Rechercher
Rechercher

Actualités

INSOLITE - Un expert suisse prêt à accueillir le reptile dans son zoo de Halate Le « dragon » de Rabieh ne serait qu’un inoffensif iguane

Jusqu’à hier soir, les membres de la Défense civile de Jdeidé et de la municipalité de Rabieh continuaient d’effectuer des patrouilles dans les quartiers de cette banlieue chic de Beyrouth. Ils ne se sont pas lassés de monter la garde en deux points, le petit bois non loin de La Collina et la rue 11, où le « dragon de Komodo » avait effectué une dernière incursion dans la nuit de jeudi à vendredi dans une villa.
Selon le chef des volontaires de la Défense civile de Jdeidé, Chéhab el-Raï, le varan de Komodo s’était acharné sur les fleurs, avait piétiné la pelouse et plongé dans la piscine. La semaine dernière, il s’était rendu à plusieurs reprises dans une villa voisine, à la rue 11, où deux poulets, deux pigeons et un chat avaient disparu. « Le dragon avait également mangé les nénuphars qui poussent dans le bassin », indiquent les témoins. Dans le quartier de La Collina, le reptile, long de deux mètres et demi, selon les témoins oculaires, avait mangé un chat, tué trois autres en les mutilant et en les consommant à moitié. Ce saurien, toujours selon ces témoins, avait blessé un chien en lui portant un violent coup de queue. Et, il a laissé les traces de ses pattes et de ses griffes sur le gazon des pelouses et le sol des buissons. Selon les rares témoins oculaires, ce reptile géant mesurerait 2,5 mètres et aurait une couleur brunâtre, légèrement tachetée de jaune.
L’Orient-Le Jour a fait appel à un expert suisse, Thomas Brogle, qui possède la maison Zeder, à Halate, un zoo qui accueille douze types de reptiles. M. Brogle, qui vit entre le Liban et la Suisse, était en Argovie, en Suisse allemande. Nous avons pu le joindre au téléphone, pour lui soumettre toutes nos informations. Pour lui, il n’y a aucun doute, le « dragon » de Rabieh, le prétendu varan de Komodo, n’est que le représentant d’une rare espèce d’iguane d’Amérique latine.
Contrairement aux autres iguanes qui se nourrissent de petits insectes et de plantes, ce reptile est herbivore et charognard.
Les chats morts ont été entièrement ou à moitié consommés ? a demandé d’emblée M. Brogle. Rappelons que dans le petit bois proche de La Collina, trois chats avaient perdu et leur tête et leurs pattes. « Charognard, comme le varan, cet iguane doit tuer les animaux avant de les manger et il ne peut pas consommer entièrement en un seul repas, un chat entier, même s’il mesure deux mètres et demi », indique M. Brogle.
Mais un concierge l’avait vu engloutissant un chat. « La peur peut vous faire imaginer beaucoup de choses ; c’est un animal très rapide, il a dû attraper le chat et s’enfuir tout de suite car il a peur des hommes », a indiqué l’expert. D’ailleurs, lundi dernier, le « dragon » avait détalé quand il avait reçu un caillou sur la tête, lancé par Hussein, le concierge yéménite.
Comme tous les iguanes, ce reptile est rapide et agile. Il vit dans les buissons et creuse son terrier. « Il a peur des hommes, il est incapable de leur faire du mal ; il fuit s’ils le surprennent », relève M. Brogle, soulignant qu’il possède lui-même trois iguanes en Suisse, longs de 2,5 mètres chacun, et qu’ils jouent avec ses propres enfants.
Qu’en est-il des poulets et des pigeons disparus (dans le jardin de la villa de la rue 11) ? « Il a dû les tuer aussi. » L’expert suisse indique que cet iguane « aime l’eau douce et peut se rapprocher des bassins et des piscines pour se rafraîchir, voire se baigner ». « Sa queue est aussi longue que celle d’un varan. Elle est très puissante et peut blesser les animaux », dit-il. De fait, un chien a été blessé à Rabieh, dans la zone de La Collina.

