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TOURISME - Pour les ressortissantes arabes, ni perles ni pierres sombres mais des rubis et des diamants blancs La joaillerie scintille de tous ses feux à Bhamdoun(photo)

Inauguré le 11 juillet dernier, le souk des joailliers de Bhamdoun, une exposition à laquelle participent 21 joailliers libanais restera ouverte jusqu’au 15 septembre. Destiné principalement aux estivants arabes, Koweïtiens, Saoudiens, Qataris et Bahreïnis, qui séjournent dans cette localité du caza de Aley et ses environs, l’événement est censé familiariser les ressortissants du Golfe, dont certains ignorent l’importance d’une telle industrie au Liban, avec cet artisanat noble.

Vingt et un joailliers et non des moindres exposent donc leur travail à Bhamdoun. On voit là toutes sortes de modèles de colliers, de bagues, de bracelets, de montres et de parures. La tendance est au gros, au grand, au clinquant. Et les vitrines éblouissent, au sens propre du terme. Mais il ne faut pas oublier que tous les modèles sophistiqués, ou plus simples, exposés à Bhamdoun, obéissent à la tradition des lignes élégantes et du travail bien fait des ateliers libanais.
Oui, la clientèle arabe a un goût bien particulier. Sachez par exemple qu’elle n’achète pratiquement pas de perles ni de diamants noirs et qu’elle n’aime pas beaucoup les pierres semi-précieuses. Les femmes arabes apprécient les diamants blancs, les rubis ensuite et les émeraudes en troisième lieu. L’élégant saphir, bleu marine, n’a pas la cote chez elles. « Elles n’aiment pas ce qui est sombre, et quand elles voient des pierres noires, même des diamants, elles affirment qu’elles leur porteront malheur », indique une joaillière.
Elles apprécient aussi la turquoise et le corail, surtout quand ces pierres sont entourées de diamants. Elles aiment les grosses pièces et ont une préférence pour celles qui prennent les formes de fleurs, de papillons ou de libellules.
« Quand on pense à la clientèle arabe, on pense surtout à la couleur, à une profusion de couleurs dans une même pièce », rapporte un joaillier, soulignant que bien que les femmes arabes aient « une prédilection pour les diamants, elles aiment les mariages de ce noble cristal avec d’autres pierres précieuses. »
Montrant une délicate parure en diamant, véritable œuvre d’art qu’il n’a pas exposée dans sa vitrine, il indique que « ce genre de bijoux, malgré sa finesse et son élégance, ne trouvera pas un acquéreur originaire du Golfe à moins que cette personne ne vienne d’un milieu excessivement riche ou qu’elle ait passé beaucoup de temps en Europe ».
Le message est donc reçu. Mais qu’en est-il des ventes et du système de paiement ? De plus en plus, les ressortissants du Golfe utilisent les cartes de crédit, mais comme c’était le cas au cours des années soixante-dix et quatre-vingts, certains tiennent encore à payer leurs acquisitions dorées et brillantes en argent liquide.
Ces sommes payées en billets verts s’élèvent-elles à 500, 1 000 ou 1 500 dollars ? Un joaillier avouera qu’il a vendu récemment à Bhamdoun une pièce pour 17 000 dollars payés cash. Parfois aussi, quand la confiance s’installe entre le joaillier libanais et le client arabe, le paiement se fait directement par virement bancaire.
Et sachez que pour s’offrir des bijoux, les femmes arabes choisissent le plus souvent les pièces qu’elles veulent porter toutes seules, hors de la présence de leur père ou de leur époux. Qu’achètent-elles le plus à Bhamdoun ? Des montres, des boucles d’oreille et des bagues.
