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Liban-Iran - Les responsables de la République islamique insistent sur la nécessité de renforcer les échanges économiques avec Beyrouth Après la délégation kataëb, le patriarche maronite attendu à Téhéran

« Il existe désormais un nouveau Hezbollah au Liban et c’est le parti Kataëb ». Cette boutade qui aurait été lancée par le président iranien Mohammed Khatami en recevant la délégation kataëb à Téhéran, il y a une dizaine de jours, et qu’il aurait répétée devant le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah qu’il a reçu il y a quelques jours dans la plus grande discrétion, illustre à merveille la détermination des Iraniens à établir des liens chaleureux avec toutes les composantes libanaises, notamment avec les parties chrétiennes, et à leur tête le patriarche maronite.
Avec la délégation kataëb, présidée par le chef du parti, M. Karim Pakradouni, mais avec tous leurs interlocuteurs libanais, les responsables iraniens auraient tenu pratiquement le même langage. Avec l’ère de la mondialisation, le concept de souveraineté a changé. On ne peut plus parler de pays fermés, isolés, à l’indépendance pointilleuse. L’évolution actuelle du monde favorise l’émergence de blocs politico-économiques, basés sur le développement dans la complémentarité. Pour les Iraniens, un axe Liban-Syrie-Iran, et qui inclurait plus tard, sans doute, l’Irak, est un projet d’avenir intéressant. En tout cas, l’Iran pourrait représenter pour le Liban un élan vital au niveau de l’absorption de la main-d’œuvre et de l’accueil des investissements, un peu comme ce fut le cas entre le Liban et les pays du Golfe dans les années soixante.
Les Iraniens expliquent aussi à leurs interlocuteurs libanais que leur pays est presque un continent avec 70 millions d’habitants étalés sur 1 640 000 km2. Il possède de nombreuses richesses naturelles, en pétrole bien sûr mais aussi en gaz, métaux et espaces cultivés. La technologie y est très développée, les Iraniens exigeant, dans tous les contrats qu’ils signent avec des compagnies étrangères, d’obtenir un transfert de la technologie chez eux. Ils pourront bientôt fabriquer eux-mêmes leurs propres turbines électriques. (Une bonne nouvelle au cas où les Israéliens bombarderaient celles du Liban) et consacrent une importante partie de leur budget à la recherche scientifique, de façon à garder leurs cerveaux chez eux.

450 visas par mois
à l’ambassade
du Liban à Téhéran
Leur budget annuel varie entre 7 et 9 milliards de dollars et ils ont une dette de six milliards de dollars (celle du Liban est de 34 milliards, aux dernières nouvelles). Mais leurs avoirs gelés depuis la révolution islamique dans les banques américaines s’élèvent à 40 milliards de dollars alors que dans les banques anglaises, ils en ont 20.
Tout cela pour dire que ce pays immense et riche souhaite avoir des échanges de plus en plus importants avec ses voisins et avec le monde arabe. Il s’est doté d’une grande flexibilité dans ce domaine, puisque 700 000 Iraniens se rendent chaque année en Turquie pour y travailler, bien que les deux pays aient des régimes politiques très différents. Les Émirats arabes unis accueillent chaque année 3 millions d’Iraniens, malgré le conflit sur les îles qui se trouvent au large des deux pays. Il y a d’ailleurs entre l’Iran et les Émirats 56 vols aériens hebdomadaires. De même, l’ambassade de Syrie à Téhéran délivre chaque jour entre 2 000 et 2 500 visas à des Iraniens désireux de se rendre en Syrie, alors que l’ambassade du Liban n’en accorde que 450 par mois.
Ce sont ces chiffres qui ont poussé le vice-ministre des Affaires étrangères iranien à se demander, en présence de la délégation kataëb, pourquoi les relations économiques entre les deux pays ne sont pas à la mesure des relations politiques et culturelles. La colonie libanaise en Iran regroupe près de 200 000 personnes, pour la plupart des hommes d’affaires et des étudiants. (Le principal homme d’affaires libanais établi en Iran est d’ailleurs un Gemayel et sa famille est établie à Téhéran depuis 1923).
Selon les responsables iraniens, il serait donc temps de consolider les relations économiques entre le Liban et l’Iran, d’autant que selon les propres termes du président Khatami, il n’y aurait dans son pays aucune discrimination religieuse, la seule condition étant que ceux qui résident en Iran respectent les lois de ce pays.
Les responsables iraniens auraient même confié à leurs interlocuteurs libanais que leur pays avait proposé au Liban de réparer 12 des 18 hélicoptères endommagés et ils seraient même prêts à reconstruire les appareils qui ont été détruits. L’offre n’a jamais eu de réponse, même si l’évolution technologique iranienne permet à ce pays de fabriquer ses propres armes, réduisant ainsi le nombre de pièces qu’il doit acheter aux États-Unis. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler comment, lors du raid américain raté sur le désert de Karch, deux avions étaient tombés au sol et les Iraniens s’étaient empressés de les dépecer afin de reconstruire les 220 pièces qui les composent. Ils ont pu, dès lors, fabriquer leurs propres avions de combat.
Selon les propos tenus par les responsables iraniens devant leurs interlocuteurs libanais, développer les échanges bilatéraux est tout à fait possible, d’autant que l’actuel commandement iranien est très ouvert à l’égard du Liban. D’abord, ce pays concrétise, aux yeux du président Khatami, l’idée de dialogue des cultures qui lui est chère. Ensuite, le président Khatami apprécie grandement la politique arabe du président Émile Lahoud et ses choix stratégiques, ainsi que les positions visionnaires du patriarche maronite, Mgr Sfeir. Enfin, le président iranien a répété devant ses interlocuteurs sa détermination à établir des relations chaleureuses avec toutes les composantes libanaises. À la délégation kataëb, le président Khatami aurait dit : « J’apprécie beaucoup le Hezbollah et sa lutte contre l’occupant. Mais à mes yeux, sa résistance est une action nationale, libanaise, et non purement islamique. »
Aujourd’hui, donc, ce serait l’ensemble du Liban qui ferait partie des priorités iraniennes et les autorités officielles de ce pays semblent déterminées à modifier leur image aux yeux des Libanais.
La visite du parti Kataëb constitue, dans ce cadre, un début pour les Iraniens. Leurs responsables attendent que le patriarche maronite réponde à leur invitation et ils s’apprêtent à l’accueillir en chef d’État. Ils comptent même inviter d’autres parties et personnalités libanaises, puisqu’ils suivent de très près la situation interne au Liban, par le biais des chaînes de télévision qui émettent par satellite. L’ancien ministre Michel Eddé ferait ainsi partie des personnalités qu’ils écoutent religieusement lorsqu’il parle de la situation en Israël... D’ailleurs, devant la délégation kataëb, les responsables iraniens n’ont pas été avares de compliments à l’égard des chrétiens du Liban. Nouveau signe des temps...
Scarlett HADDAD
« Il existe désormais un nouveau Hezbollah au Liban et c’est le parti Kataëb ». Cette boutade qui aurait été lancée par le président iranien Mohammed Khatami en recevant la délégation kataëb à Téhéran, il y a une dizaine de jours, et qu’il aurait répétée devant le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah qu’il a reçu il y a quelques jours dans...