Rechercher
Rechercher

Actualités

Le ministre de l’Intérieur applaudit à la décision du procureur sur l’incident de Bteghrine Addoum met aux arrêts cinq éléments des FSI, dont un colonel, pour tentative de fausser l’enquête

C’est un véritable séisme qui s’est produit hier au palais de justice. Au bout de près de dix heures d’enquête, le procureur général, M.Adnane Addoum, a annoncé sa décision : la mise aux arrêts du colonel Talal Saad, chef de la division de Jdeidé, du capitaine Ibrahim Antoun, responsable de l’unité de Bickfaya, de Jacques Jabbour, chef du commissariat de Bteghrine, de l’adjudant Hussein Mohieddine, membre de ce commissariat, et de Jamil Saliba, agent de la police municipale de Bteghrine. Les civils ont été maintenus en état d’arrestation pour les besoins de l’enquête et les photographes sont demeurés libres. Le procureur n’a pas manqué de souligner que, contrairement à ce qu’on entend çà et là, la justice connaît son devoir et sévit contre ceux qui violent les lois, quelle que soit leur fonction... ou leurs appuis.
L’enquête n’était pas facile à mener. Comme à chaque fois que les politiciens se retrouvent en pleine crise, ils rejettent l’affaire sur la justice, chargée de trouver une issue plus ou moins acceptable. Entre la féroce campagne menée par l’opposition et la version avancée par M. Michel Murr, sans compter les pressions du climat politique général, l’avocat général, Mme Rabiha Ammache Kaddoura, avait fort à faire. Elle a préféré mener tranquillement son enquête, indifférente au fait que toute la classe politique avait les yeux fixés sur elle. Les citoyens, eux, étaient plus blasés, convaincus que l’affaire sera rapidement classée.
Mme Rabiha Ammache Kaddoura a commencé par entendre les membres des FSI, convoqués pour 10 heures : d’abord le colonel Saad, ensuite le capitaine Antoun, l’adjudant chef Jabbour, l’adjudant Mohieddine, le policier Saliba et le sergent Georges Kallas (ce dernier a été laissé en liberté sous caution d’élection de domicile). Ces hommes avaient été chargés de l’enquête préliminaire, dès que l’incident avait eu lieu à Bteghrine, en tant que membres de la police judiciaire et ce sont eux qui ont établi les premiers procès-verbaux.
L’avocat général a ensuite entendu les deux photographes molestés ce fameux samedi, MM. Wissam Moussa, du Nahar et Ahmed Azakir du Moustaqbal, avant d’interroger les six personnes arrêtées, Jean Saliba, Nagib Saliba, Chadi Saliba, Karim Murr, Wissam Samaha, Antoine Saliba et Élias Samaha. Elle a aussi procédé à des confrontations entre les uns et les autres, tout cela sous la supervision du procureur général, M. Adnane Addoum. Il fallait aussi qu’elle fasse vite, puisque aujourd’hui, elle doit entamer l’enquête sur la banque al-Madina. Mais à mesure que les heures passaient, les visages des éléments des FSI commençaient à s’allonger, et lorsqu’un des membres du service de sécurité a demandé le téléphone portable du capitaine, soi-disant pour vérifier quelque chose, tout le monde a compris que l’enquête était réellement sérieuse.
Selon les informations recueillies çà et là, les témoignages des photographes, accompagnés du président de leur syndicat, auraient été accablants pour les partisans de M. Michel Murr. Le photographe du Moustaqbal garde d’ailleurs encore des traces des coups reçus sur la place de Bteghrine, après avoir pris des instantanés de l’autobus bloquant la route principale, officiellement tombé en panne, mais visiblement abandonné sur place. D’ailleurs, les malheurs de Ahmed Azakir ont été décuplés parce que les partisans de Michel Murr voulaient lui arracher son film, alors que sa caméra était numérique. Il a fallu du temps et quelques coups supplémentaires, selon les informations recueillies, pour qu’ils comprennent le fonctionnement de ce matériel. Wissam Moussa, lui, était venu du domicile de Gabriel Murr pour photographier la crevasse qui coupait la largeur de la route secondaire. Un drôle d’égout, aurait-il constaté, qui coupe carrément la route, dans toute sa largeur... Et pendant qu’il prenait les photos, il a vu arriver Nassib Lahoud, qu’une voiture envoyée par Gabriel Murr attendait de l’autre côté de la crevasse. C’est alors que des coups de feu auraient été tirés, semant la panique, au moment où les partisans des deux frères Murr échangeaint coups et insultes.

