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Actualités

Opinion La reconnaissance de l’Autre

Par Eddy Fayek Abillama *

Comment militer pour préserver une patrie fondée sur des principes humanistes, sur le légendaire message de coexistence intercommunautaire, lorsque nous nous laissons aller en acceptant que l’on consente à nous accorder ce qui, en réalité, nous est dû ? C’est cette attitude de « laisser faire » qui conduit à l’arbitraire. Nous fabriquons nous-mêmes les monstres qui se permettent, au nom d’une quelconque raison d’État, d’aliéner nos droits et notre autonomie de décision. Les parlementaires, nous les avons nous-mêmes « élus ». Et ce sont ces députés qui accordent la confiance au gouvernement. Notre conscience collective doit toujours avoir cette réalité à l’esprit au moment des grands choix.
Au lieu de développer des défenses sectaires, dans l’espoir de préserver notre identité, nous ferions peut-être mieux de chercher plus profondément les solutions qui mènent à notre véritable libération. Nous savons que beaucoup de ces solutions sont entre nos mains. Il s’agit de procéder méthodiquement, au niveau politique, afin de nous soustraire au joug qui a été placé sur nos épaules sans que nous réagissions. Le sectarisme et l’absence de dialogue facilitent l’asservissement de notre patrie.
Les solutions préconisées se situent à trois niveaux : la mise en place d’une réforme permettant la régularisation des relations entre le pouvoir et les Libanais ; la concrétisation d’un compromis historique entre musulmans et chrétiens ; et la réévaluation des relations entre le Liban et la Syrie.
La réforme appelée à régulariser les relations entre le pouvoir et les Libanais est censée avoir été réalisée par l’accord de Taëf. Malheureusement, une application sélective de cet accord a débouché sur des anomalies flagrantes. L’esprit de ces réformes constitutionnelles est irréversible car il répond à la volonté d’une plus grande participation à la vie publique. Ces réformes sont supposées assurer une meilleure répartition des pouvoirs entre les différentes communautés et constituent une évolution positive et équilibrée du pacte de 1943. Ce dernier doit éviter qu’une quelconque partie lésée ne soit tentée par une alliance avec l’extérieur dans l’espoir de réaliser un avantage au détriment de ses partenaires nationaux.
Le pouvoir souhaité par les Libanais est associatif et non pas sectaire. L’État doit être capable de gérer et d’assurer la pérennité de la formule intercommunautaire de vie commune. Il doit aussi être en mesure d’organiser efficacement les affaires des citoyens en se basant sur une administration moderne, libérée de toute hypothèque confessionnelle, régie par un pouvoir juridique indépendant.
Pour atteindre ces objectifs qui semblent éloignés, il convient de garantir un consensus politique adéquat. Ce que nous recherchons, ce n’est pas un nouveau système de partage du pouvoir, mais une réforme réelle axée sur le rôle des institutions. Les accords de Taëf n’ont été possibles que dans la mesure où ils promettaient d’améliorer les conditions de la cohabitation intercommunautaire. Si le compromis entre musulmans et chrétiens n’est pas historiquement consolidé, aucune évolution ne pourra être opérée.
Nous avons le sentiment que tout est fait pour maintenir l’impression de division et justifier, par conséquent, la tutelle. D’où l’importance de trouver ou de développer le compromis historique débouchant sur l’unité nationale. À cet égard, le dialogue reste le choix le plus indiqué. Il constitue même la seule voie de règlement de tout conflit entre Libanais. Le dialogue est avant tout la reconnaissance de l’Autre. Plus encore, l’acceptation de l’Autre, de ses opinions, de sa différence.
Le nouveau compromis devrait conforter la nature consensuelle de la formule libanaise. Il ne changera en rien ce qui a été décidé à Taëf. Il interviendra uniquement au niveau de la conscience collective libanaise, en ce sens qu’il cristallisera l’idée d’union plutôt que celle de partage. Il faut donc composer avec l’Autre, dans le but de consolider les préceptes nationaux qui assurent la pérennité du Liban. Nous n’accepterons jamais qu’une de nos frontières soit remise en cause, encore moins que le pays soit le théâtre d’une quelconque division interne. Nous sommes capables de nous entendre en nous respectant mutuellement. Dix-sept années de guerre n’ont pas réussi à nous séparer. Comparé à des pays possédant la même structure, le Liban a su préserver son tissu national de base.
Il reste qu’il nous faut avoir le courage d’appeler les choses par leur nom et réclamer ce qui nous revient de droit au niveau de la souveraineté nationale et de la libre décision.
Il faut, enfin, procéder à une réévaluation des relations entre les Libanais et la Syrie. Il est évident que le maintien des relations avec la Syrie à un tel niveau d’incompréhension et de déséquilibre nuit aux deux pays. L’état actuel de ces rapports n’est pas à la mesure de l’ambition des Libanais, qui ont le souci de préserver les liens historiques et naturels avec la Syrie. Les Libanais ont le souci de développer les points communs susceptibles de jeter les bases d’une plus grande confiance entre les deux peuples. Cela ne peut toutefois se réaliser que lorsque le Liban aura recouvré son indépendance, sa souveraineté et son autonomie de décision. C’est alors que nous pourrons aboutir à une « solution historique » garantissant la stabilité et une coopération saine et continue au niveau de nos relations bilatérales.

* L’un des représentants des Forces libanaises au sein du Rassemblement de Kornet Chehwane.
Par Eddy Fayek Abillama *Comment militer pour préserver une patrie fondée sur des principes humanistes, sur le légendaire message de coexistence intercommunautaire, lorsque nous nous laissons aller en acceptant que l’on consente à nous accorder ce qui, en réalité, nous est dû ? C’est cette attitude de « laisser faire » qui conduit à l’arbitraire. Nous fabriquons...