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CULTURE ALTERNATIVE - Expression musicale et sociologique de l’électronique La techno, comme le phare d’Alexandrie, attire les papillons de nuit (photo)

Sur une plage, à 15h. Des têtes rasées et des nombrils « piercés » suivent la cadence folle de la musique dont les battements par minute vont plus vite que ceux du muscle coronarien. Près du bar, une bonne centaine de jeunes sirotent leur drink en bougeant la tête, du haut vers le bas. Enchevêtrement des corps. Le bruit (dixit les initiés) de la techno, comme le phare d’Alexandrie, attire les papillons de nuit et la jeunesse mondiale franchit les frontières pour se rendre à ses raves, fêtes qui, du point de vue des autorités politiques (surtout européennes) prennent des allures de sabbat maléfique.
Vers 19h, alors que la Beach Party commence à éteindre ses feux pour mieux les rallumer un peu plus tard, lors d’une fiesta qui durera jusqu’à l’aube, plusieurs secouristes s’affairent autour des corps étendus sur le gazon. Le cocktail détonant de soleil, chaleur, alcool, estomacs vides et certaines pilules qui, selon un témoin oculaire, se distribuaient comme des Smarties en a mis KO plus d’un. Ce scénario se déroule sous nos latitudes. Mais il est presque le même partout dans le monde. La techno a mauvaise réputation. Elle sent le soufre et même la sulfate. Elle est souvent associée aux raves parties, qui sont à leur tour liées à la prise de substances illicites. Au Liban, le mouvement techno est encore très contenu. Les raves parties telles que pratiquées en Europe ou Ibiza-style prennent, là, la forme embryonnaire d’une Beach Party ou d’une soirée dans des clubs underground.
Mais la techno c’est aussi tout un mouvement culturel. Avec des prolongements créatifs dans l’univers de la vidéo et des arts plastiques, la techno fourmille de tendances délimitées par des différences de rythmes calculés en BPM (de 115 à 180 battements par minute) : de la house, filon originel, au hardcore en passant par le garage, la jungle, la trance ou l’ambient. Qualifiés souvent de « musiques du présent », les titres techno, créés dans leur majeure partie sur un simple ordinateur, hors studio, sont basés essentiellement sur des rythmes répétitifs et hypnotiques rappelant les musiques de méditation du répertoire ancestral tibétain ou d’Afrique noire.
Alors, la techno, ange ou démon ?

Les raves parties
Favorisant l’introspection et l’harmonie intérieure, selon ses défenseurs, la techno s’accompagne d’une idéologie basée sur la tolérance et la liberté la plus totale, sur laquelle s’arc-boutent les extrémistes du mouvement, adeptes des « free parties », héritières des « raves » du début des années 90, organisées volontairement sans autorisations ni mesures élémentaires de sécurité.
Le mouvement techno s’est scindé en deux groupes : d’un côté les « free parties » et de l’autre les soirées autorisées et les festivals comme la Techno Parade. Si la techno, la vraie, celle qui se réclame des origines américaines, est diffusée autant dans les discothèques que dans les festivals, elle ne l’est pas du tout dans les « free parties » qui préfèrent le hardcore et la jungle.