Et les parures ? Un grand joaillier sourit et explique que certaines parures exposées dépassent les 90 000 dollars et qu’elles ne se vendent pas très facilement ou très régulièrement. « Il faut attendre les mariages ou les occasions. La clientèle du Golfe a changé, et l’âge d’or de la joaillerie libanaise dans les pays arabes est révolu », indique-t-il, expliquant que « durant les années soixante et soixante-dix, au souk des joailliers de Beyrouth, puis au cours des années quatre-vingts, quand beaucoup d’artisans libanais exposaient leurs pièces dans les pays arabes, le marché était bien différent. » Et de poursuivre qu’à cette époque « les ressortissants du Golfe acquéraient des bijoux comme on achète n’importe quel bien de consommation abordable. En d’autres termes, comme on achète du pain. Ce n’est plus le cas actuellement ». Et puis l’achat d’une parure nécessite une ambiance calme et feutrée, une confiance certaine entre l’artisan et son client.
Les ressortissants arabes achètent donc moins de bijoux et marchandent de plus en plus, au point que certains joailliers indiquent qu’ils sont en train de vendre parfois au prix de revient.
Si on entend une certaine grogne provenant de la quasi-totalité des joailliers à Bhamdoun, ce n’est pas parce que la joaillerie libanaise – l’un des produits qui s’exporte le mieux à l’étranger – se porte mal, mais parce que la saison ne s’annonce pas comme ils l’avaient prévue.
Tous vous indiqueront que 60 % de leur clientèle est formée de Koweïtiens. Or selon leurs dires, cette année, les ressortissants de l’émirat ne sont pas venus en masse au Liban, comme c’était le cas au cours des dernières années. « Les Koweïtiens ont boudé le Liban cette année pour des raisons politiques, à cause de la position libanaise adoptée durant le sommet arabe, à la veille de la guerre d’Irak », relèvent plusieurs joailliers interrogés.
Qu’en est-il des autres ressortissants arabes ? « À Bhamdoun, la clientèle est surtout formée de la classe moyenne, et non de ces ressortissants du Golfe que l’on croise à l’hôtel Phoenicia ou à l’exposition de joaillerie qui s’était tenue récemment au Biel », relèvent plusieurs joailliers, appelant à l’organisation d’une seule exposition de ce genre en été au Liban et expliquant que « de cette manière, l’activité sera plus centralisée et le client ne pourra qu’acheter. »
N’empêche que le souk de joaillerie de Bhamdoun aidera les nobles artisans libanais à se faire connaître auprès des Qataris et des Bahreïnis qui passent une partie de l’été dans la région.
Certains d’entre eux ignoraient complètement que le Liban avait une importante production de bijoux.
Croisée à Bhamdoun, une ressortissante qatarie en villégiature à Aley indique que « c’est grâce à une exposition de joaillerie organisée l’hiver dernier au Qatar que j’ai su que les Libanais étaient connus pour leur travail de l’or ». L’hiver dernier, elle n’a rien acheté, préférant profiter de son séjour estival au Liban pour acquérir quelques pièces. « C’est simple, si j’achète de l’or travaillé sur place, il sera moins cher que les bijoux libanais exposés dans mon pays », explique-t-elle.
C’est aussi l’avis de certains joailliers présents à Bhamdoun, qui louent des stands dans les foires d’Europe et du Golfe et qui appellent le gouvernement libanais à une participation plus active dans ce domaine. La joaillerie au Liban qui est une industrie à part entière, ayant une histoire vieille de plus d’un siècle, cherche-t-elle l’aide ou la subvention du gouvernement ? Non, juste une certaine reconnaissance et beaucoup plus d’implication pour pouvoir vanter cet artisanat de luxe, imprégné de goût et de savoir-faire, à l’étranger.

Patricia KHODER
Inauguré le 11 juillet dernier, le souk des joailliers de Bhamdoun, une exposition à laquelle participent 21 joailliers libanais restera ouverte jusqu’au 15 septembre. Destiné principalement aux estivants arabes, Koweïtiens, Saoudiens, Qataris et Bahreïnis, qui séjournent dans cette localité du caza de Aley et ses environs, l’événement est censé familiariser les ...