Rabieh propice à la
reproduction des iguanes…
Peut-il manger de la viande empoisonnée et rester vivant ? La question fait rire l’expert qui souligne que « de la mort aux rats peut l’empoisonner et le tuer facilement ». Rappelons que dans la nuit de mardi à mercredi, selon les membres de la Défense civile, le reptile avait consommé du poison et avait lancé des cris durant plus de dix minutes. Deux jours plus tard, il décapitait et mutilait les chats.
Rappelons également qu’une habitante du quartier avait vu, il y a plus de six mois, à l’entrée de son immeuble, non loin du petit bois proche de La Collina, où le « dragon » avait été repéré lundi dernier, un iguane de trente centimètres. Cette apparition l’avait surprise. Et cette femme médecin sait reconnaître ce reptile car elle vivait à Houston aux États-Unis.
Est-ce que ce genre d’iguane peut gagner deux mètres en moins d’un an ? « Impossible. Cette variété d’iguane vit longtemps, entre 40 et 60 ans », relève M. Brogle.
Ses petits peuvent-ils mesurer 30 centimètres ? « Bien sûr, et même moins. D’ailleurs, il se reproduit comme le varan et l’iguane ordinaire, en pondant des œufs », indique-t-il.
Et s’il y avait un couple d’iguanes lâché à Rabieh, il y a quelques années, comme le prétend la rumeur qui circule depuis dix jours dans toute la localité ?
Selon l’expert, l’iguane peut vivre dans des buissons des années durant sans se faire remarquer. Cet iguane, importé d’Amérique latine, peut-il se reproduire à Rabieh ? « Très facilement, car la zone est boisée et la température annuelle moyenne dans cette région s’élève à 19°C. » « Et puis, il n’existe pas d’autres animaux, comme les hyènes et les faucons, qui peuvent le menacer », ajoute-t-il. La zone est donc propice à l’éclosion d’une véritable colonie de ce genre d’iguane, si un couple de ces reptiles géants a été lâché en pleine nature… « Pas à ce point », répond l’expert, soulignant que « la viande de l’iguane est très prisée par les chiens ».
Peut-on capturer facilement ce genre rarissime d’iguane ? Si les habitants de Rabieh ou les membres de la Défense civile tiennent à capturer ce reptile, « il leur faudra attendre l’aube ou le crépuscule », relève M. Brogle, soulignant cependant que pour que l’animal ne se débatte pas, ne s’enfouit pas et ne les blesse pas, il faut immobiliser sa longue queue. « Et on peut y parvenir en serrant le reptile contre son propre corps ou à l’aide d’une planche de bois », ajoute-t-il.
Pour y parvenir, une condition primordiale : ne pas avoir peur. Et ce n’est pas le cas de ceux qui chassent le « dragon » de Rabieh…
« Au Liban, j’ai vu des personnes tirer sur des animaux inoffensifs et si les gens ont peur, ils finiront par tuer le reptile géant «, indique M. Brogle, qui souligne encore que « cet iguane d’Amérique latine, charognard et herbivore, est incapable de faire du mal aux humains ». Et de lancer un appel à tous ceux qui veulent l’entendre : il aimerait accueillir cet iguane vivant dans son zoo de Halate, qui compte douze sortes de reptiles.
Hier en soirée, le ministre de l’Intérieur, Élias Murr, a donné l’ordre de ne tuer en aucun cas l’animal. Et si l’on repérait à Rabieh plusieurs individus de ce rare genre d’iguane d’Amérique latine, des couples, des familles ? Il y aura, inscrit noir sur blanc, dans l’encyclopédie universelle des animaux, les iguanes des Galapagos, les iguanes verts, ceux du désert… et les iguanes de Rabieh.

Patricia KHODER
Jusqu’à hier soir, les membres de la Défense civile de Jdeidé et de la municipalité de Rabieh continuaient d’effectuer des patrouilles dans les quartiers de cette banlieue chic de Beyrouth. Ils ne se sont pas lassés de monter la garde en deux points, le petit bois non loin de La Collina et la rue 11, où le « dragon de Komodo » avait effectué une dernière incursion dans la...