commencer à retrousser ses manches autrement qu’elle ne le fait aujourd’hui, à bâtir, réunie d’Est en Ouest, sur ce hara-kiri qu’un Japonais kamikaze en 1945 n’aurait pas renié.
Même si ce Japonais, lorsqu’il s’ouvrait le ventre, le faisait pour une idée, un honneur.
Ziyad MAKHOUL
Pris chacun séparément, les hommes et la femme de KC (on ne sait même plus comment Kornet Chehwane s’écrit...) sont, pour plusieurs d’entre eux, des candidats sérieux et espérés pour un changement politique radical, dans le fond comme dans les formes, qu’attend la quasi-totalité des Libanais, et indispensable pour le redressement du Liban. Ensemble mais abandonnés par un...