Amalgame
Pour Henri Maurel, président de Radio FG, réseau français qui participe à la création et la diffusion des musiques électroniques, « le propre de la scène techno est d’être en mouvement créatif perpétuel ». Reconnue dans le monde entier, la « French Touch » en témoigne.
« La pire des choses est de marginaliser le mouvement techno, ce qui multiplierait les comportements à risques. L’attitude de Nicolas Sarkozy est exemplaire en ne se contentant plus de l’interdiction mais d’engager le dialogue et de permettre la responsabilisation des organisateurs », affirme Henri Maurel.
Autre cheval de bataille pour les représentants légalistes du mouvement techno : « Lutter contre l’amalgame facile entre musiques électroniques et prises de drogues ».
« Dès que l’on aborde l’univers festif, la prise de substances diverses, y compris l’abus d’alcool, est évoquée. La consommation et la jouissance de musiques électroniques n’ont pas besoin d’excitation artificielle. Basé sur des cas particuliers, l’amalgame est un raccourci démagogique et masque en fait une espèce d’intolérance envers les jeunes qui prive de toute capacité de dialogue préalable à l’information et la prévention des risques », estime Henri Maurel.
Phénomène sociologique autant que musical, la techno possède presque autant de farouches défenseurs que de détracteurs. Mais même ces derniers ne pourront nier que cette musique apparaît aujourd’hui comme l’une des principales expressions artistiques, sur tous les continents, de la démocratisation de l’ordinateur.
Bref historique
La techno a quatorze ans. En 1989, Detroit est un désert : usines abandonnées, ouvriers au chômage. C’est donc là que les DJ Derrick May, Carl Graig, Jeff Mills, Juan Hawtin inventent la techno. Ils popularisent dans des fêtes souvent improvisées une nouvelle forme de musique à base d’échantillons sonores (sample), de sons électroniques, de boîtes à rythmes, le tout mixé sur un ordinateur. La cadence calculée en battements par minute (BPM), la nature des sons plus ou moins « acides », l’absence de voix caractérisent cette musique sans instrument ni partition, qui ne s’intègre ni dans les courants de la musique contemporaine, ni dans le moule des mélodies à message. Les premiers DJ ont puisé dans le vieux fonds de la mémoire collective : jazz, rock, rhythm’n’blues, disco surtout. Le mouvement lancinant des machines s’étant tu, les DJ ont senti comme un vide envahir Detroit. Ils ont alors adopté le principe d’une structure en boucles bien cadencées pour célébrer aussi cette libération de l’homme de sa chaîne de travail. Il ne s’agit encore que d’un courant musical, une variante de la musique house telle qu’elle s’était développée dans les clubs de Chicago.
C’est son passage sur le Vieux Continent qui va en faire un mouvement musical à part entière. La techno se développe dans tous les lieux de crises, sociale, militaire, politique. En Europe, elle prend racine à Sarajevo ou avec la guerre du Golfe. En Asie, avec l’effondrement des systèmes économiques : Bangkok, Phnom Penh, Tokyo dansent aujourd’hui sur les rythmes technos. Beyouth by night aussi.
Références sur l’Internet
- Astalatechno référencie 67 sites placés sous différentes catégories. Il y a là des liens vers des : agences de booking, artistes et DJ, clubs et évènements, Djs, magasins pour matériel techno, forums de discussion, labels, logiciels, musiques format MP3, radios, TV et magazines…
http://astalatechno.armanax.com
- Sur http://lui.france-techno.com/, on peut télécharger des MP3 techno, des titres comme Psychedelic Transe.
- www.technomusic.com : des MP3 non disponibles sur le marché à télécharger gratuitement.
La techno telle qu’on la parle
La culture techno utilise un vocabulaire très particulier dont voici un rapide glossaire :
- BPM : « battements par minute » dont le nombre rythme le tempo d’un morceau. Certains morceaux peuvent monter jusqu’à 160 BPM.
- Chill out : le lieu destiné à la relaxation dans une rave, permettant de décompresser un peu à l’écart de la fête.
- Flyer : ces programmes de soirées photocopiés ou imprimés qui font connaître les événements, en indiquant les numéros des infolines à contacter.
- House : synthèse de toutes les expressions de la dance music des années 60. Elle apparaît au début des années 80 à Chicago dans un entrepôt transformé en club, « The warehouse », d’où son nom. Certains attribuent l’origine du nom « house » (maison) au fait que les musiciens qui disposent de studios portables peuvent travailler à la maison.
- Les autres expressions de la techno sont le garage, le hardcore, la jungle, l’électro, la trance, l’ambient...
- Infoline : c’est par ces lignes téléphoniques qui aboutissent sur un message enregistré que les organisateurs dévoilent au dernier moment le lieu des raves non autorisées.
- Rave, ou rave party : (de l’anglais rave : s’extasier, délirer) au départ, terme qui désigne une fête de musique techno.
Depuis l’évolution de la législation, les « ravers » établissent souvent un distingo. Ils désignent par le mot « free party » la fête improvisée sans demande d’autorisation préalable qui a généralement lieu dans des sites inusités comme un champ, un hangar ou un entrepôt désaffecté.
Le terme « rave party » restant utilisé pour la fête ayant préalablement fait l’objet d’une demande d’autorisation auprès des pouvoirs publics.
- Road ravers ou travellers : des passionnés de free qui se déplacent de fête en fête tout l’été. Ils sont soupçonnés d’être les pourvoyeurs itinérants de la drogue qui circule dans les raves.
- Techno : appellation générique désignant les musiques électroniques. Toujours instrumentale, elle comprend une infinie variété de sous-genres dont le plus connu est la house.
- Teufeur : participant à une « free-party » ou à une soirée légale.

Maya GHANDOUR HERT
Sur une plage, à 15h. Des têtes rasées et des nombrils « piercés » suivent la cadence folle de la musique dont les battements par minute vont plus vite que ceux du muscle coronarien. Près du bar, une bonne centaine de jeunes sirotent leur drink en bougeant la tête, du haut vers le bas. Enchevêtrement des corps. Le bruit (dixit les initiés) de la techno, comme le phare...