Omission de faits
et fausses déclarations
Mme Rabiha Ammache Kaddoura a entendu toutes ces versions, mais il a fallu attendre la fin de son enquête pour apprendre que le procès-verbal de l’enquête préliminaire, menée par les membres de la police judiciaire omettait de nombreux faits et frisait la falsification, sans compter que ceux qui étaient chargés de l’enquête avaient pris l’initiative d’arrêter certaines personnes sans en référer au parquet. Ce serait d’ailleurs là, comme l’a expliqué le procureur Addoum, la raison de leur mise aux arrêts et du fait qu’ils ont été déférés devant la justice civile, et non devant le parquet militaire.
Le dossier sera dès demain aux mains du procureur général près la cour d’appel du Mont-Liban. C’est lui qui décidera s’il doit lancer des mandats d’arrêt à leur encontre ou les remettre en liberté, sous caution d’élection de domicile ou non.
Quant aux six civils arrêtés, ils auraient aussi fait des déclarations mensongères, visant à fausser l’enquête. Et les confrontations entre eux et certains éléments des FSI ainsi qu’avec certains témoins auraient été concluantes à cet égard. C’est pourquoi ils ont été maintenus en état d’arrestation. C’est le procureur du Mont-Liban qui décidera s’il faut élargir l’enquête et entendre d’autres personnes, comme les députés Michel Murr ou Nassib Lahoud. Selon certaines informations, ces deux personnalités auraient avancé des informations fausses, l’officier de l’armée Nadim Saliba, accusé par M. Lahoud de ne pas être intervenu, alors que son frère tirait des coups de feu pour intimider les personnalités, habiterait en fait dans la région et il n’est pas le frère d’Élias Samaha, le « tireur de Bteghrine ». Michel Murr aurait, lui, minimisé le nombre de ses partisans accourus à l’arrivée de Nassib Lahoud...
Bref, beaucoup de détails restent encore à vérifier et l’enquête est loin d’être close. Mais ce qui est sûr, c’est que la décision du procureur général, qui affirme n’avoir reçu « aucune instruction de qui que ce soit et avoir agi selon sa conscience et la loi », a produit l’effet d’un électrochoc. Pour la première fois, les éléments des FSI se rendent compte qu’ils peuvent être ouvertement condamnés pour faute professionnelle, même s’ils sont haut gradés. Car, jusqu’à présent, des mesures de ce genre, lorsqu’elles étaient prises, se faisaient dans la plus grande discrétion. Quelle que soit l’issue de cette enquête, elle aura quand même eu ce mérite. Pour se convaincre de l’importance de cette décision, il n’y avait qu’à voir la réaction des gardiens du Palais de justice qui ne parvenaient pas à cacher leur désapprobation. Par contre, le ministre de l’Intérieur, M. Élias Murr, s’est empressé de saluer la décision du procureur, affirmant qu’elle confirme ses propos qu’il n’existe aucune couverture, pour qui que ce soit.
Scarlett HADDAD
C’est un véritable séisme qui s’est produit hier au palais de justice. Au bout de près de dix heures d’enquête, le procureur général, M.Adnane Addoum, a annoncé sa décision : la mise aux arrêts du colonel Talal Saad, chef de la division de Jdeidé, du capitaine Ibrahim Antoun, responsable de l’unité de Bickfaya, de Jacques Jabbour, chef du commissariat de Bteghrine,...