Rechercher
Rechercher

Actualités

Éducation - Le ministre évoque aussi la nécessité d’instaurer un contrôle du privé Remplacer les concours d’entrée par des calculs basés sur les notes du bac, une idée de Samir Jisr(photo)

Des crampes à l’idée de présenter un concours d’entrée à une faculté de l’Université libanaise (UL) ? Peur de perdre ses moyens à l’instant fatidique ? Afin de donner plus de chances aux futurs étudiants et de dissiper les rumeurs de manque de transparence, selon lui infondées, qui pèsent sur certaines facultés, Samir Jisr, ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, fait part à L’Orient-Le Jour de ses idées sur un nouveau système qui remplacerait les concours par un tri selon les résultats du baccalauréat. Le ministre fait par ailleurs, quelques semaines avant la rentrée, un tour d’horizon des problèmes de l’UL et définit sa politique pour mettre en place un contrôle efficace des établissements d’enseignement supérieur privés, dans un contexte de prolifération des universités.
Est-il juste que tout l’avenir d’un étudiant soit lié à un seul concours d’entrée ? M. Jisr pense que non, précisant qu’à l’UL, les concours d’entrée sont exigés dans les facultés qui n’ont pas la capacité d’accepter plus qu’un nombre limité d’étudiants, comme les facultés de génie, de médecine, de médecine dentaire, de pharmacie, de gestion... « Ce qui se passe actuellement, c’est que les étudiants tentent leur chance dans plus d’une faculté, souligne-t-il. Il est évident, pour moi, que ces concours d’entrée se déroulent dans une atmosphère de transparence totale, mais le ministère en a assez d’entendre des rumeurs sur de prétendues irrégularités dans certaines facultés. »
N’est-il pas plus simple d’enquêter sur d’éventuels abus, conformément aux bruits qui courent, plutôt que de changer le système ? « Un contrôle est effectué continuellement, répond le ministre. Mais pourquoi ne pas éliminer le doute de manière radicale ? Puisque les résultats des examens officiels organisés au niveau national ne font pas l’objet de soupçons (?!) et qu’ils couvrent les différents domaines de compétence, nous proposons le système suivant : le futur étudiant présente une demande d’admission à l’UL en choisissant trois options parmi les spécialisations et en y joignant ses notes du baccalauréat. À l’aide d’un programme informatique spécialement conçu à cet effet, les responsables dans les facultés, qui auront auparavant décidé du coefficient de chaque matière selon l’importance qu’elle revêt dans le cadre de la spécialisation (à titre d’exemple, les mathématiques et la physique sont des disciplines primordiales dans les études de génie), font leur calcul à partir des notes de l’élève et décident s’il est habilité ou non à suivre ces études, sans qu’il n’ait besoin de présenter un concours. »
Selon M. Jisr, ce système permet d’atteindre trois objectifs : assurer une transparence totale, éloigner les soupçons qui pèseraient sur certaines facultés et éviter à l’université des efforts considérables et une dépense d’argent inutile. Il précise qu’il a déjà soulevé la question avec le recteur de l’UL, qui s’est montré intéressé. Toutefois, ce dernier a noté que même les résultats du baccalauréat peuvent ne pas s’avérer significatifs de la capacité réelle de l’étudiant, d’où l’idée d’ouvrir la possibilité aux élèves ayant réussi leurs examens de les présenter une seconde fois, dans l’objectif d’améliorer leur moyenne. « Ce système est de rigueur dans beaucoup de pays au monde », ajoute le ministre.
Toutefois, un tel système ne risque-t-il pas de faciliter l’accès des étudiants à des domaines déjà saturés sur le marché du travail ? « Il n’y a pas de danger puisque le nombre d’étudiants admis dans telle ou telle faculté reste inchangé, estime le ministre. D’ailleurs, l’étudiant qui n’est pas admis dans l’université publique a plusieurs autres options dans les universités privées au Liban et à l’étranger. En définitive, on ne peut pas empêcher les gens de suivre la voie qu’ils se sont tracée. » Refusant de crier à la fuite des cerveaux, il ajoute que, même si les jeunes diplômés sont plus tard acculés à l’émigration – et, selon lui, il ne faut pas perdre de vue que le Liban a toujours été un pays d’émigration –, on leur aura au moins assuré un bagage qui leur permettra de se lancer à l’étranger.
Quel est son plan pour résoudre le malaise qui domine aujourd’hui à l’UL, notamment en raison de la paralysie de l’Administration et du retard dans le paiement du budget par le ministère des Finances, problèmes dont se plaignent les professeurs aujourd’hui ? « Je me suis réuni avec eux récemment et je pense que le malaise est davantage dû à un malentendu qu’à un réel problème, répond-il. Selon le système en place, le budget est supposé être envoyé au ministère des Finances avant d’être discuté au Parlement. Il s’est avéré qu’il y avait eu un retard dans la transmission du dossier au ministère des Finances. Le conseil d’administration de l’UL a reconnu cela et a promis de s’acquitter à temps de cette tâche dans l’avenir. »
« D’autre part, poursuit-il, les remarques faites par le ministère des Finances sont dans l’intérêt de l’université. Si les dépenses sont rationalisées sans que le budget ne soit réduit, évidemment, ce sera autant d’argent gagné pour l’UL. Selon la loi, les sommes non dépensées restent à la disposition de l’université. »

