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La patience de Job à l’épreuve des coupures de courant

On se demande à bon droit, dans certains milieux politiques, si la crise énergétique de l’EDL a été utilisée comme prétexte par les adversaires du Premier ministre, pour exercer un surcroît de pression sur lui, ou s’il s’agit d’un épisode fortuit de l’incurie administrative qui a dégénéré et conduit à parler de nouveau de réformes.
À cette question rhétorique, une source informée répond que c’est le désaccord sur une solution temporaire à la pénurie de fuel qui a conduit à la confrontation politique. Au commencement, précise cette source, il y avait la décision de principe de relever le montant de l’abonnement au compteur dans le but d’assurer les 40 milliards de LL nécessaires pour assurer le carburant jusqu’à la fin de l’année, après le refus catégorique opposé par le ministère des Finances à une avance du Trésor.
Aux partisans gouvernementaux de ce palliatif se sont opposés ceux qui, dans les hautes sphères du pouvoir, étaient hostiles à cette mesure impopulaire et jugeaient qu’il est de la responsabilité de l’Exécutif d’assurer la continuité de ce service public et de ne pas plonger le Liban dans le noir, et par là même de faire perdre la face au régime.
C’est donc ce profond désaccord sur la solution à donner au manque de fuel qui a conduit, de fil en aiguille, certains responsables à proposer, comme alternative à l’avance du Trésor qui leur était refusée et à l’apparente impasse où s’était engagé le Trésor, à demander que les comptes généraux de la gestion de l’EDL soient ouverts et que soient jugés, au niveau adéquat, administratif ou judiciaire, ceux qui par leurs agissements ont contribué à la situation actuelle.
Cette mise en demeure est intervenue à l’heure où des échéances constitutionnelles approchent et où il est question de reconduction du mandat présidentiel. De là à lier les deux situations, il n’y avait qu’un pas que certains n’ont pas hésité à franchir. Pourquoi, s’est-on demandé, a-t-on attendu aujourd’hui pour enquêter sur ces irrégularités, du moment qu’on savait qu’elles existaient ? Le régime a-t-il donc l’intention d’en revenir à l’atmosphère qui régnait dans le pays après l’élection du président Lahoud, en 1998 ? Se prépare-t-on à mettre un ministre ou un directeur général en prison, comme on l’a fait alors ?
Aux yeux des Libanais, cependant, aussi urgente que soit la réforme politique, cette question ne saurait éclipser les besoins immédiats en courant électrique, l’alimentation ne pouvant attendre que s’achèvent les enquêtes administratives. C’est la raison pour laquelle on a opté, en Conseil des ministres, pour un « moyen terme », à savoir l’autorisation accordée à l’EDL à contracter un prêt auprès des banques privées ainsi qu’une série de mesures destinées à réduire le vol du courant électrique, grâce à une perception plus musclée des factures et au débranchement des lignes illégales.
Les questions qui se posent désormais sont les suivantes : quelles sont les banques privées prêtes à accorder des crédits à l’EDL et à quels taux ? Le feront-elles sans une garantie de la BDL ? Un accord en ce sens aura-t-il été conclu, d’ici au 4 septembre, date du prochain Conseil des ministres ? Sinon, quelle alternative s’offrira-t-elle au gouvernement ? Et remettra-t-on en vigueur le sévère programme de rationnement qui avait commencé à être appliqué ?
Par ailleurs, va-t-on reprendre certaines des solutions préconisées par le PDG de l’office, Kamal Hayeck, comme l’augmentation des charges fixes, et même le report du paiement de la TVA par l’office ?
Allant plus loin, une source ministérielle estime que le recours au secteur bancaire privé pourrait être le premier pas vers la privatisation de l’EDL par une société que formeraient les diverses banques créditrices, en cas de défaut de paiement de l’office.
Bref, tout porte à croire que le mois de septembre s’annonce chargé pour le pouvoir qui sera confronté à des échéances particulièrement significatives : l’électricité, bien entendu, le budget 2004, qui est en étroit rapport avec le forum Paris II et la question de la privatisation du téléphone cellulaire, les préparatifs d’un cahier des charges pour la collecte des déchets solides, après la rupture du contrat avec Sukleen, les préparatifs des municipales du printemps 2004 et, à l’horizon, l’élection présidentielle. Toutes ces échéances parviendront-elles à pousser le Premier ministre Rafic Hariri hors des retranchements et à lui faire perdre ce qu’il prétend avoir : la patience de Job ?

Émile KHOURY
On se demande à bon droit, dans certains milieux politiques, si la crise énergétique de l’EDL a été utilisée comme prétexte par les adversaires du Premier ministre, pour exercer un surcroît de pression sur lui, ou s’il s’agit d’un épisode fortuit de l’incurie administrative qui a dégénéré et conduit à parler de nouveau de réformes.À cette question rhétorique,...