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Le gouverneur dans le collimateur du camp dominateur

Une main de fer à l’intérieur, un gant de velours à l’extérieur. Tandis que, dehors, Chareh redit la (bonne) volonté syrienne de coopérer avec l’Amérique, au-dedans tout ce qui touche de près ou de loin à cette superpuissance est vilipendé.
Ainsi, alors que la campagne contre un Aoun qui a osé parler à Washington bat son plein, une volée de flèches est tirée sur Riad Salamé. Parce que le gouverneur de la Banque du Liban s’est permis de demander des renseignements, aux banques privées, sur d’éventuels dépôts concernant six cadres du Hamas ainsi que cinq associations caritatives liées à cette formation. Cela dans la foulée d’une déclaration de Bush exigeant le gel des potentialités financières du mouvement radical palestinien, labellisé « terroriste », comme on sait, par les Américains. Le gouverneur a eu beau expliquer que sa démarche était purement informelle, qu’il n’a pris aucune mesure affectant le secret bancaire et encore moins une décision de mise sous séquestre des dépôts visés, le camp régnant s’est déchaîné contre lui. Outre la réaction outrée du Hezbollah, qui se comprend facilement, on note que même des officiels participent à la curée. Non contents de se désolidariser de l’un des symboles de l’État, ils croient devoir l’accabler de reproches et dénoncer ses prestations. Il n’est pas étonnant dès lors d’entendre, chez les loyalistes, nombre de voix indignées s’élever pour réclamer la révocation de Salamé. Sous prétexte qu’il se serait mis au service des visées US. En s’en prenant, péché mortel, à la résistance. Principe sacré que défendent pareillement des mouvements engagés libanais et palestiniens qui font face à un ennemi commun. Comme pour Aoun, toute cette rhétorique développée contre un technicien de la monnaie sent la répartition des rôles et la campagne orchestrées par le fameux « remote control ». Ces temps-ci les aboyeurs du deuxième rang, évoqués dans ces colonnes hier, ne chôment pas.
Les dirigeants pour leur part adoptent une attitude plus nuancée, mais néanmoins critique. Le chef de l’État demande des éclaircissements. Le président de la Chambre, Nabih Berry, appelle à la formation d’une commission d’enquête. Ce qu’il n’avait pas fait pour l’électricité, problème bien plus général et bien plus
« vrai », si l’on peut dire. Salamé, pour se défendre, publie un communiqué. Où il dément les indications attribuées à l’équipe d’investigation spéciale formée pour la vérification des dépôts bancaires. Le gouverneur nie que des mesures visant les intérêts de formations résistantes nationales aient été prises. Il précise que d’ailleurs la commission d’enquête susmentionnée, dont l’action est régie par la loi numéro 318 (sur la lutte contre le blanchiment), n’a pas pouvoir d’agir contre des mouvements nationaux qui défendent la terre et le peuple.
Concrètement, qu’en est-il ? Le secrétaire général du comité ad hoc, Mohammed Baassiri, a effectivement adressé aux banques une circulaire informelle. En date du 8 septembre. Ce qui fait quand même deux semaines avant qu’on n’enregistre les premiers remous. Pourquoi cet intervalle, que s’est-il passé entre-temps ? Faut-il y voir un lien avec le débat au Congrès sur le Syria Accountability et les surenchères de Powell visant Damas ? Certains professionnels estiment en tout cas, assez courageusement, que la campagne anti-Salamé est tout à fait injustifiée. Pourquoi ? Pour la simple raison que le gouverneur n’a fait qu’appliquer la loi votée par la Chambre libanaise et, évidemment, approuvée en Conseil des ministres. Ces politiciens ajoutent que s’il y a des omissions dans le texte, comme des exceptions ou des exemptions au bénéfice de formations déterminées, on ne peut pas s’en prendre au gouverneur, qui n’a pas établi la loi mais se doit de la respecter. Et qui a déployé des efforts considérables, avec succès, pour que le nom du Liban soit rayé de la liste noire en matière de... blanchiment. Ce qui a été fait dernièrement par le Gafi. Toujours est-il que Salamé, répétons-le, a observé une procédure imposée ; quand on lui communique un dossier, du dehors, il ne peut pas fermer les yeux et doit vérifier. Ce sont les impératifs de la convention signée par ce pays. Qui risque, s’il ne s’acquitte pas de ses obligations, de retrouver de nouveau sur la liste noire. Selon les mêmes sources, en fait il y a quelque temps que Salamé est visé. Il a été la cible de certains à l’occasion de l’affaire al-Madina, dont on a voulu imputer la responsabilité à la Banque centrale. Alors que le gouverneur est en fait parvenu à récupérer des sommes considérables, pour les rendre aux déposants.
Philippe ABI-AKL
Une main de fer à l’intérieur, un gant de velours à l’extérieur. Tandis que, dehors, Chareh redit la (bonne) volonté syrienne de coopérer avec l’Amérique, au-dedans tout ce qui touche de près ou de loin à cette superpuissance est vilipendé.Ainsi, alors que la campagne contre un Aoun qui a osé parler à Washington bat son plein, une volée de flèches est tirée sur...