Recours à une société d’audit
De l’université publique aux établissements privés. Comment compte-t-il se comporter face à la prolifération des établissements d’enseignement supérieur (plus d’une quarantaine aujourd’hui) qui s’est produite sans aucun contrôle ? Comment régler le problème des abus qu’on rapporte dans certaines d’entre elles (comme l’admission d’étudiants n’ayant pas obtenu le baccalauréat ou l’octroi de diplômes universitaires par des instituts techniques) ? « Je n’ai aucun problème à ce qu’il y ait au Liban cent universités, à condition que le secteur soit organisé, dit M. Jisr. Au contraire, la prolifération peut être synonyme de richesse pour le pays, si toutefois le niveau reste élevé. »
Il rappelle que l’octroi de nouveaux permis se fait dans le cadre d’une loi, « dont les décrets d’application sont peut-être anciens ou incomplets, ou même inexistants pour ce qui est du contrôle des établissements », soulignant qu’une loi sur la réglementation du secteur universitaire privé est en préparation au Parlement. « Il se peut que l’adoption de ce texte requière un temps supplémentaire parce que l’élaboration d’une loi n’est jamais facile, et qu’il y a des remarques à faire sur la proposition qui se trouve actuellement au Parlement, ajoute-t-il. Entre-temps, il est possible de modifier certains décrets d’application et d’en adopter celui qui réglementera le contrôle. »
Les établissements qui ont enfreint la loi seront-ils par conséquent passibles de poursuites, voire de fermeture ? « La loi évoque deux délits graves, explique M. Jisr, l’ouverture d’établissements sans permis, ce qui justifie une décision de fermeture, et le non-respect des textes en vigueur malgré la possession d’un permis. Dans ce second cas, un délai d’un an est donné au contrevenant pour régulariser sa situation. Quant aux établissements ayant ouvert des facultés et des branches sans autorisation, ils encourent également des poursuites judiciaires et administratives. » Que fait le ministère actuellement dans ce dossier ? « Nous sommes dans le processus d’étudier le cas de chaque établissement », dit-il. « Toutefois, pour être franc, nous préparons actuellement une restructuration de la direction générale afin qu’elle soit apte à exercer le contrôle nécessaire sur les établissements. Mais pour cela, il faut des expertises et des technologies qui ne seront pas disponibles, selon moi, à court terme dans l’Administration publique. » Or, entre-temps, les abus dans certains établissements contribuent à une baisse de niveau générale dans le pays... « C’est vrai, reconnaît le ministre. Cependant, dans le décret qui portera sur les modalités du contrôle des établissements, nous pouvons ajouter une clause sur la possibilité d’avoir recours aux services d’une société d’audit indépendante, tout en obligeant les établissements à payer des frais pour ce service. »
Pour ce qui est du niveau proprement dit, M. Jisr pense que le jumelage des universités libanaises qui ont moins de cinquante ans d’âge avec des établissements accrédités à l’étranger est une bonne garantie et ouvre des portes aux étudiants. D’autre part, il est possible de recourir à des conseils d’accréditation étrangers (il évoque un organisme au niveau de l’Europe) pour le classement des établissements « parce qu’il est préférable, vu les complexités de la société libanaise, de charger un organisme neutre de s’acquitter de cette tâche ». Ces projets tarderont-ils à être implantés ? « Le plus tôt possible, je l’espère », répond-il.
À la question de savoir si de nouveaux permis allaient être accordés prochainement, M. Jisr indique que des demandes ont effectivement été faites (avant qu’il ne soit chargé du portefeuille), mais qu’il n’accepterait de donner suite à aucune d’entre elles tant qu’un système de contrôle n’a pas été instauré.
Que pense-t-il de la fusion des trois ministères de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de l’Enseignement technique ? Est-il intéressant de suivre le parcours général des apprenants ou la responsabilité lui semble-t-elle trop lourde ? « Il est certain que la tâche est difficile et épuisante, répond M. Jisr. D’un autre côté, il faudrait, en principe, réglementer tout le secteur de l’éducation, du primaire à l’université en passant par le technique. Il se peut qu’un seul ministère soit plus apte à atteindre cet objectif que trois, surtout quand la coordination est inexistante. »

