Rechercher
Rechercher

Actualités

Hariri veut être quitte sur le plan comptable, sans perdre de sa popularité

Personne ne s’y attendait. Hariri propose, en plein été et alors que le pouvoir s’apprête à se mettre en congé, un coup de barre étonnant au niveau du fisc. Donc au niveau de la politique de redressement. Et de la politique tout court. À Dimane récemment, il a assez franchement abattu son jeu : suppression d’impôts, à peine compensée par un relèvement de la TVA, pour soigner la population souffrante. Et sa cote de popularité. Dans la perspective des prochaines législatives, qu’il n’a pas manqué d’évoquer. Également sur un ton résolument populiste, en affirmant qu’il est contre une loi électorale discriminatoire. Et qu’il condamne rétrospectivement les lois électorales précédentes, même celles commises sous sa propre gestion. Hariri rend donc la monnaie de sa pièce à un Berry tout aussi désireux de défendre la veuve et l’orphelin. En s’opposant avec éclat à toute augmentation des impôts. Au titre des mêmes ambitions électoralistes. Comme certains observateurs s’accordent à le relever, les gens du pouvoir se préparent à prolonger leur présence commune aux commandes. Les uns en projetant de lancer une réforme administrative de longue haleine, qui rendrait logique l’éventuelle reconduction du mandat présidentiel. Les autres, en développant dès à présent des thèmes quasi démagogiques, pour assurer leur emprise sur le prochain Parlement.
La riposte du Premier ministre a pris corps la semaine dernière, lors de sa visite à un Conseil économique et social qui est en réalité un zombie (son mandat a expiré fin décembre dernier). Hariri, on le sait, a proposé le fracassant troc suivant : la suppression d’une quinzaine d’impôts (dont l’impôt sur le revenu comme sur les salaires, l’impôt sur les professions libérales, les droits de succession et sur les propriétés bâties) moyennant le passage ascensionnel de la TVA de 10 à 16 %. Hariri, qui n’oublie donc pas qu’il a des vues électorales autant que les démagogues du cru, affirme avoir déniché cette trouvaille parce que lui aussi comprend la grogne populaire face au fardeau toujours plus lourd des charges sociales. Sans doute pour ne pas trop froisser Siniora, dont l’indulgence populiste est moindre, parce qu’il n’est pas pour sa part candidat à la députation, Hariri précise que son idée n’a pour le moment valeur que de suggestion à discuter. Dans le cadre des préparatifs d’élaboration du budget 2004 qui vont bientôt commencer. Et qui donnent déjà lieu à d’âpres controverses articulées autour du fameux bordereau numéro neuf, créneau qui contient les postes taxables et surtaxables. En tout cas Hariri affirme, à l’instar de son grand argentier Siniora, qu’il faut trouver un moyen de renflouer les caisses de l’État autant que faire se peut. Et de compenser le recul des rentrées. Ce qui est une façon pudique d’indiquer que les sorties, c’est-à-dire les dépenses, ont de loin dépassé les barèmes prévus dans le budget de l’année en cours.
En tout cas, la proposition Hariri a mis en émoi les politiciens autant que les milieux d’affaires. On pensait généralement que Hariri, comme Siniora, allait tenter de plaider pour une augmentation des impôts ordinaires. En s’efforçant, au nom du réalisme le plus élémentaire, de réfuter le refus de Berry d’envisager de telles ponctions. Hariri joue donc à son tour, répétons-le, sur la fibre populiste. En soulignant que le relèvement de la TVA, qui ne toucherait selon lui qu’une partie aisée de la population, lui paraît socialement la mesure la plus équitable.
C’est donc la réponse du berger à la bergère. Une réponse d’ordre si visiblement tactique que certains professionnels s’en étonnent ou même s’en indignent. Ces techniciens soulignent en effet que la situation économique du Liban, et encore plus sa situation financière, est presque désastreuse. Ce qui signifie qu’il faut un traitement de fond, un plan global et une solide entente entre responsables, pour rétablir la confiance. À leur avis, les dirigeants se focalisent sur des points de détail et continuent à se tirer dans les pattes, au lieu d’accorder leurs violons. Les sources citées en veulent pour première preuve évidente que Hariri n’a pas parlé de son idée TVA avec Baabda ou avec Aïn el-Tineh. Sans quoi le projet aurait été discrètement gommé ou, au contraire, présenté et défendu par le pouvoir uni. De plus, pour ces spécialistes, la TVA mais aussi les autres impôts ne peuvent représenter que des palliatifs et non pas des remèdes longue durée, du moment que le Liban croule sous une dette de trente-cinq milliards de dollars. À partir de là, politiciens et organismes économiques se demandent ce qu’il est advenu des engagements pris à Paris II. Plus exactement, ils relèvent que le programme de réformes s’est trouvé torpillé par le fait que diverses parties se sont ingéniées à mettre des bâtons dans les roues du gouvernement. Le comble étant que certaines de ces parties font justement partie elles-mêmes du Cabinet. Les tiraillements entre les présidents ont également contribué au blocage. Ainsi la proposition d’un séminaire ministériel consacré à la récession est tombée d’elle-même à l’eau, personne n’étant encore disposé à coopérer avec autrui pour le sauvetage. La responsabilité apparaît ainsi comme partagée. Et l’on se demande comment, dans ces conditions, des dossiers aussi lourds que l’électricité, la dette publique et le déficit budgétaire vont pouvoir être traités. L’astuce de l’échelonnement, adoptée pour le compte de la Sécu, n’est pas utilisable ailleurs. Certains politiciens suggèrent que les banques privées mettent la main à la poche, pour tirer l’EDL d’affaire. Mais cela paraît difficile, car la Banque centrale vient tout juste de leur soutirer 3,6 milliards de dollars à intérêt zéro.

Philippe ABI-AKL
Personne ne s’y attendait. Hariri propose, en plein été et alors que le pouvoir s’apprête à se mettre en congé, un coup de barre étonnant au niveau du fisc. Donc au niveau de la politique de redressement. Et de la politique tout court. À Dimane récemment, il a assez franchement abattu son jeu : suppression d’impôts, à peine compensée par un relèvement de la TVA, pour...