Suzanne BAAKLINI

L’éducation nationale la plus chère... mais pas la meilleure

Le surplus d’enseignants dans les écoles publiques est un autre problème auquel le ministre de l’Éducation, Samir Jisr, doit faire face. « Les professeurs sont difficilement transférables parce qu’ils veulent rester dans leur ville, ce qui crée un déséquilibre dans certaines écoles », reconnaît-il. Il rappelle que selon le rapport de la Banque mondiale, il y aurait, en moyenne, un professeur pour neuf élèves au Liban, « ce qui fait de notre éducation nationale la plus chère du monde, sans être la meilleure ».
M. Jisr ajoute qu’il a demandé un rapport complet sur l’état des écoles publiques au Liban afin d’être en mesure d’organiser le secteur de manière efficace. « Il faut que nous soyons épaulés par une décision politique claire parce que, en définitive, le professeur est un fonctionnaire et qu’il doit accepter le poste qu’on lui assigne, dit-il.
D’un autre côté, il faut prendre en compte les distances à parcourir tous les jours, de façon à ce qu’elles ne dépassent pas les 25 kilomètres. » Une autre injustice à régler : les frais de transport. Aujourd’hui, on paye la même somme, 6 000 livres par jour, pour tous les enseignants, quelle que soit la distance qu’ils parcourent pour se rendre à leur travail. Si on procédait à calculer les frais de transport suivant les kilomètres effectués chaque jour, cela règlerait, selon lui, beaucoup de problèmes et convaincrait les réfractaires à accepter des postes loin de chez eux.
M. Jisr souligne qu’un nouveau flux d’élèves est attendu cette année dans le secteur public, « en raison de l’amélioration du niveau et de la détérioration des conditions économiques ».
Enseigner à enseigner
Pour ce qui est de la formation des professeurs à l’enseignement (ils ne le sont pas toujours aujourd’hui), qu’a prévu le ministère ? « C’est le grand problème qui découle du système des contractuels », explique M. Jisr. « Il y a effectivement différents niveaux de formation : l’école normale, qui est un bac+2, d’une part, et les diplômes universitaires d’autre part, dont ceux décernés par la faculté de pédagogie de l’UL. Avec les nouvelles lois en vigueur, les écoles normales devront pratiquement disparaître parce qu’il sera exigé du professeur d’être détenteur d’une licence au moins. » Par ailleurs, un texte de loi se trouvant actuellement au Parlement évoque la question de compétence : il deviendra possible au détenteur d’un diplôme de pédagogie d’étudier une année supplémentaire (deux ans pour le licencié en une autre discipline) avant d’être en mesure de postuler pour l’école publique. Quant aux contractuels, une loi a déjà été adoptée pour régler leur cas, mais les décrets d’application n’ont toujours pas paru. On leur proposera, avant de leur accorder le statut d’enseignants à plein temps, des tests d’admission et des sessions de perfectionnement au besoin. « Pour régler le problème du recrutement des professeurs, il nous faudra évaluer chaque année nos besoins en nouvelles recrues et coordonner avec la faculté de pédagogie afin qu’elle puisse former le nombre d’enseignants nécessaire », poursuit M. Jisr. « À moins d’appliquer cette méthode, nous ne cesserons jamais d’avoir besoin de contractuels. »
Des crampes à l’idée de présenter un concours d’entrée à une faculté de l’Université libanaise (UL) ? Peur de perdre ses moyens à l’instant fatidique ? Afin de donner plus de chances aux futurs étudiants et de dissiper les rumeurs de manque de transparence, selon lui infondées, qui pèsent sur certaines facultés, Samir Jisr, ministre de l’Éducation nationale et de...